Grande Région

L’ailleurs lointain

Illustration de Coranna, 1905
Foto: Tom Guldenwein
d'Lëtzebuerger Land vom 25.08.2023

La Moderne Galerie du Saarlandmuseum, à Sarrebruck, accueille l’exposition Slevogt und Wilde Westen. Sur l’affiche on voit des chevaux, ce qui ressemble à une cavalcade dessinée. C’est que le peintre Max Slevogt a aussi beaucoup dessiné et l’attention portée à son dessin permet d’appréhender l’œuvre picturale sous un nouveau jour. Les collections du Saarlandmuseum sont riches de 70 œuvres sur papier rarement montrées du peintre allemand, fasciné par le Far West et son corollaire d’aventure et de liberté.

Né à Landshut en 1868 Max Slevogt, peintre, graveur et dessinateur impressionniste, est l’un des principaux représentants avec Lovis Corinth et Max Liebermann du style « plein air » allemand. Inspiré par un voyage en Égypte en 1914, il réalise de nombreux tableaux et s’affranchit peu à peu des modèles académiques. Ses dons de coloriste apparaissent dans certaines huiles libres dans les collections du Saarlandmuseum comme dans Tigre au zoo (1901). Slevogt est encore connu pour Chanteur d’Andrade dans le rôle de Don Juan (Staatgalerie, Stuttgart) dont il existe trois versions (Nationalgalerie, Berlin, Kunsthalle, Hambourg) où ses talents de coloriste et son art de la composition se manifestent encore. On connaît moins le remarquable travail qu’il a accompli en tant qu’illustrateur. En 1900-1902 il illustre ainsi Ali Baba, en 1907 il donne une suite de douze lithographies pour L’Iliade et en 1925-1927 le Faust de Goethe. C’est sur cette partie que l’exposition Slevogt und der Wilde Westen se propose de revenir.

Toute sa vie fasciné par les romans d’aventure et de conquête de l’Ouest, Max Slevogt était particulièrement attiré par le caractère dramatique de ces récits. Les histoires mouvementées de Lederstrumpf (The Leatherstocking Tales de James Fenimore Cooper), Waldläufer (adaptation du Coureur des bois de Gabriel Ferry) ou de Coranna : Eine Indianergeschichte (W. Claire) lui offraient un support de projection bienvenu. Marqué par ses lectures d’enfance et de jeunesse ainsi que par le romantisme de l’Ouest sauvage qui prévalait dans l’Empire allemand, il transpose artistiquement l’idée d’aventure et de liberté qui y est associée dans de nombreuses illustrations de livres et de graphiques. Les éditions grand format des récits de Lederstrumpf et du Waldläufer sont d’ailleurs exposées. On y entrevoit, comme à travers les dessins du peintre, l’imaginaire flamboyant qui s’y déploie. On imagine combien, pour l’Europe, ces paysages ont pu receler d’étrangeté, entre étendues lunaires, guerre territoriale entre Indiens et futurs Américains et conquête d’un Ouest fantasmé. Les dessins exposés, parfois de l’ordre de l’esquisse, disent en creux cette lutte à mort et révèlent ses contours. Ce qu’ils ont pu receler d’exotisme. Né à la même période que Slevogt, l’historien d’art allemand Aby Warburg se rend en 1895-1896 dans le Sud Ouest des États-Unis où résident les Hopis. Il rapporte de cette expédition quelques clichés photographiques et en tirera
Le rituel du serpent : Récit d’un voyage en pays Pueblo. Où l’on se rend compte de la fascination pour un ailleurs lointain encore à explorer. Une facette de Max Slevogt encore peu connue et qui offre aussi une autre lisibilité à son œuvre peinte.

Slevogt und der Wilde Westen, à voir jusqu’au 1er octobre à la Moderne Galerie, Saarlandmuseum, Sarrebruck

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