En une douzaine d’épisodes prenant place dans l’un des pays les plus machistes du monde, Dino Risi (1916-2008) explose les genres, lève l’hypocrisie des tabous sociaux, montre l’intéressement sexuel comme finalité de toute relation, ou encore cible l’asservissement quotidien des femmes, réduites le plus souvent à n’être qu’un accessoire dans les mains des hommes... Ainsi se présente Moi, la femme (Noi Donne siamo fatte così, 1971) de Dino Risi, qui reprend, dix ans après le succès des Monstres (1963), la forme éclatée et dynamique du film à sketch, très en vogue à cette époque. D’une durée moyenne de dix minutes, chacun d’entre eux a son identité propre, à la façon d’un court-métrage. Et porte à son blason le prénom féminin de sa protagoniste : Monica la musicienne, Zoe la romantique, Annunziata la Mamma romaine, Teresa esclave d’amour, etc.
Décédée il y a peu, Monica Vitti (1931-2022) est l’interprète principale de ces micro-récits. Ce qui lui permettra de révéler sa vraie nature de comédienne, jusque-là contrariée par les rôles dramatiques que lui confiait Michelangelo Antonioni dans ses films (L’Avventura, 1960 ; L’Éclipse, 1962 ; Le Désert rouge, 1964). Autant d’œuvres paradoxalement plus connues en France qu’elles ne l’étaient en Italie. Entre le metteur en scène et l’actrice, il faudra une séparation pour que Monica Vitti se décide à se consacrer pleinement à ce registre qu’elle convoitait depuis si longtemps. Un aspect de sa palette d’actrice que la Cinémathèque de Luxembourg a eu la bonne idée de célébrer en quatre films : outre Moi, la femme, on pourra découvrir Il Disco Volante (1964), de Tinto Brass ; Modesty Blaise (1965) de Joseph Losey ; ou encore Teresa la voleuse (1973), de Carlo di Palma. Elle tournera par ailleurs La Fille au pistolet (1968), une collaboration qui conduit le cinéaste Mario Monicelli à déclarer à son sujet: « Elle était la fille la plus drôle que je connaissais. C’est pour cela aussi que j’étais convaincu qu’elle était faite pour devenir la première femme à tenir le rôle principal dans une comédie. » Monica Vitti devint ainsi l’égal d’Alberto Sordi, Vittorio Gassman ou Ugo Tognazzi.
Écrit par une pléiade de scénaristes, parmi lesquels figure notamment un certain Ettore Scola, Moi, la femme a été réalisé dans le sillon de Mai 68. Le film porte les traces de ce contexte en pleine ébullition. Malgré l’instabilité politique que connaît la Péninsule à cette époque, le corset de la morale finit par se déchirer sous la pression des revendications clamées de plus en plus fort par les femmes, de la loi sur le divorce en 1970 au droit à l’IVG à la fin de cette même décennie.