Tendances baissières
Selon le « Conjoncture Flash » du mois de juillet, les prévisions sur la croissance en zone euro ont été nettement revues à la baisse pour 2023. Ceci en raison des incertitudes entourant l’approvisionnement en gaz russe et des impacts de la pression inflationniste sur la consommation et l’activité. Pour 2023, la Commission européenne prévoit désormais 1,4 pour cent de croissance, contre 2,3 pour cent dans ses prévisions du printemps. L’indice des directeurs d’achat a encore diminué en juin et s’inscrit à son plus faible niveau depuis seize mois, indiquant un net ralentissement de l’activité sur la fin du deuxième trimestre qui concerne à la fois l’industrie et les services. Au Luxembourg, la tendance semble également se confirmer avec un net affaissement de la confiance des entreprises en juin. La construction et les services non financiers accusent un coup au moral.
La tendance baissière continue également de toucher les marchés boursiers. À la mi-juillet, les indices Stoxx 600 et S&P 500 accusent un repli de vingt pour cent par rapport au début de l’année. Les indices de volatilité demeurent à un niveau deux fois plus élevé que la moyenne observée sur les trois années qui ont précédé la crise sanitaire. Les investisseurs s’inquiètent d’une inflation toujours plus élevée et d’un ralentissement de la croissance. La politique monétaire européenne commence à se resserrer et les problèmes d’approvisionnement en gaz dégradent les perspectives de croissance. La découverte d’un nouveau sous-variant d’Omicron en Chine fait craindre un retour des restrictions sanitaires qui impacteraient les échanges mondiaux. Après que la Russie a réduit ses livraisons de gaz de soixante pour cent fin juin, la référence européenne des prix du gaz s’envolait de nouveau fin juin 2022. Par contre, les prix du gaz à la consommation au Luxembourg ont diminué en mai 2022 et se sont stabilisés depuis. Ceci est dû aux mesures temporaires décidées dans le cadre du « Solidaritéitspak » qui comprennent la suppression temporaire de la contribution au réseau de gaz entre mai 2022 et la fin de 2023. (photo : sb) ai
Le bénéfice du temps
Selon l’adage populaire, le temps c’est de l’argent… mais pas toujours dans le sens attendu. Par un jugement rendu le 22 juin, le tribunal correctionnel a accordé à José Jumeaux sa clémence liée au temps perdu dans le traitement de l’affaire. Ce Français originaire des Alpes maritimes, 64 ans aujourd’hui, avait monté à Luxembourg en 1997 un business florissant de domiciliation de sociétés. Des centaines d’entre elles avaient été créées puis logées boulevard Royal puis avenue de la Gare au bénéfice d’une clientèle essentiellement française. Mais une commission rogatoire internationale opérée en 2003 a levé le voile sur tout un système de fausses factures et de double comptabilité au préjudice de la société mère, Fidufrance, et du fisc. Tous les éléments ont été collectés lors d’une perquisition menée à l’automne 2006, avec des policiers épluchant pendant trois semaines les factures amoncelées sur trois étages du 61 avenue de la Gare. Des millions d’euros se sont évaporés. Des coquilles vides enregistrées à Belize ou aux Bahamas facturaient des services fictifs à la société luxembourgeoise.
S’y est ajouté tout un tas de dépenses personnelles au profit de la famille Jumeaux. Ont été comptabilisés en cadeaux clientèle des frais de mariage (12 000 euros) et des vêtements de madame (plusieurs milliers d’euros chez Dior, Louis Vuitton ou Chanel). Puis apparaissent des dépenses encore plus personnelles avec des centaines d’euros de consommation au « Splendid », le cabaret à un jet de pierre du bureau. Est également reproché à José Jumeaux d’avoir exercé illégalement, entre 2002 et 2005, la profession de domiciliataire. Une loi de 2001 exigeait un agrément que le prévenu n’avait jamais obtenu. Il avait ainsi utilisé des hommes de pailles, experts-comptables ou avocats, pour apporter un gage de respectabilité. Trois d’entre eux étaient assis sur le banc des prévenus lors des audiences fin avril et début mai.
