Festival

Au diable les setlists !

d'Lëtzebuerger Land vom 04.09.2020

Un rire gras retentit sur le parking conjoint du centre culturel Opderschmelz et du CNA à Dudelange, à l’arrière du bâtiment central. Une buvette et un stand de restauration ont été installés dans un coin, à l’ombre du Waassertuerm. L’ambiance est plutôt bon enfant, on rit de la distanciation tout en la respectant. De l’autre côté, une grande scène. En ce vendredi 28 août au soir, les membres de l’audience sont priés de se munir d’une chaise pliante en toile et de se diriger vers leurs îlots respectifs. Pour cette nouvelle soirée du festival en plein air Ënnert dem Waassertuerm, on accueille Lata Gouveia en guise de première partie. Le fondateur du Grund Club est accompagné par Paul Porcelli à la guitare électrique. On connaissait déjà la musique de band du chanteur compositeur originaire de Lisbonne aux forts accents folk américaine. On la redécouvre dans une disposition plus intimiste qui lui sied plutôt bien. Sans éclat particulier, on retient tout de même du set une belle interprétation du titre Let the river, tandis que la pluie commence à tomber.

L’audience profite de l’intermède pour se protéger d’une météo qui sera imprévisible les heures suivantes. Arrivent ainsi sur scène les deux musiciens qui composent une partie de la formation Ezio, tête d’affiche de la soirée et habitués de l’institution dudelangeoise. D’un côté Ezio Lunedei, sympathique et imprévisible chanteur/compositeur, et de l’autre, son fidèle acolyte Mark Fowell alias Booga, à la guitare. Le leader grisonnant et à l’œil vif commence par remercier le public venu en nombre. Il se moque gentiment des lieux, un parking donc, tout en rappelant ses origines britanniques et en dissertant sur les mauvaises conditions météo auxquelles il s’est habitué sur place. C’est la première fois que les deux musiciens remontent sur une scène depuis février. Le lendemain ils joueront à Sarrebourg, l’occasion pour Ezio Lunedei d’évoquer de nombreuses anecdotes liées à l’Allemagne, un de ses pays d’adoption.

Le show démarre avec Indian. Les deux artistes savent de quoi ils parlent. Plus qu’à l’aise, ils savent attirer l’attention d’une audience qui se relâchait progressivement. Le son de leurs guitares est un peu trop saturé. Très vite, le duo est interpellé par un spectateur qui réclame un vieux morceau, Francesca’s Grown Up. Ezio Lunedei pris de court envoie d’abord balader le demandeur, sous les rires de l’audience, avant de plier à ses exigences, évidemment. Il improvise un dernier couplet à ce joli titre, qu’il n’avait pas joué depuis des années. Il y parle de Tinder et d’Instagram. Booga, qui transpire la bonhomie et la sérénité, est assis sur un tabouret. Il se lève uniquement pour effectuer des solos qui font d’autant plus effet. Le public est acquis à leur cause. À partir de ce moment, les demandes fusent. Ils enchainent Deeper, Oranges ou encore Bicycle sur ce même principe. On ne saura jamais si le groupe avait préparé une setlist car le concert devient un échange constant avec le public qui ne cesse de réclamer de nouveaux titres issus de leur répertoire assez touffu. En somme, un concert sur-mesure dont chaque fan rêverait. Entre deux morceaux, le duo exécute un nouveau sketch. Tout est prétexte à la plaisanterie. La machine à fumée, le tabouret de Booga, le prénom d’une spectatrice ou encore John Rech, le directeur du centre culturel. Un humour anglais, parfois politiquement incorrect et contrebalancé par une très belle musique folk. Qui dit mieux ?

Kévin Kroczek
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