Ticker du 16 decembre 2022

d'Lëtzebuerger Land vom 16.12.2022

Avant-goût de victoire pour l’Uefa

L’Uefa pouvait interdire le projet de compétition concurrençant la Ligue des champions et sanctionner les clubs à l’initiative, selon les conclusions de l’avocat général de la Cour de Justice de l’Union européenne rendues ce jeudi. « Les règles de la Fifa et de l’Uefa soumettant toute nouvelle compétition à une autorisation préalable sont compatibles avec le droit de la concurrence européen », a assuré Athanasios Rantos dans ses conclusions, avis généralement suivi par les juges européens. La justice européenne tranchera début 2023 sur la question de savoir si l’Uefa et la Fifa abusent de leur position dominante en interdisant à des clubs d’organiser des compétitions concurrentes et en les sanctionnant. En 2021, le monde du ballon rond avait été ébranlé par l’éphémère projet de Super Ligue mené par de prestigieux clubs, tels que le Real Madrid, le FC Barcelone et la Juventus Turin. Au-delà du football, les juges au Luxembourg statuent sur la possibilité pour les instances sportives de protéger leurs compétitions. Selon l’avocat général de la Cour ce jeudi, la Super Ligue est libre de créer sa propre compétition de football « en dehors de l’écosystème de l’Uefa et de la Fifa », mais elle ne peut le cas échant « participer aux compétitions de football organisées par la Fifa et l’Uefa sans l’autorisation préalable de ces fédérations ». pso

Ho-Ho-Ho-Chi-Minh

Xavier Bettel, Yuriko Backes, Corinne Cahen, Lex Delles, Fernand Etgen : En un weekend chrono, Pham Minh Chinh aura rencontré le gratin du DP. En voyage officiel à travers les États du Benelux, le Premier ministre de la République socialiste du Vietnam a été reçu ce vendredi par son homologue luxembourgeois. D’après l’agence Vietnam News, il aurait notamment demandé de l’aide au Luxembourg « in building a financial hub in Ho Chi Minh City » (photo : Steffen Schmitz). Le lendemain, Chinh s’est rendu à la Chambre de commerce pour un « Business Forum » où, toujours selon l’agence de presse vietnamienne, il aurait expliqué aux représentants patronaux que son pays « is building three pillars of society – socialist democracy, a law governed socialist state and a socialist-oriented market economy », tout en promettant « protéger » les investisseurs étrangers. Le capitalisme d’État génère un discours ampoulé ; mais à Chambre de commerce, on a l’habitude et on sait se montrer pragmatique. Côté luxembourgeois, les communiqués officiels ont surtout parlé « finance durable », « croissance verte » et « décarbonisation de l’industrie ». Un vernis qui saute dans la communication vietnamienne : « Prime minister Chinh […] called on the Luxembourg government to facilitate Vietnamese goods to enter its markets and the EU, especially agro-forestry-fishery products », y lit-on. Le Vietnam est régulièrement épinglé pour sa pêche illicite, ce qui lui a valu en 2017 une « carte jaune » de la part de la Commission européenne. Chnih a profité de sa rencontre avec Bettel pour appeler ce-dernier « to back the European Commission to drop its yellow card warning on Vietnamese fisheries ». bt

L’Oncle Sam abat ses cartes

La justice américaine a ouvert la semaine passée le rôle (docket) dans l’affaire Frank Schneider. Y a été publié l’acte d’inculpation de l’ancien numéro trois du Srel et fondateur de la firme de renseignement Sandstone. Le Luxembourgeois de 52 ans, assigné à résidence en France dans l’attente de la signature de son décret d’extradition, est accusé de « complot en vue de commettre une fraude électronique » : « Frank Schneider helped to operate an international fraud scheme involving the sale of a purported cryptocurrency known as OneCoin – by, among other things, managing the scheme’s proceeds and evading law enforcement investigations into the scheme – as part of which false statements and misrepresentations were made to solicit individuals throughout the world », lit-on dans le document qui dévoile pour la première fois les reproches formulés à l’encontre de l’ancien espion, homme de confiance de la prêtresse disparue de OneCoin, Ruja Ignatova. Frank Schneider est aussi poursuivi pour l’infraction de blanchiment d’argent. L’Oncle Sam l’accuse d’avoir sciemment collecté, dispersé et caché les produits de l’arnaque, soit plusieurs milliards de dollars, y compris pour ses intérêts propres. La justice américaine se réserve le droit de geler des avoirs, mais ne précise pas les montants à ce stade. Sur Radio 100,7 en juin, Frank Schneider a assumé avoir joui des fonds émanant de OneCoin dans le cadre de sa collaboration avec Ruja Ignatova via son entreprise luxembourgeoise Sandstone. « Wann et da Fraude a Blanchiment war, muss ech responsabel sinn », avait-il avancé, privilégiant toutefois une procédure au Luxembourg, son pays d’origine et d’activité. Frank Schneider risque entre vingt et quarante ans de prison aux États-Unis. Bien plus qu’au Grand-Duché. Une lettre publiée mardi dans le docket informe en outre sur une proposition de regroupement des affaires de plusieurs personnes accusées dans l’arnaque qui a généré quatre milliards de dollars de chiffre d’affaires en l’espace de deux ans (fin 2014 à fin 2016, selon l’enquête américaine). Apparaissent notamment les noms de Christopher Hamilton et Robert McDonald, « la filière autrichienne ». Ces deux hommes d’affaires britanniques détenaient des intérêts dans une société domiciliée chez Edmond de Rothschild, Viola (Lux), comme l’a révélé Radio 100,7 l’été dernier. La procédure d’extradition du premier a été validée par la justice britannique. Celle du second rejetée pour des motifs familiaux. L’avocate de Frank Schneider au Luxembourg, Lydie Lorang, informe être « en attente de décision » de la Première ministre française Élisabeth Borne. « Si elle devait décider l’extradition, il y a de très fortes chances que Frank Schneider saisisse le Conseil d´État français d’un recours », conclut Lydie Lorang. pso

