On découvre avec l’exposition Sous une lumière dorée que des peintres hollandais partirent peindre précocement, au 17e siècle en Italie, surtout à Rome et sa région. Pourtant la vogue du « Grand Tour », pour les artistes de toute l’Europe occidentale et aussi pour les jeunes gens des familles aristocratiques, ne devint un must qu’un siècle plus tard et au 19e siècle
La visite de cette collection privée importante (elle ne compte pas moins de trente œuvres), fait découvrir comme sujets, beaucoup de groupes de personnages, souvent des bergers et leur troupeau dans des paysages. Qualifiés « d’italianisantes », ces représentations n’étaient guère appréciées aux Pays-Bas, où l’on préférait les scènes locales, notamment les intérieurs. Le catalogue de l’exposition, aux textes faciles à lire, permet d’approfondir ce sujet ainsi que de nombreux autres, dont des identifications de lieux. C’est un travail visiblement basé sur des recherches de fond.
Les peintres de Sous une lumière dorée, ont séjourné à Rome et dans la campagne environnante. On découvre des bâtiments de Rome : les amoureux de la Ville Éternelle reconnaîtront facilement le Panthéon et le dôme de Saint-Pierre. Les ruines antiques peuplent bien sûr également les tableaux. Comment ne pas situer les scènes de troupeaux parmi ces éléments dramatisant la composition ? Ce qui devait d’ailleurs être l’exacte vérité. Car à cette époque précoce, nul archéologue ne s’y intéressait encore. Ces représentations étaient donc surtout des « vedute », des souvenirs, entre réalité et assemblage de fiction que les peintres hollandais ramenaient du Grand Tour. Qui pouvait durer des mois, voire plus.
Sous une lumière dorée ne vaut donc pas seulement pour la visite agréable et l’anecdote idyllique. La fameuse Arcadie, le pays idéal, chanté depuis l’Antiquité grecque par Homère. Même si ces peintres hollandais sont des petits maîtres. Ils s’appelaient eux-mêmes les « Bentvuegels »et entretenaient une sorte d’amicale. Leurs raisons, outre qu’ils partaient par petits groupes peindre dans la campagne, étaient essentiellement matérielles, économiques. Certains ont tout de même été influencés par des « maîtres », en l’occurrence Claude Gellée dit Le Lorrain et Nicolas Poussin.
Dans les Provinces-Unies, le 17e siècle est celui de l’Âge d’Or. L’exposition le dit, les grands noms en sont Fans Hals, Rembrandt, Rubens, van Dyck, Vermeer… Si l’Italie reste, comme le prouve la présence des peintres hollandais, un pays aux antiquités et paysages attractifs, elle connaît un creux après la Renaissance. Comment faire mieux que Vinci, Caravage, Michel Ange, ou Titien ? Quant aux « italianisants » hollandais, ils n’ont attiré à nouveau l’attention des spécialistes qu’à partir des années 1960.
L’exposition a beau s’appeler Sous une lumière dorée, il nous a semblé que la palette restait généralement sombre. C’est par exemple le cas de Willem van Drielenburg, qui ne s’est jamais rendu en Italie, mais s’est inspiré de ses compatriotes comme Jan Both, dont la Villa Vauban détient d’ailleurs des tableaux dans sa collection. Un des meilleurs peintres de l’exposition, à notre avis, est Jan Asselijn (1612-1652).
Asselijn a d’évidence un faible pour les vues où un pont occupe le milieu du tableau, avec l’horizon lointain des monts Tibertius et la couleur dorée du couchant . Il illumine le grand tableau Bergers traversant le Ponte Acquoria près de Tivoli. Un grand format, précise le catalogue, ce qui attesterait qu’il a été peint de retour aux Pays-Bas. Un autre paysagiste dont les couleurs lumineuses s’accordent au Sud, est Karel Dujardin (1626-1678). S’il met plus qu’Asselijn des personnages à l’avant-plan du tableau pour attirer l’œil, ses compositions elles aussi montrent à l’horizon les Monts Tibertius en large plan. Il aurait peint de nombreuses vues de la campagne sur place. Ainsi Paysage Bucolique avec vedute de Tivoli, où la rivière Aniene, peinte en cascade, rajoute à son idylle quelque-chose du raffinement des jardins de la Villa d’Este…
Du même Karel Dujardin, on verra une cour de ferme, où, dans le noir d’une fenêtre qui se détache sur l’ocre de la façade, il nous a semblé, alors que les mules sont richement ornées et que le paysan porte un tambourin typique, apercevoir une femme à la coiffure et au col en dentelle… hollandais ! Dans un autre tableau par contre, les amateurs de détails reconnaîtront bien une Italienne, assise sur sa mule et portant un panier sur la tête (Thomas Wijck).
Deux vues de personnages devant des ruines, attribuées à Pieter van Bloemen (1657-1720), sont de facture très classique. Assurément connaissait-il le travail de Claude Gellée dit Le Lorrain (1600-1688) et de Nicolas Poussin (1594-1665). Du premier, il semblerait avoir retenu l’ampleur magnifiée du paysage, même si des ruines de temples occupent l’avant-plan et du second indéniablement, la disposition des groupes de personnages et la couleur de leurs vêtements drapés.
Les amoureux de Rome et bons connaisseurs de l’architecture, pourront, grâce à plusieurs compositions où le bâti joue un rôle important, mais dans un condensé éloigné de la réalité, s’amuser à identifier le Panthéon, Saint-Pierre, la Pyramide de Cestius et la Temple de Vesta sphérique. Johannes Lingelbach est dans l’exposition « le » peintre idéal pour ce divertissement. Il va jusqu’à peindre un étonnant tableau, dont la place nous rappelle les dimensions de celle des Quatre Fontaines, mais où s’élèvent la statue d’Hercule Farnese, la colonne Trajane, la statue de Jules César… Le tout dans des tons pastels (Vue de Rome) alors qu’il s’agit d’une peinture à l’huile.
Il nous faut encore ajouter Jan Both (1615/22-1652) et Adam Pynacker (1620-1673). Avec des arbres isolés à l’avant-plan, des montages en fond de tableau, de l’eau sous forme de rivière ou de lac, leur sujet et leur « style » sont parfois si proches, qu’on ne sait pas (dixit le catalogue), si Paysage fluvial avec bergers au repos est de l’un ou de l’autre. Both fut un des peintres italianisants majeurs. C’est sans doute de son Paysage à l’italienne avec bétail et personnages, que les commissaires (Angelika Glesius assistée de Zita Villanyi), ont tiré le titre de l’exposition Sous une lumière dorée.
L’exposition offre à voir plus que des curiosités, une époque et sa lecture.