Aux États-Unis, le débat sur la transition énergétique a atteint un degré de maturité plus avancé qu’en Europe. L’Inflation Reduction Act de Joe Biden a libéré des centaines de milliards de dollars. Ils devront financer un titanesque chantier : parcs solaires, éoliennes, bornes de recharge, lignes de chemins de fer, fabriques de batterie. Mais avec le passage d’une politique de la dépense à une politique de la construction commencent les embrouilles. L’heure est maintenant au nitty-gritty administratif. La simplification des procédures pour les grands projets d’infrastructure divise le milieu écologiste, déconcerté par les futurs arbitrages entre protection du climat et conservation de la nature.
Le débat sur les « permitting reforms » a entretemps atteint le Luxembourg, même s’il s’y articule encore de manière confuse. Ce seraient ses homologues finlandais qui, voici quelques mois, lui auraient soufflé l’idée, dit la ministre de l’Environnement. Joëlle Welfring a inséré en dernière minute un nouveau passage dans sa révision de la loi « commodo » : « Toutes les démarches en relation avec la fabrication et l’utilisation d’énergies renouvelables ou à un but de réduction signifiante de l’empreinte carbonique sont à traiter de manière prioritaire », lit-on dans le texte qui vient d’être déposé. « Wann déi Dossieren era kommen, bléiwe déi aner leien », dit la ministre au Land. En réalité, cela ressemble beaucoup à un tigre de papier. Le gouvernement n’a ainsi pas fixé des délais plus courts pour le traitement des projets de décarbonation. Pas question de faire du forcing. La haute fonctionnaire devenue ministre prône une approche « plus subtile, au cas par cas » afin de gagner « la confiance » des citoyens. Mais pour réduire de 55 pour cent ses émissions d’ici 2030, le Luxembourg devra passer à la vitesse supérieure, notamment pour les rénovations thermiques, les pompes à chaleur et le photovoltaïque. Or, les grandes visions sont pulvérisées par le small print des règlements communaux. Un règlement-type sur les bâtisses est en cours d’élaboration aux ministères de l’Énergie et de l’Intérieur, et sera présenté prochainement. Mais il n’aura aucune valeur contraignante. Tout au plus servira-t-il de guide des meilleures pratiques. Le principal point de blocage de la transition énergétique (tout comme de la politique du logement) reste encore et toujours l’autonomie communale.
Le DP en fait simplement abstraction dans son programme électoral. Pour l’installation de panneaux photovoltaïques, écrivent les libéraux, les autorisations pourraient être complètement abolies. Pas sûr que Lydie Polfer appréciera. Car son règlement sur les bâtisses s’avère sévère : Les panneaux solaires doivent être installés « d’une manière discrète » et ne pas être « visibles d’un lieu accessible au public ». Dans son chapitre « logement », le LSAP « invite » poliment les communes à adapter leurs règlements et promet une « révision des procédures existantes ». Sa Spëtzekandidatin, Paulette Lenert, se targuait récemment sur Radio 100,7 : « Ech ka just fir mech soen, datt ech eng Réi Erfarung hunn : Ech sinn deemools rekrutéiert gi vum Här Juncker fir d’Cellule de Facilitation am Urbanismus opzebauen. » Avec le succès qu’on connaît... Les Verts s’attaquent à la vache sacrée de l’autonomie communale par le détour d’une « loi d’accélération de la transition énergétique ». Celle-ci devrait « supprimer les obstacles communaux ». Or, le parti doit sentir que son ambition d’« uniformiser les réglementations communales » finira boycotté par la pléthore de maires et d’échevins sur les bancs du Parlement. Le CSV promet de « simplifier les procédures pour l’extension de l’énergie du vent » et de « sensibiliser, motiver et intégrer » les communes. Or, dans leurs fiefs respectifs, les députés-maires se montrent réticents. Gilles Roth explique ainsi être « en principe » pour le projet éolien dans sa commune de Mamer, mais précise illico qu’il refuse de foncer « matt dem Kapp duerch d’Mauer » : Il ne voudrait provoquer ni « scissions » ni « Biergerinitiativ ». C’est l’ADR qui a trouvé la meilleure excuse à l’inaction climatique : « La réalité est que si le Luxembourg n’existait pas, cela n’aurait aucun effet sur le climat », explique son président, Fred Keup, ce lundi dans le Quotidien. Un pays mineur est présumé irresponsable.