Stratego
Pierre-Nicolas Werner (country manager d’ArcelorMittal), Marcello Bergamo (managing director Europe d’Ampacet) et Maxim Straus (directeur financier de Cargolux) ont hérité du pire des cinq scénarios dessinés par la cellule prospective du ministère de l’Économie, Luxembourg Stratégie. « Cela explique peut-être l’enthousiasme de notre table », réagit Maxim Straus à la sollicitation du Land (photo: minéco). Le CFO du leader national du fret aérien n’en dira pas plus sur les discussions menées lors de ce déjeuner organisé mercredi 14 septembre par les services de Pascale Junker pour « stress-tester » les futurs possibles à l’horizon 2050 et aider à la décision stratégique, « pour atteindre une économie luxembourgeoise à la fois compétitive et résiliente », est-il écrit dans un communiqué diffusé en fin de semaine passée. Cette semaine, le ministère de l’Économie annonce qu’il présentera lundi prochain l’identité visuelle de Luxembourg Stratégie, ainsi que (et c’est sans doute le plus important) l’avancement des travaux. Mais les scénarios ne seront pas dévoilés puisque le prochain groupe de travail-concepteur se réunit le 29 septembre seulement (jeudi). Ces hauts-fonctionnaires, pour beaucoup des premiers conseillers de gouvernement, réunis ces derniers mois lors de plusieurs sessions doivent « prendre position » sur les commentaires des chefs d’entreprise et des experts sur leur travail, explique Pascale Junker au Land. Les scénarios seront rendus publics à la conférence annuelle des 17 et 18 octobre. pso
Bievair : Fly in good company
Le conseil d’administration de Luxair réuni ce jeudi après-midi a accouché d’une surprise de taille. L’ancien procureur général d’État, Robert Biever, devient « médiateur social » entre la direction de Luxair et les salariés. Celui qui a fait valoir ses droits à la retraite en 2015 rempile en pompier dans une compagnie aérienne durement affectée par la crise du Covid-19 et la reprise post-pandémie. Avec le regain d’activité et de nombreux départs, le ras-le-bol des salariés de Luxair est devenu un style littéraire depuis la rentrée (d’Land, 2.9.2022). La tête du directeur général, Gilles Feith, semble mise à prix. Lundi, le Wort l’a annoncé sur le départ et l’a envoyé direction Luxairport, société qui gère le Findel. Interrogé d’emblée par un député, le ministre des Transports, François Bausch (Déi Gréng), a coupé court à la rumeur. Dans une réponse expresse, il a réitéré son soutien à celui qu’il a nommé à l’été 2020 pour sauver la compagnie aérienne. Le conseil d’administration a fait de même ce jeudi, quelques jours avant l’ouverture (lundi) de la tripartite aviation où syndicats, gouvernement et direction des sociétés de l’aéroport se feront face. pso
C’est pas moi
c’est Murphy
La Cour des comptes européenne change de président sur fond de scandale. L’Allemand Klaus-Heiner Lehne renonce à un troisième mandat de trois ans à un mois de l’échéance du deuxième terme et reprend des fonctions de simple membre (rarissime sinon inédit). Le chrétien-démocrate de Düsseldorf, 64 ans, a été accusé ces derniers mois de fraudes commises au sein de cette institution chargée de veiller à la bonne exécution du budget de l’Union, voire de népotisme envers ses camarades du PPE (famille européenne de la CDU). En novembre dernier, il a dû s’expliquer devant une commission du Parlement européen (dont il a été membre entre 1994 et 2016) après des révélations du quotidien français Libération, notamment sur sa WG rue des Muguets au Kirchberg avec trois membres de son cabinet qui a laissé penser à un logement fictif pour obtenir une indemnité représentant un potentiel préjudice chiffré à 325 000 euros (d’Land, 3.12.2021). En marge de l’audition, l’eurodéputée écolo Michèle Rivasi avait déclaré : « La réputation et la crédibilité de toute l’Union européenne est menacée lorsque l’institution chargée de veiller à la bonne utilisation de l’argent public et à la détection de fraude est elle-même accusée d’avoir abusé, de manière systématique, le budget européen. »
Selon le voeux de ses 26 pairs, le membre irlandais Tony Murphy (photo : Cour des comptes), soixante ans, remplacera Klaus-Heiner Lehne à compter du 1er octobre. Il s’agit du premier président de la Cour des comptes qui est auditeur de métier. Les membres de cette institution aux maigres pouvoirs sont souvent des politiques récompensés pour services rendus ou mis au placard. Tony Murphy a fait toute sa carrière dans l’audit de la fonction publique nationale ou européenne. Signe qu’on tire ici un trait, au moins symboliquement, sur les pratiques du passé pour cette institution contestée. Le premier président, nommé en 1977, avait également pour patronyme Murphy (prénommé Michael), mais n’a aucun lien de parenté. L’institution a également eu un président luxembourgeois, de 1984 à 1989: le libéral Marcel Mart, avocat, journaliste (au Land notamment et père de Caroline Mart, visage familier sur RTL Télé Lëtzebuerg) et porte-parole de la Ceca. pso
L’ALJB dans la fleur de l’âge
