« Un robot pour chacun ! ». C’est le slogan d’une start-up née dans un petit appartement de la capitale roumaine. En 2015 une poignée de jeunes informaticiens inaugurent à Bucarest l’UiPath, une société spécialisée dans l’automatisation des processus par la robotique (APR). Aujourd’hui, six ans plus tard, elle est devenue numéro un mondial en termes d’innovation dans l’intelligence artificielle. La petite start-up roumaine est évaluée à 24 milliards de dollars et elle a ouvert des bureaux à New York, Londres, Paris et Mumbai. « Il y a un moment clé dans la vie de chacun, affirme Daniel Dines, son fondateur. Huit ans après mon départ de Microsoft j’avais du mal à me faire embaucher. Mais il existe des moments privilégiés dans la vie où tu sens que ton heure est venue et où tu mets tout en jeu pour la valoriser. »
En Europe de l’Est, les start-up poussent comme des champignons et changent la donne économique. Initiées par des jeunes familiers des nouvelles technologies, elles explosent dans les pays de l’ancien bloc communiste. En Roumanie, UiPath a montré la voie et cette success story a permis à de jeunes informaticiens de faire le grand saut dans le paysage économique. Leurs affaires montrent un changement profond dans les économies émergeantes de la nouvelle Europe. Tous les ans des milliers de start-up sortent des incubateurs qui ont disséminé dans toute la Roumanie.
En 2018, deux frères, Beniamin et Lucian Mincu, avaient créé à Sibiu, petite ville située au centre du pays, une start-up spécialisée dans la technologie de la blockchain. Aujourd’hui leur entreprise, Elrond, a attiré trois milliards d’euros de capitaux. « L’argent n’est plus un problème pour nous, déclare Beniamin Mincu. Notre défi est de nous concentrer sur notre objectif qui est d’attirer un milliard d’utilisateurs grâce à notre nouvelle application Maiar. Elle va permettre d’opérer des transferts de valeurs à des coûts cent fois inférieurs à ceux pratiqués aujourd’hui sur le marché. »
Des milliards d’euros, des milliards d’utilisateurs, les jeunes Roumains d’Elrond voient grand. Finie l’époque où leur pays était à la traîne dans l’Union européenne (UE). Internet a effacé les frontières et les nouvelles technologies leur permettent de se lancer sur les marchés internationaux. Cette histoire se répète d’un bout à l’autre de l’Europe de l’Est où des petits groupes de jeunes croient à leur bonne étoile et se mettent aux affaires avant même d’intégrer l’université. Dans leur monde tout s’accélère, le business se fait sur la toile avec des paramètres digitalisés. Le monde réel est de moins en moins pertinent et cède la place au monde virtuel où tout est possible. La pandémie du Covid-19 a accéléré cette mutation dans l’univers digital, et les jeunes de la génération des millenials ont intégré les enjeux du futur.
La chute du mur de Berlin en 1989 avait montré le gouffre entre l’Ouest capitaliste et prospère et l’Est communiste en proie aux pénuries. Il aura fallu quinze ans pour commencer à guérir cette plaie ouverte en intégrant peu à peu les anciens pays du bloc communiste dans l’UE. Des millions de Polonais, Roumains, Hongrois, Slovaques, Bulgares et autres populations de l’Est ont migré sur les marchés du travail occidentaux à la recherche d’une vie meilleure. Mais aujourd’hui les nouvelles technologies provoquent un mouvement en sens inverse. Une bonne partie des jeunes Roumains, Polonais, Slovaques et autres ressortissants de l’Europe de l’Est qui étaient partis étudier et travailler à l’Ouest retournent chez eux.
La migration des cerveaux qui s’opérait d’est en ouest s’est inversée. L’hémorragie de la matière grise avait provoqué une pénurie de la main-d’œuvre qualifiée en Europe de l’Est, mais le phénomène touche à sa fin. Les gouvernements des pays de l’ancien bloc communiste ont eux aussi compris les avantages de ce retour à la maison. Les autorités roumaines ont mis en place le programme Diaspora – Start-up pour financer avec des fonds européens les sociétés des Roumains disposés à revenir dans leur pays d’origine. Dans un premier temps, ils ont obtenu 40 000 euros pour développer une entreprise en Roumanie.
Cette nouvelle politique s’est montrée très efficace, et à partir de 2020 le programme Repatriot – Roumanie a monté le financement à 100 000 euros pour chaque start-up créée par les Roumains de la diaspora revenus au pays. « Nous allons privilégier les affaires qui favorisent les technologies de pointe, l’automatisation industrielle et la biotechnologie, a déclaré Marcel Bolos, le ministre intérimaire des Fonds européens. Nous avons également prévu un milliard d’euros pour assurer la transition des étudiants de l’université au marché du travail. »
L’image d’une Europe de l’Est pauvre à la traîne d’une l’Europe de l’Ouest prospère s’estompe. Les nouvelles technologies ont permis aux jeunes de l’Est de donner un nouveau souffle aux économies de leurs pays dans la nouvelle ère digitale. Les confinements imposés en raison du Covid-19 les ont incités à revenir dans leur pays d’origine. Pour ceux qui savent coder il suffit d’une tablette pour démarrer les affaires. Le reste viendra de lui-même.