Édito

Insécurités

d'Lëtzebuerger Land vom 10.09.2021

Une attaque de chien a monopolisé l’attention politique et médiatique ces derniers jours. Et pour cause. Les images de la perte de contrôle du malinois de G4S et la violente morsure dans la jambe de cet homme (ici à considérer comme victime), enregistrées et diffusées sur les réseaux sociaux, matérialisent les craintes des opposants au recours à une société privée pour surveiller les rues du quartier Gare de la capitale. Des agents de sécurité munis d’un agrément aux conditions d’octroi mal définies n’ont pas à faire régner l’ordre sur la voie publique. Ils ne sont ni formés ni habilités pour cette mission (d’Land, 04.12.2020). La police, oui. Puis quelle responsabilité engager en cas de problème ? Le ministre de la Sécurité intérieure est in fine responsable pour la politique sécuritaire. La bourgmestre Lydie Polfer (DP), qui emploie G4S avec son partenaire chrétien-social de coalition via un contrat secret, se dédouane évidemment. L’édile insiste sur son volontarisme pour pallier un prétendu manque de patrouilles policières dans cette zone urbaine (comme cela arrive souvent dans les lieux de transit, près des gares et des ports) où le trafic de drogue et la prostitution se sont historiquement développés.

Lydie Polfer prétend que l’insécurité est un fait et non un sentiment. C’est très contestable. À l’automne dernier le collège échevinal indiquait d’ailleurs que la mission des agents de sécurité privée consistait « clairement à lutter contre le sentiment d’insécurité par une présence préventive », en espérant qu’elle soit « dissuasive à l’égard d’auteurs d’infractions ou d’incivilités ». Que ce sentiment existe est beaucoup moins contestable. Les commentaires sur les réseaux sociaux ou au bas des articles relatifs à l’accident attestent d’un ras-le-bol partagé par les habitants et d’un soutien quasi-unanime (pour ne pas dire aveugle) à toute initiative répondant à ce sentiment d’insécurité. La morsure du chien est même très souvent vue comme une réponse justifiée à de présumées provocations de l’individu mordu. On revient sur les fondements même de l’état de droit. C’est assez effrayant.

L’expérimentée bourgmestre de Luxembourg (68 ans) sait le crédit politique logé dans la problématique sécuritaire. Son allié du CSV Laurent Mosar aussi. Contacté par téléphone ce jeudi, l’élu chrétien-social justifie l’appropriation de l’enjeu par des partis de gouvernement pour ne pas laisser les extrêmes instrumentaliser la sécurité. Lydie Polfer a tout à gagner à se ranger aux côtés des habitants. Tant et si bien qu’elle attire sur ce terrain les ministres compétents Henri Kox (qui prépare un paquet sécuritaire) et Sam Tanson (avec une refonte de la loi gardiennage), deux ministres écologistes. Or, loin de minimiser la légitime demande de bien être des habitants de la Gare ou d’ailleurs, on s’interroge aussi en cette semaine de la mobilité sur l’insécurité routière et sur l’investissement des infrastructures pour les vélos, parent pauvre de la politique de Lydie Gaga, comme la communauté cycliste la désigne sur Twitter. (Quoique le ministre des Transports, François Bausch, déi gréng, porte sa part de responsabilité sur le réseau routier national.) Voilà un réservoir de voix accessible par des engagements politiques constructifs en ligne avec les objectifs environnementaux. Les cyclistes irritent piétons et automobilistes, selon qu’ils sont envoyés sur l’espace des uns (parcs) ou des autres (routes). Offrons leurs une voie propre pour le bonheur de tous. L’enjeu est loin d’être anodin à l’heure de l’élargissement de la participation des étrangers aux élections communales. Il y a fort à parier que les expats de la capitale sont plus sensibles à la bicyclette que les nationaux. Puis promettre plus de pistes cyclables sonne mieux que plus de flics.

Pierre Sorlut
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