Les ministères de la Culture et de la Mobilité, tout comme les CFL, portent le projet d’un Zuchmusée, où seraient exposés les 24 locomotives et 58 wagons historiques
issus des collections de l’État. Pétange a déjà posé une option sur le terrain

Prochain arrêt, Pétange

d'Lëtzebuerger Land vom 10.10.2025

Il arrive que des projets prennent sens directement, sans qu’il soit besoin de trouver des arguments (parfois fumeux) pour les justifier. Celui du Zuchmusée en fait partie. Le ministre de la Culture et ministre délégué du Tourisme Eric Thill (DP) expliquait le 5 août dernier lors d’une visite au Fond de Gras à quel point il y tenait : « Il s’agirait d’une réelle plus-value pour tout le pays. Ce patrimoine ferroviaire fait partie de notre identité, il illustre la richesse sociologique et économique de notre histoire. »

Et surtout, il ne faudra pas se creuser la tête pour remplir : tout est déjà là. En ce moment, 24 anciennes locomotives et 48 wagons historiques, dont la grande majorité se trouve en état de marche, dorment dans plusieurs entrepôts des CFL, invisibles aux yeux du grand public. Ces machines sont la propriété de l’État qui, via l’Institut national pour le patrimoine architectural (INPA, anciennement Services des sites et monuments), les conserve et les restaure en collaboration avec des associations de passionnés (Train 1900 et Minièresbunn Doihl, notamment). Depuis les années 1980, des exemplaires du matériel roulant sortis du service par les CFL sont en effet systématiquement remisés et entretenus.

Au sein de cette collection secrète mais étonnement riche, la plus ancienne locomotive à vapeur remonte à 1891. La première machine électrifiée conservée date, elle, de 1912, elle circulait sur le site HADIR de Differdange, précurseur en la matière. Des locos diesel, comme la Crocodile (en service de 1958 à 2005), témoignent de l’évolution technologique de ces motrices au look toujours spectaculaire.

Comme pour les locomotives, différentes selon qu’elles servaient le transport de passagers, l’industrie ou l’extraction du minerai dans les galeries minières, les wagons représentent les multiples facettes de leurs usages. Cigares qui transportaient le fer en fusion des hauts fourneaux jusqu’aux laminoirs et bennes à bascule pour le transport du laitier côtoient les plus anciennes voitures à passagers de la Compagnie des chemins de fer Prince-Henri ou les très confortables voitures Wegmann, construites au milieu des années 1960.

Le concept du Centre national pour le patrimoine ferroviaire est tellement fédérateur que, malgré un coût estimé de 80 millions d’euros, tout les intervenants semblent partants. Les CFL ont déjà provisionné le coût des infrastructures (environ 70 millions) et l’INPA a acté celui de la scénographie (estimé à cinq millions). Un site fait déjà consensus à Pétange et la commune a approuvé l’acquisition du terrain. Il s’agit d’une vaste parcelle située le long de la voie ferrée qu’empruntent les trains historiques qui transportent les touristes entre la gare de Pétange et le Minett Park du Fond de Gras.

Le site semble parfait puisqu’il permettrait de faire circuler locos et wagons sur ce tronçon long de sept kilomètres, qui ne fait pas partie du réseau ferré national. Ce point est essentiel puisque le projet disposerait de son propre quai, à partir duquel les visiteurs pourront monter et faire un tour à bord de ces ancêtres. Une chance assez unique : depuis 2020, toutes les locomotives circulant sur les voies officielles doivent être équipées du système européen de contrôle des trains (ETCS) et adapter du matériel historique coûterait entre 800 000 et trois millions d’euros pièce, une somme exorbitante, dont on fera ici l’économie.

Jackpot pour Pétange

Cette conjugaison entre exposition statique et dynamique serait assez exceptionnelle. Comme le rappelait le directeur de l’INPA lors de la visite du mois d’août, le monde ferroviaire attire un public considérable de passionnés, capable de faire des milliers de kilomètres pour découvrir un nouveau site. Le Nederlands Spoorwegmuseum d’Utrecht vend 400 000 billets chaque année et le plus populaire en Europe, le National Railway Museum d’York comptabilise 800 000 visiteurs par an.

La concrétisation d’un tel musée offrirait incontestablement une toute nouvelle dimension à Pétange, qui profiterait à plein d’une attraction qui serait située au cœur de la ville. Pour l’INPA, cette localisation (hors du Fond de Gras) est importante. Son directeur, Patrick Sanavia, explique pourquoi : « Historiquement, il n’y avait presque pas de bâtiments au Fond de Gras, à part la gare et quelques habitations. Presque tous ceux qui existent aujourd’hui sont des ajouts tardifs construits dans le cadre du développement touristique du site. D’une certaine façon, ils dénaturent son caractère patrimonial. Nous pensons qu’il est important de ne pas surcharger davantage ce lieu. »

Ce ne sont pas les commerçants de Pétange qui s’en plaindront, ni les touristes qui logeront, par exemple, dans le futur wellness hôtel de 59 chambres, dont la construction devrait débuter l’année prochaine à Rodange. Conçu par le groupe hôtelier autrichien Jufa, une référence dans le secteur des family hotels, l’établissement se situera à deux pas de l’arrêt intermédiaire de la voie ferrée qui mène au Fond de Gras.

L’avant-projet sommaire du Zuchmusée est validé, Eric Thill espère finaliser l’avant-projet définitif en fin d’année prochaine. Il expliquait en août qu’« il reste à élaborer un comité de préfiguration dans lequel figureront toutes les parties (Minett Park, Office régional du tourisme, INPA…). » Sous l’égide du ministère de la Culture, celui-ci permettra d’organiser concrètement le futur du musée. « Il faudra alors engager quelques personnes, dont des archivistes, pour faire toutes les recherches nécessaires, rassembler les documents et déterminer ce que l’on voudra présenter au public », précisait-il.

Ce comité de préfiguration sera chargé de donner vie au projet, avant qu’un projet de loi dessinant précisément ses contours ne soit présenté à la Chambre. « Avec Yuriko Backes (ministre de la Mobilité et des transports publics, dont dépend l’administration des Chemins de fer), nous y travaillons et nous y croyons ! ». Pour Pétange, loin d’être la ville la plus favorisée du pays, cela aurait tout l’air d’un petit miracle.

Erwan Nonet
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