Dans son jugement de 140 pages, les juges énumèrent les faits reprochés à Jumeaux et consorts, les tiennent responsables, mais soulignent également les délais rallongés de la procédure : l’instruction a été ouverte en juillet 2006 et clôturée en octobre 2013. Le réquisitoire du ministère public est daté du 17 octobre 2017… mais l’audience n’a pu se tenir qu’en avril 2022. « Le Tribunal constate que ces périodes d’inaction ne s’expliquent par aucune justification légitime. Il y a dès lors lieu de retenir qu’il y a eu dépassement du délai raisonnable », lit-on dans la décision. De ce fait, les magistrats estiment que « les faits ne peuvent plus être autrement sanctionnés que par la suspension du prononcé ». José Jumeaux et ses acolytes sont ainsi mis à l’épreuve pendant trois ans, une période durant laquelle ils s’exposent à la peine encourue dans cette instance, ajoutée à celle liée à d’éventuelles nouvelles poursuites. En mai, le substitut du procureur avait requis 18 mois de prison avec sursis contre l’ancien patron de Fidufrance. Le bénéfice du temps est accordé pour ce qui touche à la peine. Les juges confisquent toutefois le magot accumulé par José Jumeaux sur des comptes à la Société Générale, de la Raiffeisen et de la Banque de Luxembourg, gelés depuis le début de l’enquête. Il s’élève à trois millions d’euros. Selon les informations du Land, le Parquet et le principal prévenu ont relevé appel de la décision. pso
Statistical Noise
Mise en ligne à l’occasion du soixantième anniversaire du Statec, l’exposition viturelle Framing Luxembourg exploite pleinement le potentiel offert par le digital. Après des essais plutôt décevants sur la Première Guerre mondiale (2018) et l’histoire de la BGL (2019), le C2DH réussit ici son pari. Sur framingluxembourg.lu, L’internaute peut suivre, le curseur sautillant, différentes courbes : croissance démographique, solde naturel et migratoire, taux de nuptialité, nombre de divorces, recensements professionnels, taux de chômage. Le contenu textuel est fourni par Paul Zahlen et Benoît Majerus, le design et les graphiques, qui rendent les données lisibles et intelligibles, fut assuré par Frederica Fragapane et Daniele Guido. Le projet devrait aboutir à un livre sur l’histoire du Statec, sur lequel travaille actuellement Paul Zahlen. Lors de l’anniversaire officiel du Statec, l’historien et ancien responsable du service des Statistiques sociales, avait tenté d’esquisser en 62 slides PowerPoint l’histoire de la statistique publique au Grand-Duché. Le Land l’a rencontré cette semaine pour évoquer le sujet.
La création d’un institut statistique étatique est très lente à se concrétiser. En 1853, se tient premier Congrès international de statistique. Le jeune État luxembourgeois loupe le rendez-vous, et s’en trouve un peu gêné. Trois en plus tard, le gouvernement se décide donc de lancer une « Commission permanente de statistique ». Le nom est mal choisi, car la « commission permanente » disparaît en 1858. Il faut attendre 1900 avant que ne soit créé un vrai service statistique, la « Ständige Kommission für Statistik ». (D’un point de vue institutionnel, le Statec fête donc cette année son 122 anniversaire, et non pas son soixantième.) Le projet avait dormi douze ans dans les tiroirs, l’enthousiasme des chefs d’administration et des membres du gouvernement restant très limité.
Ce n’est qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, que la statistique s’impose dans le cadre de la Reconstruction et de l’« économisation du monde ». Jusque-là, on avait laissé à la Chambre de commerce le soin de compiler les chiffres sur la production et les ventes. L’intégration européenne donne un formidable coup d’accélération : le gouvernement doit livrer des statistiques sur les revenus des ouvriers sidérurgiques (1953), sur le logement des ouvriers (1959), le budget des ménages (1963). La monnaie unique confèrera au Statec un rôle crucial, Pacte de stabilité oblige.
En 1978, le professeur en psychologie Gaston Schaber (dont la biographie reste à être écrite) crée le « Groupe d’études pour les problèmes de la pauvreté » devenu le Ceps en 1983, puis le Liser en 2014. « C’était un type en avance sur son temps », estime Zahlen face au Land. « Lorsque le RMG est créé en 1986, c’était le seul qui avait quelque chose à offrir, notamment en termes de contacts internationaux. Il était donc intéressant pour la politique, ce qui explique sa très bonne relation avec Jacques Santer. » Peu à peu, le Statec reprend le lead dans les enquêtes sociales, dont la méthodologie s’harmonisera au niveau européen pour permettre des comparaisons entre États membres.
En gros, Paul Zahlen décrit le développement statistique comme résultant de trois facteurs : la méthodologie scientifique, le contexte international et la volonté politique. Ce dernier point apparaît dès la première véritable entreprise statistique, à savoir le « cadastre de Marie-Thérèse [d’Autriche] » (photo : Château de Schönbrunn). Le grand dénombrement de 1766-1771, rappelle Zahlen, a résulté tant de pressions « d’en haut que d’en bas », le pouvoir central voulant raffermir la base imposable, les bourgeois demandant plus de « justice sociale ».
En tant qu’ancien du Statec, Paul Zahlen reste sceptique par rapport aux catégories statistiques : « Elles rendent certaines choses visibles mais en cachent d’autres. » Il cite l’ancienne catégorie d’« employé », qui sous-entendait une bonne position, alors que « certains employés étaient plus prolétarisés que les ouvriers », ou celle du « taux de risque de pauvreté », qui mesure en fait les inégalités. En tant que statisticien, estime-t-il, il faudrait faire preuve d’une certaine « humilité ». bt
Droit de réponse
En réaction à l’article « Holding The Gun » (d’Land du 22 juillet), Pierre Barthelmé souligne que c’est en tant que fonctionnaire qu’il a été nommé à la présidence du Conseil de la concurrence en 2018, indépendamment de sa couleur politique aux législatives de 2013. LL