« Construire un contre-monde »

David Wagner  et Nathalie Oberweis dimanche soir  au Streik
Foto: Hadrien Friob
d'Lëtzebuerger Land vom 16.06.2023

Sunny Sunday day drinking. Cela ressemble à un dimanche festif. David Wagner, chemise en lin, clope et verre à la main devant le bistrot Streik de la Maison du peuple à Esch où les camarades Déi Lénk se sont rassemblés dans une ambiance légère et festive. Sur le trottoir, le son des Francofolies voisines concurrence le bruit du trafic et contraint à hausser le ton pour mener une conversation. Dans le café, les écrans branchés sur RTL-Télé rappellent que les élections communales se jouent cet après-midi. David Wagner espère maintenir les huit mandats à l’issue du décompte. Deux sièges aux conseils communaux de Sanem, Luxembourg et Esch. Un à Differdange et un à Pétange. Une liste a aussi été montée à Schifflange, pour là aussi remporter un ou plusieurs mandats. 

Le cacique du parti ne se berce néanmoins pas d’illusions. David Wagner, redevenu étudiant en histoire après son passage au Krautmaart, énumère les incertitudes. En Ville, où il est tête de liste, le vote des étrangers est la grande inconnue. La popularité de Paulette Lenert va-t-elle permettre au LSAP d’engranger des suffrages des sympathisants de la gauche ? Surtout, on craint la concurrence du parti Pirate pour le vote contestataire.

Puis viennent les craintes structurelles du député rotatif : l’affaiblissement de la solidarité syndicale depuis trois décennies ou l’atomisation du mouvement ouvrier. « Le prolétariat existe toujours, mais il est désuni », relève David Wagner, résigné sur le manque d’engagement politique et le déclin des idéologies. Pour la candidate dans la capitale (pour la deuxième fois), « les gens ont peur des communistes ». « On nous trouve trop radicaux alors qu’on a quand même des positions nuancées », réagit la députée. Nathalie Oberweis souligne que ses prises de position sur l’Ukraine et les mesures Covid-19 ont pu être mal comprises.

Chez Déi Lénk, on se dit conscients des écueils et des « choses qui nous échappent ». Les premiers résultats en demi-teinte n’entament pas la bonne humeur. Le score intérimaire de Gary Diderich à Differdange est accueilli avec une demie-satisfaction (il sera réélu). L’ancien député Marc Baum a recueilli le plus de voix alors qu’il n’avait pas été désigné Spëtzekandidat. C’est finalement le seul élu Déi Lénk à la commune d’Esch. La tête de liste, le jeune Samuel Baum, ne passe pas le cut. À Luxembourg, seule Nathalie Oberweis obtient le nombre de voix suffisant. Les deux conseillers communaux sortants, Guy Foetz et Ana Correia, échouent. Déi Lénk recule dans cinq communes (sur sept listes présentées) : notamment -2,7 pour cent à Dudelange et -4,5 à Sanem. Le seul résultat positif intervient à Schifflange où l’instructeur de natation Aldin Civovic décroche un siège. Avec 9,81 pour cent des suffrages, Déi Lénk y obtient son meilleur score : les Piraten n’y avaient pas présenté de liste. 

The day after. C’est la gueule de bois. « Un sentiment négatif » prévaut chez David Wagner, contacté par le Land. Il ne pense pas forcément à la campagne de Déi Lénk, « je sais qu’on n’est pas parfait et qu’on a peut-être mal agi ici ou là ». Wagner s’avoue amer face au constat que lutter contre le réchauffement climatique et les excès du libéralisme « ne paie pas électoralement ». Ni pour Déi Lénk, ni pour Déi Gréng. « Il faut qu’on construise un contre-monde, et ce n’est pas facile. Parce qu’on est petits. » L’urgence est au bilan trois mois avant les élections législatives. Ce lundi matin, Nathalie Oberweis informe d’emblée son parti qu’elle ne briguera pas un deuxième (demi) mandat à la Chambre. « La raison principale, c’est l’incompatibilité entre avoir de jeunes enfants et représenter un parti à deux à la Chambre », confie la députée au Land. « Un jour, tout le monde aura oublié ce que j’ai fait, tout le monde, sauf mes enfants », résume Nathalie Oberweis.

Pierre Sorlut
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