Le Théâtre du Centaure renoue avec le théâtre pour enfants, en montant D’Julie an den Aprikosejong et Julie et le petit bonhomme Abricot (traduction en français de Claire Wagener) du jeune auteur luxembourgeois Cosimo Suglia (né en 1995) qui publie, assez souvent depuis 2019, en anglais mais aussi en luxembourgeois dans des revues de courts récits, des poèmes et des pièces de théâtre. Son domaine de prédilection est la science-fiction et il insiste sur le pouvoir de la créativité.
En 2021, il a reçu le Chrysalis Award pour sa nouvelle The Little Girl That Knew Better, prix du jeune écrivain en fiction spéculative (pour le Luxembourg), avec Daliah Kentges (avec qui il a déjà collaboré et qui signe la mise en scène), il en fait l’adaptation théâtrale. Le terme de fiction spéculative – qu’on trouve surtout en anglais – désigne de manière générique les fictions qui englobent qui s’écartent du réalisme ou imitent strictement la réalité quotidienne, présentant à la place des domaines fantastiques, surnaturels, futuristes ou dystopiques.
L’histoire s’inscrit dans l’univers des contes, de la littérature de l’imaginaire. Julie est une fillette passionnée par les abricots, des fruits juteux, doux, veloutés. Dans une forêt près de chez elle se trouve un abricotier immense, qui porte les plus beaux et les plus savoureux fruits qu’on puisse imaginer. Mais son père lui a interdit de se rendre dans cette forêt, car, aux dires des villageois, la mort y rôde.
Pourtant Julie sait ce qu’elle veut et finit par l’obtenir et surtout sa gourmandise la motive. En cachette, elle se met à la recherche de l’abricotier et le découvre. Des abricots… une merveille, une délicatesse ! Elle a donc eu raison de se mettre à la recherche du fruit fabuleux. Puis, elle entend un léger bruit et voit surgir un merveilleux bonhomme qui dépasse toutes ses attentes. Julie se voit alors confrontée à des épreuves, mais elle n’abandonne pas. La vie réelle se heurte au monde surréel, l’harmonie semble hors d’atteinte. Mais entre les deux cotés – l’univers féérique étant présent par le petit bonhomme et sa mère aux pouvoirs surnaturels – l’attirance existe.
The Little Girl That Knew Better se réfère au schéma narratif du conte : une situation initiale stable, un élément perturbateur avec la transgression de l’interdit, des péripéties diverses, puis un dénouement, une situation finale ; ici les héros sont heureux.
Le schéma du conte est clair, la mise en scène de Daliah Kentges le met en évidence efficacement, avec quelques trouvailles et avec la complicité de la scénographe Anouk Schiltz (qui crée aussi les costumes significatifs) : sur le plateau s’épanouissent les branches d’un grand abricotier dont les fruits se répandent jusqu’aux pieds des spectateurs. Sous l’arbre miraculeux se dresse, comme une statue, une somptueuse robe dans laquelle se glisse parfois la mère toute-puissante du bonhomme, incarnée souverainement par Mady Durrer, qui assume aussi le rôle de conteuse. Les divers tableaux, dont certains sont accompagnés de la musique d’Arthur Possing, baignent dans une douce lumière, ponctuée de plages sombres, les lumières étant signées Antoine Colla.
Les deux comédiens, l’entreprenante Julie – Magaly Teixeira, en jolie robe, parfois vive, parfois plus retenue – et le bonhomme de la forêt, naïf et attachant – Luc Lamesch, en vêtements en loques, avec un naturel désarmant – incarnent bien ces deux enfants qui se découvrent.
The Little Girl That Knew Better, un spectacle qui par divers aspects, fait découvrir l’univers du conte et y prendre plaisir.