Ticker du 11 novembre 2022

d'Lëtzebuerger Land vom 11.11.2022

993 millions

Ce jeudi, Arcelor-Mittal a annoncé une chute de son bénéfice de 78 pour cent au troisième trimestre 2022. Étant donné que ses profits avaient été astronomiques ces deux dernières années, le sidérurgiste (toujours basé à Luxembourg) a pu limiter la casse, avec un bénéfice net de 993 millions de dollars. (Sur les neuf premiers mois de 2022, il s’établit 9 milliards, contre 10,9 l’année précédente.) « The strong market conditions […] deteriorated in the third quarter as seasonally lower shipments, a reduction in exceptional price levels, destocking and higher energy costs combined to put profits under pressure », commente Aditya Mittal. Le CEO se targue de la réaction rapide du groupe, qui aurait réussi à réduire sa consommation de gaz en Europe de trente pour cent. (Ce que le communiqué ne dit pas, c’est que cette réduction fut atteinte grâce à l’arrêt temporaire de plusieurs hauts-fourneaux et usines.) Alors que la COP27 se réunit à Charm El-Cheikh, le fils Mittal assure que les objectifs de décarbonation restent « une part centrale de sa stratégie ». (photo : pg). bt

Stainless steal

Selon les informations du Land, une grande partie des employés du siège d’Aperam à Luxembourg ont été placés en chômage partiel conjoncturel. La spin-off d’ArcelorMittal, leader mondial de l’acier inoxydable, avait adressé au comité de conjoncture une demande prévisionnelle pour 52 salariés alors qu’elle en emploie 57 (selon son dernier rapport annuel) sur le boulevard d’Avranches, le siège administratif. Aperam Stainless Services & Solutions, l’usine de parachèvement des métaux à Rodange, n’a demandé que quelques équivalents temps plein de chômage partiel prévisionnel pour sa cinquantaine de salariés. Les entreprises qui souffrent d’une perte brusque de commandes sont éligibles à la mesure financée par le fonds pour l’emploi. Le chômage partiel consiste en une indemnité de compensation (80 pour cent du salaire horaire brut habituel) versée aux salariés pour les pertes de salaires subies du fait de la réduction du temps de travail. Elle concerne le plus souvent l’économie manufacturière.

Cette demande intervient dans un contexte particulier. Aperam a signé « un résultat record » en 2021, avec un bénéfice de 810 millions d’euros. À l’issue du premier semestre, le 29 juillet, le sidérurgiste se félicite d’un « sixth record quarter »… non sans pointer du doigt les écueils à l’horizon. « To conclude, while the first half has been very successful, the world is now facing political and economic uncertainty from sliding and volatile commodity prices, inflation and a looming energy crisis in Europe. In this context, we will continue to focus on maintaining a strong balance sheet, on efficiency and on our strategy execution », écrit le directeur général Timoteo Di Maulo dans son adresse aux actionnaires d’Aperam. Des porteurs de parts d’autant plus heureux que le groupe procède à un programme de rachat d’actions qui va renchérir le titre. Son cours sur le marché s’est effondré de cinquante pour cent depuis le début de l’année. Le 7 octobre, Aperam a annoncé avoir mené à bien son programme pour 94 millions d’euros. C’est plus de huit années de salaires pour le personnel du siège. La famille Mittal détient 37 pour cent des actions d’Aperam (41 pour cent des droits de vote). À la mi-septembre, De Standaard annonçait qu’Aperam, pour son usine de Genk, était la première entreprise de Belgique à demander le recours au nouveau régime de chômage temporaire lié à la crise énergétique.

Contactée, Aperam n’a pas répondu à nos sollicitations. Le dernier comité de conjoncture en date, celui du 25 octobre, a recensé une augmentation d’un cinquième des demandes de chômage partiel. 108 entreprises en ont fait la demande pour novembre (soit 23 de plus qu’en septembre). L’institution notamment composée des partenaires sociaux en a accepté 94 (dont 71 de nature conjoncturelle) et elles concernent 8 312 salariés. Le comité de conjoncture du mois de septembre avait déjà vu les demandes augmenter de 24 unités (85), signe d’un assombrissement des perspectives. 76 avaient été admises. Le prochain comité de conjoncture se réunira le 22 novembre. L’identité des bénéficiaires des mesures de chômage partiel n’est pas communiquée. pso

