Quand silence devient lâcheté

d'Lëtzebuerger Land vom 17.05.2024

« Le silence devient lâcheté lorsque l’occasion exige de dire toute la vérité et d’agir en conséquence ». Christophe Hansen a cité Gandhi mardi après-midi en conclusion de son intervention à la Chambre durant l’heure d’actualité consacrée à l’aggravation de la situation humanitaire dans la bande de Gaza et au pourrissement du conflit israélo-palestinien. Le député CSV estimait-il que condamner dans l’entre-soi du Krautmaart le déferlement des bombes israéliennes sur les enfants gazaouis érigerait les parlementaires en hommes d’État courageux ?

Le débat à la Chambre mardi a donné lieu à un concert de litotes. Selon Christophe Hansen, « la situation à Gaza ne s’est pas améliorée » depuis la dernière résolution du Parlement (le 16 janvier pour demander un cessez-le-feu), « bien au contraire ». Le discours du libéral Gusty Graas (DP) semble avoir été écrit en octobre 2023 : « On peut se demander si la réponse israélienne (à l’attaque du Hamas le 7, ndlr) n’est pas disproportionnée ». « Dur de se mettre d’un côté ou de l’autre. » Après sept mois d’assaut et plus de 35 000 morts côté palestinien (décompte opéré par le Hamas, exerçant autorité sur la bande de Gaza), Fernand Kartheiser (ADR) constate que, contrairement à ce qu’elle dit, l’armée israélienne ne fait pas tous les efforts possibles pour épargner les civils.

De bonnes intentions ont été proférées de tous bords. Même le représentant de l’ADR demande que le travail des juridictions internationales (Cour pénale internationale et Cour internationale de justice à La Haye) soit respecté. Mais la discussion a porté principalement sur le vote d’une motion du LSAP demandant la reconnaissance de l’État de Palestine pour forcer la voie vers la solution à deux États. Une telle reconnaissance dans ce contexte témoignerait de la détermination à tordre le bras au gouvernement Netanyahou pour qu’il cesse de semer la mort et permettrait de regarder vers un règlement du conflit à long terme, pense l’opposition. Les principaux partis s’étaient entendus en 2014 sur une reconnaissance au « moment opportun ». Les socialistes, les écologistes et Déi Lénk jugent qu’il est venu, soulignant notamment la volonté de l’Espagne, de l’Irlande, de Malte et de la Slovénie de passer à l’acte le 21 mai.

Sous les yeux de son chef de parti de Premier ministre, Luc Frieden, Christophe Hansen a plaidé contre une « reconnaissance dans le désordre » et pour « une action commune au niveau européen », en temps voulu. Donc pas maintenant. Même son de cloche du côté du ministre des Affaires étrangères, Xavier Bettel (DP). Le libéral a prêché contre cette « mesure symbolique » et recommandé de retirer la motion (« sans vouloir dire aux parlementaires ce qu’ils ont à faire »). Une reconnaissance en plusieurs étapes par quatre pays associés au petit Luxembourg n’aurait pas d’impact. Xavier Bettel voudrait s’insérer dans « une dynamique » avec plus d’États, notamment des grands. « Je peux m’imaginer qu’en France il y aura une discussion », a présumé celui qui se rendra dans quelques jours en Israël et en Palestine. Le Luxembourg souhaiterait-il se cacher derrière un grand pour ne pas froisser le régime de Netanyahou, très nerveux sur le sujet ? Le représentant de l’État hébreu a déchiré la couverture de la Charte des Nations unies la semaine dernière après un vote demandant l’adhésion (symbolique, là du coup) de la Palestine à l’organisation basée à New York.

David Wagner a regretté la position attentiste du gouvernement. Il dit ne pas avoir vraiment saisi cette histoire de dynamique. « C’est la reconnaissance qui va l’entraîner », a expliqué l’élu de gauche. « Il ne suffit plus de demander la paix. Nous devons reconnaître le droit d’exister à la nation palestinienne », a fait valoir François Bausch (Déi Gréng). La motion a été rejetée par les partis de la droite. Les Pirates se sont abstenus. S’en sont suivies des discussions sur la formulation d’une résolution signée par tous les partis enjoignant Israël de protéger les civils à Gaza et toutes les parties de se rassoir à la table des négociations pour la paix. Voilà qui aura de l’impact.

Pierre Sorlut
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