L’une, Soraya Dagman a exposé une première fois à Paris. Elle a été invitée par Pierre El Khoury, manager culturel et ami de longue date de Julie Reuter. Celui-ci avait déjà présenté Sacha Cambier de Montravel il y a quelques mois à la galerie (voir d’Land du 01.03.2024). Le lien peut être établi entre les deux artistes. Les couleurs de Soraya Dagman sont aussi claquantes, sa technique picturale est également précise et classique. Mais, contrairement à une excursion dans la calanque de Sormiou près de Marseille, au rendu à l’antique, incongru pour un récit d’aujourd’hui, voici un voyage au pays du monde des marques.
La plus grande peinture de Soraya Dagman, qui est aussi illustratrice et vit en Bretagne, présente le portrait parfait d’une jeune femme comme beaucoup se mettent en scène sur Instagram : longs faux cils, lèvres pulpeuses, ongles bleus. Ça brille, c’est toc à souhait, dans une déclinaison de tons roses tirant sur le violet.
On retrouve cette même teinte violette pour un drapé savant comme les marches d’un podium (Vanités voilées), sur lequel sont posés des fruits luxuriants – les raisins évoquent un banquet à la romaine, mais il y là aussi des fraises en barquette plastique. Le tout acheté chez un distributeur de hard discount dont la marque est clairement dessinée sur le sac de cette nature-morte moderne.
On peut imaginer que Soraya Dagman est elle-même la fille beaucoup plus simple, en jeans et sweat rose qui pointe son doigt sur un miroir au tain usé (La fille au reflet), ou elle encore, qui noue le lacet de sa basket, dans la position de la sprinteuse. C’est en tout cas celle du départ de course suggérée par la marque des chaussures conçues à l’origine pour le stade…
Soraya Dagman est une peintre sophistiquée, qui se nourrit aussi de ses études d’histoire de l’art et d’archéologie. Est-ce la raison pour laquelle on retrouve un coquillage dans ses tableaux ? Et l’illustratrice rend-elle hommage à Hergé avec la couleur bleue de Les oranges ? Pierre El Khoury a en tout cas encore une fois choisi une artiste dont l’expression n’est pas, quoi que techniquement parfaite, directement déchiffrable. Ainsi de la très mystérieuse Fleur fanée trempée par une jeune femme au visage impénétrable, comme un pinceau dans un océan couleur or.
La luxembourgeoise Mia Kinsch*, avait été montrée dans l’exposition de groupe de fin de saison 2023 par la galerie Reuter Bausch. La jeune femme revient cette année avec des acryliques sur toile un peu plus grandes, carrées, pour narrer d’une manière simple, avec des aplats de couleur cernés d’un trait (elle aussi est illustratrice), des instants de la vie quotidienne. 7h : le câlin du matin, 7 :30 le réveil, 8 h le bain, etc. jusqu’au câlin du soir de son petit chien et le coucher en débardeur siglé de sa signature : son propre visage aux traits de manga.
Mia Kinsch le dit, elle aime la nudité et se représente ainsi dans Berefoot on a summernight. Par le format de la toile, nous appellerons « la grande baigneuse »… Mais reste manière faussement naïve que l’on reconnaissait jusqu’ici comme son style. Elle s’essaye, dans l’exposition Couleurs en échos, à des esquisses rapides à l’aquarelle. Un travail qui rappelle celui des apprentis artistes autrefois au cours de nu des écoles d’art : sauf que ce sont les modèles qui ont choisi comment elles et il (il y a un homme dans la pose masculine classique un genou relevé) préfèrent être dans leur corps.
Mia Kinsch montre ces instants saisis sans fard et sans filtre.