Ainsi soit-il

Le fin limier du droit fiscal international Guglielmo Maisto, avocat de Fiat Chrysler dans le dossier qui l’oppose à la Commission, se dresse dans un soulagement ce mardi après la lecture de l’arrêt pour lequel il avait fait le déplacement depuis Milan (photo : pso). Dans la grande salle d’audience de la Cour de Justice de l’UE, les juges européens lui ont cette fois apporté satisfaction, a contrario du délibéré du 24 septembre 2019… pour lequel la pointure italienne du droit s’était aussi déplacée (d’Land, 27.09.2019). La Cour de justice a annulé mardi la décision de la Commission européenne qui avait mis à mal l’industrie luxembourgeoise du ruling, notamment visée dans les révélations Luxleaks de novembre 2014. Le 21 octobre 2015, l’exécutif européen avait jugé que la décision fiscale anticipative accordée le 3 septembre 2012 par l’Administration des contributions directes à Fiat Finance and Trade (FFT, devenue Fiat Chrysler Finance Europe) constituait une aide d’État et contrevenait ainsi au droit de la Concurrence sur le Marché intérieur. Les services des commissaires en charge, Joaquin Almunia puis Margrethe Vestager, avaient fait de la lutte contre l’évasion fiscale des entreprises l’un de leurs chevaux de bataille. La décision visée par la Commission avalisait une méthode de détermination de la rémunération (un prix de transfert intragroupe) de FFT, entité luxembourgeoise gérant la trésorerie du groupe automobile Fiat, qui permettait à la filiale de déterminer annuellement son bénéfice imposable au titre de l’impôt sur les sociétés au Grand-Duché. Pas assez aux yeux de l’exécutif européen. La Commission demandait ainsi à Fiat de rembourser au Luxembourg les 23 millions d’euros de ce qu’elle prenait pour des aides d’État. Le groupe automobile turinois et le Luxembourg avaient contesté la décision de la Commission devant le Tribunal de l’Union européenne. Les parties requérantes avaient été déboutées le 24 septembre 2019. Le Tribunal avait principalement constaté, dans le sillon de la Commission, que la méthodologie entérinée par la décision anticipative en cause avait minimisé la rémunération de FFT, sur la base de laquelle l’impôt dû par celle-ci est déterminé.

« Le tribunal a commis une erreur de droit », écrivent les juges de la Cour dans leur décision publiée mardi. Ils ont donc annulé le jugement de première instance, ainsi que la décision de la Commission : « C’est à tort que le Tribunal a entériné l’approche ayant consisté à faire application d’un principe de pleine concurrence distinct de celui défini par le droit luxembourgeois en se limitant à identifier l’expression abstraite de ce principe dans l’objectif poursuivi par le système général de l’impôt sur les sociétés au Luxembourg et à examiner la décision anticipative en cause sans prendre en compte la façon dont ledit principe est concrètement incorporé dans ce droit s’agissant en particulier des sociétés intégrées », lit-on dans la communication de la Cour basée au Kirchberg.

Sophie Balliet, counsel chez Allen & Overy se dit « rassurée ». Toutes les décisions sur les rulings contestés par la Commission européenne pour ne pas être conformes aux règles du marché intérieur en matière de prix de transfert vont maintenant dans le même sens, explique la spécialiste. Le 24 septembre 2019, le tribunal de l’Union européenne avait aussi donné tort à la Commission dans une autre affaire. Bruxelles avait considéré que les prix de transfert intragroupe pratiqués par Starbucks étaient conformes au droit de la Concurrence. Le même jour, les juges européens soufflaient un vent contraire pour FFT. « La définition des prix de transfert n’est pas une science exacte », explique Sophie Balliet. « Mais la Commission doit quand même faire l’effort de fixer correctement le cadre de référence pour déterminer l’existence d’une aide d’État », poursuit son confrère fiscaliste Jean Schaffner face au Land. En effet, les fiscalistes craignaient que la Commission impose son interprétation du principe de pleine concurrence, qu’il s’agisse « d’une harmonisation fiscale déguisée », sans tenir compte de la réglementation fiscale locale. Mais la Cour ne ferme pas la porte à ce que la Commission européenne veille sur le marché intérieur en désignant des dispositifs fiscaux qui pourraient être considérés comme une aide d’État. « Even if the Commission’s decision was annulled, the judgment gives important guidance on the application of EU State aid rules in the area of taxation. The Court confirmed that action by Member States in areas that are not subject to harmonization by EU law is not excluded from the scope of the Treaty provisions on the monitoring of State aid », écrivent les services de Margrethe Vestager. pso

Plan social dans la banque russe

Les syndicats Aleba, OGBL et LCGB ont annoncé mercredi la signature d’un plan social chez East-West United Bank. Sont concernés 32 à 44 salariés, sur les 80 que compte la banque russe logée dans la Villa Foch sur le Boulevard Joseph II. La banque créée en 1974, en pleine Guerre froide, souffre aujourd’hui du « contexte géopolitique lié à la guerre en Ukraine » et doit adapter sa structure à la chute de l’activité commerciale. Dans le sillon de l’agression russe en Ukraine, l’ancien ministre de l’Économie, Jeannot Krecké (LSAP), avait déjà dû quitter la présidence de la banque propriété de son ami russe, Vladimir Yevtushenkov. Le conseil d’administration du conglomérat, Sistema, dudit consul honoraire du Luxembourg en Russie avait également perdu l’un de ses membres en la personne d’Etienne Schneider, lui aussi ancien ministre socialiste de l’Économie. pso

Pierre Sorlut, Bernard Thomas
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