Ils sont jeunes et bardés de diplômes des plus grandes universités occidentales. À la différence des hommes politiques des partis historiques, les jeunes Roumains rassemblés dans le nouveau parti Union sauver la Roumanie (USR-Plus) ont vécu à Paris, à Oxford, à Cambridge, à Harvard et dans d’autres grandes villes universitaires de l’Europe de l’Ouest et des États-Unis. À l’occasion des élections législatives qui ont eu lieu le 6 décembre, ils sont entrés sur la scène politique et promettent de moderniser un pays resté en queue du peloton européen. « Tous les ans, 8 000 à 10 000 étudiants roumains partent à l’Ouest pour faire leurs études dans les grandes universités occidentales », affirme Bogdan Kochesch, manager du projet Educativa qui s’occupe de la mobilité des étudiants.
Les élections législatives n’ont pas mobilisé les foules, mais ont assuré la victoire d’une droite rajeunie et pro-européenne. Le Parti national libéral (PNL) a remporté 25 pour cent des voix, à quelques points près de son principal challenger le Parti social-démocrate (PSD) qui a obtenu 29 pour cent des suffrages. Les libéraux se considèrent comme les grands gagnants de cette élection car ils comptent sur une alliance avec l’USR-Plus pour former un gouvernement de centre-droit.
L’USR-Plus est une petite formation politique issue des milieux associatifs qui ont milité pour préserver la ville de Bucarest. Depuis son entrée sur l’échiquier politique en 2016, elle est devenue la troisième force politique du pays en emportant le 6 décembre quinze pour cent des voix. L’USR s’est renforcée après s’être alliée en 2019 avec un autre jeune parti, le parti Plus, dirigé par l’ancien commissaire à l’Agriculture Dacian Ciolos, chef du groupe Renew Europe au Parlement européen. « Cette élection est la preuve que l’USR-Plus a mûri et c’est une force politique solide qui peut concurrencer les grands partis, a-t-il déclaré après la fermeture des bureaux de vote. Il est temps que la Roumanie soit gouvernée par des gens compétents et responsables. »
Après une campagne électorale anémique sur fond de pandémie, le taux de participation a à peine atteint la barre des 31, 8 pour cent. La Roumanie compte plus de 513 000 personnes infectées par le Covid-19, dont 12 320 sont décédées. Des chiffres qui ont découragé les électeurs de se rendre dans les bureaux de vote. S’est ajoutée à la pandémie la fête de Saint Nicolas que les Roumains ont l’habitude de fêter en famille loin des bureaux de vote. La gauche a tenté de la faire jouer en sa faveur, mais sans succès. « J’appelle les Roumains à voter dans l’esprit de la fête de Saint Nicolas où ceux qui ont été sages reçoivent des friandises alors que les autres écopent d’une punition du Père Fouettard », a déclaré le chef de file des sociaux-démocrates Marcel Ciolacu.
Mais Saint Nicolas n’a pas entendu la prière de la gauche. Le futur gouvernement sera composé des libéraux associés au jeune parti USR-Plus. Conformément à la Constitution, le président libéral Klaus Iohannis nommera le futur Premier ministre qu’il avait d’ores et déjà choisi lors d’une conférence de presse qui s’est tenue le 24 novembre. « Le Parti social-démocrate a toujours constitué un obstacle pour la modernisation de la Roumanie, a-t-il déclaré. Les élections législatives du 6 décembre seront la fin de ce cauchemar. Seul un gouvernement de droite disposant d’une forte majorité au parlement pourra faire les réformes qui s’imposent. »
Derrière les enjeux politiques se joue le sort des fonds que l’Union européenne (UE) doit accorder à la Roumanie. Les fonds du plan de relance européen qui vont s’ajouter au budget 2021–2028 jouent en faveur de ce pays qui devrait bénéficier de 80 milliards d’euros. Une bouffée d’oxygène pour moderniser une infrastructure obsolète et digitaliser une administration gangrenée par la corruption. « Nous allons mettre en œuvre une coalition gouvernementale ouverte à tous les pro-européennes et atlantistes qui respectent le citoyen, a déclaré le Premier ministre libéral Ludovic Orban, suite à l’annonce des résultats. Nous avons besoin d’un gouvernement responsable capable de mettre à profit les ressources qui seront mises à notre disposition. »
Au-delà du clivage gauche-droite, la percée en politique du jeune parti USR-Plus est une victoire de l’Union européenne en Europe de l’Est. Les dérapages contre l’État de droit en Hongrie et en Pologne ont affaibli le flanc oriental de l’UE mais l’entrée de la jeunesse roumaine en politique renforce la donne européenne. Grâce au programme européen de mobilité estudiantine Erasmus, les jeunes Roumains ont eu l’occasion non seulement de se former à l’Ouest mais aussi de s’imprégner de la culture et du mode de vie à l’occidentale. Lassés par une classe politique qui ne correspond plus à leurs attentes, ils ont décidé d’entrer en politique, et leur mouvement est devenu la troisième force politique roumaine. L’USR-Plus est devenu le joker des élections législatives qui ont eu lieu le 6 décembre. « Le résultat de cette élection montre que nous ferons partie de la future coalition de gouvernement, affirme Dacian Ciolos. Et nous avons un objectif très clair : moderniser la Roumanie. »