Kompensation

La Rhénanie-Palatinat et la Sarre font du lobbying à Berlin pour un assouplissement des règles fiscales qui encadrent le télétravail des frontaliers. Alors que le Luxembourg et l’Allemagne négocient une nouvelle convention de non-double imposition, les deux Länder demandent à ce que les frontaliers puissent travailler depuis leur résidence au-delà des 19 jours actuellement admis, relate le Trierischer Volksfreund. En contrepartie, ils demandent « eine angemessene Kompensation für den Verlust an Besteuerungsrechten ». Il paraît en effet peu réaliste qu’un État souverain renonce unilatéralement et sans dédommagements à sa base imposable. bt

Géopolitique commerciale I

Annoncée par Franz Fayot depuis l’invasion russe en février, la human rights due diligence appliquée aux missions économiques peine à convaincre les fonctionnaires patronaux. Dans une interview parue ce lundi dans le Tageblatt, le directeur de la Chambre de commerce tacle le ministre socialiste de l’Économie. Carlo Thelen (photo :Hadrien Friob) interrompt le journaliste, en train de s’enquérir sur cette « wertbasierte Handelspolitik » qu’aurait annoncée « le gouvernement », en lançant : « War das die Regierung – oder die LSAP ? ». S’ensuit un long éloge du « pragmatisme » en matière commerciale. De toute manière, estime Thelen, les nouveaux critères resteraient flous. Et d’annoncer une des prochaines destinations : L’Arabie Saoudite. Suite à la demande d’« entreprises luxembourgeoises », la Chambre de commerce se joindra ainsi à une mission économique organisée par les collègues belges. ; « dieser Mission wird sich wohl kein Politiker anschließen. » En mars dernier déjà, 26 patrons luxembourgeois avaient pris l’avion pour Ryad dans le cadre d’une mission organisé par la Chambre wallonne de Commerce. Au lendemain de leur arrivée, 81 personnes y étaient exécutées pour « terrorisme » par le régime saoudien. Cela avait créé un gros malaise chez Carlo Thelen (pas présent lors de ce voyage) : « L’Arabie saoudite s’était montrée très ouverte et dynamique à [l’exposition universelle de] Dubaï », regrettait-il alors face au Land. bt

Géopolitique commerciale II

Au moment où le « Qatargate » ébranle les institutions européennes, Carlo Thelen revient également sur les relations qatari-luxembourgeoises du début des années 2010. « Letztlich ist es nicht so gekommen, wie man sich das vorgestellt hat », et ceci malgré des succès « à court terme », regrette-t-il dans une interview parue lundi dans le Tageblatt. Durant l’automne 2011, ce fut l’actuel président de la Chambre de commerce (et éternel prétendant au trône du CSV), Luc Frieden, qui avait ouvert grand les portes aux gazodollars qataris. Lancée alors dans un shopping spree européen, la famille royale n’oublia pas le Grand-Duché : De Cargolux à la BIL, en passant par la KBL, elle fit des belles acquisitions. Luc Frieden présentait alors le Grand-Duché comme un partenaire « naturel » et « vertrauensvoll » de la monarchie du Golfe. Les Qataris vendront leurs participations dans Cargolux et la BIL en 2014-2015, ne gardant que l’ancienne KBL, rebaptisée depuis en Quintet. En 2016, ils vendront également leurs terrain Place de l’Étoile au fonds souverain d’Abu Dhabi. bt

Pierre Sorlut, Bernard Thomas
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