La Reuter Bausch Art Gallery qui le représente, a eu l’idée de demander à l’artiste Julien Hübsch (Esch-sur-Alzette 1995), de choisir des artistes de la même génération émergente que lui pour l’exposition intitulée Forever after.
« Il y aura toujours un futur pour l’avant », ce titre est on ne peut plus juste, en ce qui concerne Julien Hübsch et ses matériaux résiduels prélevés à l’espace urbain et assemblés aussi bien en tableau, qu’en sculpture ou installation. D’où l’emprunt du titre du présent article de « peinture élargie », l’intitulé de sa classe pour sa dernière année d’études à la HGB de Leipzig.
Recyclage de traces de graffitis dans l’espace public, mais aussi de dégradations et de vandalisme, expressions de la révolte contemporaine contre le consumérisme, font de Julien Hübsch et de ses transformations plastiques, un synthétiseur de l’époque. D’où l’engouement pour ses créations, comme des restes archéologiques retrouvant une nouvelle vile par le geste de la création. On rappellera qu’il a séduit le CAL cette année en remportant le Prix Grand-Duc Adolphe, qu’il exposera en février à la galerie Dominique Lang de Dudelange, tout juste de retour d’une résidence de recherche à la Cité des Arts à Paris, avant de partir pour une autre résidence la Fondation Darling de Montréal.
On peut penser que c’est beaucoup, peut-être même prématuré par rapport à l’évolution de sa carrière, mais le choix par Julien Hübsch de Kolja Kärtner Sainz né en 1998 à Leipzig où il travaille et étudie encore à l’Akademie der Bildenden Künste et de Minh Phuong Nguyen, née en 1999 en Allemagne de parents émigrés vietnamiens, est un exemple des moyens d’expression des jeunes pousses (ici en l’occurrence, de l’école allemande). Certes, c’est un défi de décrypter un sens commun avec le travail de Hübsch : les expressions de Kolja Kärtner Sainz et de Minh Phuong Nguyen sont très éloignées de son approche, voire entre elles.
Il faut donc garder en tête que Forever after est le mot clé commun des trois modes de pensée. L’accrochage commence par deux productions récentes de Julien Hübsch, très simplifiées par rapport à l’assemblage des matériaux multiples antérieurs. (Untitled combination_1 et _2). Ce sont deux combinaisons de cinq et neuf bâches de palissades de chantiers provenant du site industriel du futur quartier d’habitation de la Metzerschmelz. Maillage grossier, plastique bleu vernis, noir ou blanc froissé. L’expression picturale de ce que l’on voit, existe par l’assemblage des matières et des tonalités juxtaposées, le montage sur cadre. On dirait une palette de couleurs prête à l’usage, alors que la matière fait l’œuvre avec ses disruptions, comme cette fine bande orange ou celle bleu canard.
Blech, une tôle pliée par la contrainte d’une barre en bois transversale, devient tableau par l’insertion dans un cadre. Hübsch n’a jamais montré cette œuvre parce qu’il n’avait pas encore trouvé de contexte propice. Blech date de 2020 et fonctionne parfaitement en diptyque, le dialogue est comme indissociable avec l’extension spatiale de Beak #1 de Kolja Kärtner Sainz : un carré noir qui se désagrège, des reflets argent et un fond jaune.
L’instant. Voilà le thème des peintures de Sainz. Le travail sur la distorsion de l’espace et du temps est parfaitement illustré par Fast Forward #2. Il n’y a pas d’étape antérieure au travail à l’huile et encre sur toile. Sainz revient à une recherche picturale directe du moment où l’espace géométrique est dissout par l’espace-temps. Le signe µ que l’on retrouve au bas de Soft Pocket ou traversant tout l’espace de untitelded (extended) en donne l’interprétation littérale.
On peut s’aider des titres pour tenter de comprendre l’ambiguïté entre deux cultures de Minh Phuong Nguyen : Pay to play, good game, one day we will be rich, ont la couleur verte d’un tapis de table de jeu et représentent des rituels traditionnels de la famille vietnamienne de Minh Phuong Nguyen. Brûler de l’argent pour s’enrichir est en soi déjà contradictoire. On en vient à ressentir un sentiment encore plus troublant devant le diptyque au chrysanthème, symbole de beauté et de bonheur, ici en train de se faner, everything and nothing at all… Minh Phuong Nguyen, doit-elle se détacher d’un passé en passant à un autre mode de représentation pour le futur ? L’indice est presque trop évident avec burning it. Une brûlure qui entoure, a-t-on cru deviner les contours de la République du Viêt Nam comme traversée d’une couronne d’épines sur fond couleur de chair. L’interprétation est en contradiction avec ce que sera le futur.