EDITO

Démocratie, climat, même combat

d'Lëtzebuerger Land vom 18.04.2025

Lundi, une poignée de privilégiées très médiatisées ont pris place à bord de la fusée de Blue Origin pour un vol dans l’espace. Katy Perry et ses compagnes de voyage ont émis autant de CO₂ en onze minutes qu’un citoyen lambda en huit ans.

Quelques jours plus tôt, l’observatoire européen Copernicus alertait sur les niveaux historiquement élevés des températures mondiales : En Europe, le mois de mars a été, de loin, le plus chaud jamais enregistré. 2024 a aussi été la première la toute première à dépasser la barre du degré et demi de réchauffement planétaire.

Ce signal d’alarme devrait pousser à la mise en œuvre de politiques fortes et ambitieuses. Pourtant, la cause climatique suscite de moins en moins d’intérêt. L’écologie est même la cible de toute une population dont le symptôme le plus caricatural et le plus dangereux est le Président américain. Les coups de massue qu’assène Donald Trump ont relégué le climat loin derrière les droits de douane ou la défense européenne dans les préoccupations de chacun. L’écologie est rejetée et accusée de tous les maux. C’est dans ce sens que s’exprime Laurent Mosar (CSV) sur LinkedIn, sur-interprétant l’annonce du groupe d’aéronautique et de défense Safran de ne plus s’installer dans des villes à majorité écologiste. Le député parle de « ras-le-bol de l’attitude idéologique de certains responsables écologistes » et veut « revenir à un certain pragmatisme et réalisme qui tienne compte des réalités du terrain ».

Malgré les catastrophes climatiques de plus en plus fréquentes, les décisions politiques et économiques relèguent encore l’urgence climatique au second plan. Ainsi, au Parlement européen, une coalition rassemblant libéraux, conservateurs et populistes a largement amputé l’ambitieux Green Deal au nom de la compétitivité. Mais une fois la tempête Donald Trump passée, le tsunami du réchauffement planétaire n’aura pas disparu.

Dans le sillage du climatosceptique Trump, le discours droitier et populiste sédimente l’anti-écologie dans le même lit que celui de la xénophobie : en fantasmant un monde d’avant, où l’on n’était pas obligés de faire avec l’autre, de tenir compte d’autres modes de vie et de penser au futur. L’« écolo-bashing » fleurit sur un même terreau ; la désinformation climatique comme une sorte de négationnisme : Contre-vérités, sous-estimation des risques, décrédibilisation des solutions…

Le débat nuancé et exigeant n’est pas le mieux partagé, mais c’est par là qu’il faut avancer. Les années d’une écologie de la culpabilisation individuelle qui traque chaque petit geste, ont voilé la big picture. Notre dépendance aux énergies fossiles renforce notre docilité vis-à-vis de puissances impériales et
aux autocrates. L’argent roi fait oublier que ce sont les plus fragiles qui subissent de plein fouet les conséquences du dérèglement climatique en y contribuant le moins. Crises climatique et démocratique sont donc indissociables. On a besoin de plus d’audace et de moins de réserve pour mettre en place des grandes orientations économiques, énergétiques et industrielles susceptibles de fonder une société plus durable et solidaire.
Le patron d’Amazon et le promoteur de la fusée Blue Origin, Jeff Bezos parle de progrès pour « ériger une route vers l’espace pour nos enfants et leurs enfants ». Mais le progrès ne serait-il pas d’affecter toute cette technologie, tous ces milliards, toute cette intelligence au service d’une planète vivable ? Pour produire de l’énergie propre, pour nourrir, soigner, loger, protéger mieux. Pas pour fuir la Terre en la détruisant.

France Clarinval
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