Avec son nouveau gouvernement libéral, la Roumanie compte redorer son image ternie par les attaques des sociaux-démocrates contre la justice et l’État de droit. Mardi 15 octobre, le président Klaus Iohannis a nommé un nouveau Premier ministre, Orban, chef de file du principal parti d’opposition, le Parti national libéral (PNL). « Nous allons renforcer le parcours européen de la Roumanie, a-t-il déclaré après sa nomination. Nous allons faire respecter l’État de droit et assurer l’indépendance de la justice. » Ludovic Orban a dix jours pour se présenter avec ses ministres devant le parlement où il a peu d’alliés. S’il n’est pas désigné, le président Iohannis proposera un autre Premier ministre et si cette deuxième proposition est refusée par les députés il pourra entamer des élections anticipées.
Quant aux sociaux-démocrates qui ont gouverné la Roumanie depuis 2016, ils sont perplexes. Le 10 octobre, à la tribune du parlement, la Première ministre sociale-démocrate Viorica Dancila n’en revenait pas et son visage trahissait un mélange d’incompréhension, de colère et d’impuissance. Elle a vu son gouvernement balayé par une motion de défiance votée par l’opposition libérale et par ses alliés. Une majorité de 238 élus sur un total de 465 se sont prononcés pour le départ de cette sociale-démocrate qu’ils ont traitée de « corrompue » et d’« incompétente ». Viorica Dancila avait mené une offensive contre la justice et l’État de droit pour sauver la face de Liviu Dragnea, président du Parti social-démocrate (PSD). Mais elle a échoué, ce dernier ayant été condamné en mars dernier à trois ans et demi de prison ferme pour abus de pouvoir.
La chute du gouvernement social-démocrate marque la fin d’un cycle au long duquel la classe politique a tenté d’imposer sa volonté au système judiciaire en limitant le pouvoir des magistrats. Une tentative qui a échoué et dont l’opposition s’est servie pour attaquer la majorité parlementaire de gauche. « Sous le règne de Viorica Dancila les institutions juridiques de l’État ont été affaiblies et les voleurs font la loi, a déclaré depuis la tribune du parlement la députée libérale Raluca Turcan. Viorica Dancila a menti, désinformé et utilisé l’argent public pour ses intérêts personnels et politiques. »
Le PSD était déjà affaibli depuis que son allié centriste – l’Alliance des libéraux et des démocrates (Alde) – avait quitté le gouvernement le 26 août. Les sociaux-démocrates ont également été lâchés par le parti de la minorité hongroise (UDMR). « Le gouvernement Dancila est tombé suite à une motion de censure, et il restera dans l’histoire de la Roumanie au top des gouvernements incompétents, a déclaré Dan Barna, le chef de l’Union Sauver la Roumanie (USR), un groupe d’opposition qui représente la jeunesse. Nous devons maintenant nous projeter dans l’avenir, et la seule solution, ce sont les élections anticipées. Le peuple a toujours raison. »
La chute du gouvernement risque d’avoir un effet catastrophique sur les sociaux-démocrates, qui devront affronter une élection présidentielle le 10 novembre. Leur candidate, Viorica Dancila, n’envisage pas de céder, et après la chute de son gouvernement, elle risque de de mener son parti dans le mur. « Je reste à la tête du PSD et je n’ai rien à me reprocher, a-t-elle affirmé suite à la motion de censure. Je vais me présenter à l’élection présidentielle et je serai au deuxième tour. » Reste à savoir si son parti la croira sur parole.
Face à Viorica Dancila, le président Iohannis, qui brigue un deuxième mandat, a toutes les chances de l’emporter. Mais la bataille n’est pas gagnée d’avance. La chute du gouvernement social-démocrate renforce deux jeunes partis pro-européens qui pourraient changer la donne : l’Union sauver la Roumanie (USR), dirigée par Dan Barna, et Plus, formation créée par Dacian Ciolos, ancien commissaire européen à l’Agriculture et président du groupe Renew Europe au parlement européen. « Le PSD nous a donné des gouvernements chaotiques, incompétents et irresponsables, a déclaré Dacian Ciolos. Nous avons besoin d’une nouvelle majorité au parlement et seul le vote des Roumains peut nous la donner. »
L’alternance politique à Bucarest était également attendue à Bruxelles, où Rovana Plumb, la première candidate roumaine au poste de commissaire européen, suspectée de conflit d’intérêt, a été refusée le 26 septembre par les eurodéputés. Avant la chute de son gouvernement, Viorica Dancila a proposé un autre candidat à Bruxelles, à savoir Dan Nica, eurodéputé du PSD accusé de corruption dans plusieurs dossiers du Parquet national anticorruption. Un choix critiqué par l’opposition, qui accuse Viorica Dancila de vouloir exporter la corruption à Bruxelles. « Je vais intervenir au niveau européen pour que soit refusé un commissaire européen proposé par un gouvernement démis », a déclaré le président Iohannis, qui promet de proposer un autre candidat à Bruxelles. Son ambition : refaire la crédibilité de la Roumanie au sein de la famille européenne.