L’association luxembourgeoise des juristes de droit bancaire (ALJB) fête ses quarante les 29 et 30 septembre prochains avec, accessoirement, l’organisation d’une conférence marquée par la participation du spécialiste américain des techniques de négociation, Dan McRay. L’ALJB, présidée par Nicolas Thieltgen, regroupe aujourd’hui 800 juristes du secteur financier et se voue à l’étude du droit et non au lobbying, précise son président auprès du Land. L’association est née en 1982 avec le développement du centre financier luxembourgeois et la consolidation de son secret bancaire, ancré dans la loi du 23 avril 1981 sur l’accès à l’activité des établissements de crédit. 19 juristes se sont associés pour enrichir une doctrine nationale (et non plus seulement piocher chez les Belges et les Français) alors seulement alimentée par les cathos de la Conférence Saint-Yves et les libéraux du Cercle François Laurent… et pas vraiment spécialisés dans le droit bancaire, en ébullition. Si le premier bulletin publié par l’ALJB a abordé les intérêts débiteurs ou les retraits abusifs de fonds, le deuxième (publié en 1983) s’est consacré au secret bancaire. Le conseiller juridique au Commissariat au contrôle des banques et futur directeur général de la CSSF (Commission de surveillance du secteur financier), Jean Guill, y signe une contribution sur la transmission de données à la maison-mère (Luxembourg, place de filiales): « En pratique, ces communications pourront dès lors prendre les formes les plus diverses, allant jusqu’à l’usage d’ordinateurs ‘on-line’, sous réserve de toutes les précautions techniques que nécessite un tel procédé », lit-on. Le directeur de Banque Internationale à Luxembourg (BIL), Jacques Kauffman écrit aussi: « Je répète qu’à mon avis, le secret bancaire est opposable à toute investigation directe de l’Administration des contributions. » pso
Collection of kingdoms
Parmi les think tanks politiques nés dans les années 2000, la Fondation Robert Krieps s’est montrée la plus pérenne. Alors que la Gréng Stëftung (proche des Verts), le Cercle Joseph Bech (issu du CSV) et Transform! (issu de la gauche radicale) ont tous cessé leurs activités, le club de réflexion social-démocrate a su se rajeunir et continue ses activités. Les intellectuels organiques du LSAP, Marc Limpach et Max Leners, viennent de publier un recueil intitulé La crise du logement et les moyens de s’en sortir. Tout ou presque semble avoir été dit et redit (dernièrement en juillet, dans une publication d’Idea). Or, la hausse des taux directeurs a changé la dynamique sur le marché, avec un premier recul des transactions. Dommage que le livre ne prenne que marginalement en compte cette mutation récente et ses conséquences.
Dans un article intitulé « Le logement comme appareil de capture », le chercheur du Liser Antoine Paccoud fait une analyse deleuzienne des données cadastrales. On en retiendra surtout un tableau détaillant le profil des acquéreurs récents d’appartements à Dudelange. « 65 pour cent de tous les investisseurs à Dudelange entre 2012 et 2018 étaient nés au Luxembourg et avaient plus de 45 ans au moment de l’achat. » Et combien d’entre eux votent LSAP ? C’est peut-être la question que se poseront certains lecteurs à ce passage. Cela expliquerait en tout cas l’accent mis sur les « Fräibeträg » dans tous les débats sur la fiscalité. On retrouve ce réflexe dans le texte d’André Roeltgen. L’ex-président de l’OGBL fustige d’abord « die Dominanz und das politische Gewicht der lukrativen Interessen der obersten und absteigend bis zur oberen Mittelschicht » pour ensuite l’opposer au « privater Kleineigentum ». Même si les petits épargnants peuvent être bailleurs de quelques appartements, une telle « Vermögensbildung » ne serait pas « excessive » mais « allgemeingesellschaftlich akzeptabel ». Et, bingo ! « Steuerliche Freibeträge ». L’impôt, c’est toujours pour les autres.
En début du livre, le professeur en architecture à l’Uni.lu Florian Hertweck signe une fulgurante synthèse sur la question du logement. Il y fait (entre autres) un plaidoyer pour les coopératives d’habitation. Celles-ci présenteraient une série d’avantages : Construire en adéquation avec leurs propres besoins, tout en supprimant la marge du promoteur. En plus, une coopérative construirait en règle générale de manière plus compacte et dense. Hertweck ne cache pas les difficultés liées à de tels projets collectifs : « Für ihr Zustandekommen benötigt es Zugriff auf Bauland zu günstigen Konditionen (…), sowie Architekten, die komplexe Aushandlungsprozesse moderieren können. » Hertweck intègre également la question climatique et environnementale dans sa réflexion. Il rappelle l’impératif européen de cesser toute artificialisation nette des sols d’ici 2050, et plaide pour « die Auflösung von monofunktionalen Gewerbegebieten und Einkaufszentren ». Et pour totalement choquer le lecteur bourgeois, le professeur conclut en rappelant la naissance du « Rotes Wien » : « Nach der Stadtflucht infolge des 1. Weltkriegs musste die sozialdemokratische Stadtregierung handeln. Sie zog die Grundsteuer so stark an, dass die städtischen Großgrundbesitzer in den Zwangsverkauf ihrer Liegenschaften an die Stadt gezwungen wurden. »
L’architecte-urbaniste Christine Muller fait preuve d’un certain courage en relatant ses expériences avec les administrations communales. Elle cite la petite phrase d’un participant à Luxembourg in Transition : « Luxembourg is a collection of kingdoms ». Muller résume ainsi l’autonomie communale : « Nous, les communes, sommes conscientes que le pays doit se développer selon certaines règles. Mais moi, bourgmestre, je ne vois pas pourquoi je devrais imposer cela à mes élus. » Elle pose enfin la question : « Comment développer des projets durables s’il faut attribuer deux emplacements de stationnement à chaque logement ? Sachant qu’un emplacement de stationnement en sous-sol consomme jusqu’à quarante mètres carrés de surface – soit la taille d’un petit logement […] » bt