53 États, dont le Luxembourg, ont souhaité se prononcer devant la Cour internationale de justice (CIJ) sur les conséquences juridiques de l’occupation israélienne en territoire palestinien et à Jérusalem-Est. Un record pour ce type de procédure auprès de l’organe judiciaire des Nations unies, né voilà 75 ans. Les plaidoiries organisées ces deux dernières semaines ont pour origine une saisine de l’Assemblée générale de l’ONU. Elles sont formellement à dissocier de l’accusation de génocide portée par l’Afrique du Sud contre Israël, mais elles interviennent en marge du bombardement israélien de la bande de Gaza depuis trois mois, en réponse à l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre.
La grande majorité des États a reconnu la compétence de la Cour à statuer en la matière. Seuls les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Hongrie la lui ont niée pour privilégier la résolution du conflit par la voie de négociations. Tous les États reconnaissent le droit à l’autodétermination du peuple palestinien. « Self-determination is an enlightened and beneficent ideal to which the formation of States must conform if both justice and the peace of the world are to be secured », a souligné le conseil de la Palestine, Philippe Sands, citant l’un des pionniers du droit international Hersch Lauterpacht. Philippe Sands, avocat franco-britannique et professeur de droit international, a rendu honneur au théoricien du concept de crime contre l’humanité dans son ouvrage de référence East-West Street, au côté de Raphael Lemkin, autre juriste à qui l’on attribue la paternité du concept de génocide. Tous deux étaient juifs, ont étudié à Lviv (en Ukraine aujourd’hui) et ont perdu une grande partie de leur famille dans l’holocauste.Philippe Sands, lui aussi membre d’une famille originaire de Lviv victime de la Shoah, a rappelé la semaine passée dans une plaidoirie épaissement documentée qu’Israël violait les quatre composantes du droit à l’autodétermination palestinienne : le droit à l’intégrité territoriale, le droit à ne pas souffrir de « manipulation démographique », le droit d’exercer sa souveraineté sur ses ressources naturelles et le droit de poursuivre son développement économique, culturel et social. Des droits bafoués par une politique de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est pendant un demi-siècle avec aujourd’hui la présence de 700 000 colons israéliens en territoire palestinien, relève Philippe Sands. « On Israel’s approach, it decides on the use of resources and allocation of benefits. On Israel’s approach, it decides whether Palestinians remain or return. On Israel’s approach, it decides how, if at all, Palestinians may meet, trade, teach, worship, live, love », a plaidé le Franco-Britannique perruque blanche protocolaire vissée sur la tête. La conséquence (puisque c’est la question posée) ? Pour Israël, une injonction (et l’ONU l’a déjà formulée) de se retirer des territoires occupés. Mais pour les États tiers ? « The right of self-determination requires that UN Member States bring Israel’s occupation to an immediate end. No aid. No assistance. No complicity. No contribution to forcible actions. No money, no arms, no trade, no nothing », a complété Philippe Sands.
Le représentant du Luxembourg, Alain Germeaux a, lui, relevé que « le développement de colonies de peuplement et le morcellement qui en découle, portent gravement atteinte au droit à l’autodétermination du peuple palestinien et entravent de ce fait l’édification d’un État de Palestine viable ». Dans une intervention somme toute timide, le juriste en chef au ministère des Affaires étrangères a plaidé pour qu’Israël se retire des territoires occupés, mais n’a jamais clairement qualifié l’occupation israélienne d’annexion de facto, ce qu’a fait la Belgique, sur laquelle le Grand-Duché aligne souvent sa politique juridique extérieure. La CIJ avait conclu en 2004 que l’occupation dérivait vers l’annexion. Vingt ans après, le Luxembourg ne dit pas si l’on en est à ce stade. « Un peu faible pour un pays qui, d’un point de vue juridique, et sans vouloir faire d’analogie historique, a lui même subi une annexion de facto entre août 1940 et septembre 1944 », commente l’internationaliste Michel Erpelding face au Land. Alain Germeaux a lui argumenté à la limite du sujet : « Alors qu’Israël est confronté à une attaque armée lui permettant d’exercer son droit à la légitime défense, ses activités de colonisation ne peuvent cependant pas être justifiées au titre de ce droit en ce qu’elles ne constitueraient pas, en tout état de cause, une mesure nécessaire ou proportionnée. »