édito

Les mots ont un sens

d'Lëtzebuerger Land du 16.08.2024

Dans son « État des lieux du sexisme en France », paru en janvier dernier, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes relève que « 37 pour cent des hommes considèrent que le féminisme menace leur place dans la société », un taux qui a augmenté de trois points par rapport à l’année précédente. « Ils sentent le vent tourner, les femmes se taisent de moins en moins, et ça les fait trembler », note le média féministe luxembourgeois L’Effrontée.

Sans doute le député ADR Tom Weidig connaît-il le même sentiment comme le montre son inquiétude face à la place accordée au Conseil national des femmes du Luxembourg (CNFL). « La représentation unilatérale des femmes dans des instances traitant de questions touchant les deux sexes pose la question de l’absence d’un Conseil national des hommes dans ce pays », écrit-il dans sa question parlementaire posée à Yuriko Backes (DP), ministre de l’Égalité des genres et de la Diversité.

Elle justifie l’action de son ministère qui « intervient lorsqu’un déséquilibre important entre les sexes est détecté, comme un nombre élevé de femmes parmi les victimes de violence domestique, la sous-représentation des femmes dans les instances dirigeantes ou le manque de filles et de femmes dans le domaine des sciences et technologies ».  Elle  ne se laisse pas entraîner sur le terrain d’un soi-disant manque de représentativité arguant que l’opinion des hommes est déjà largement consultée. « Le ministère dispose d’une panoplie de collaborations avec d’autres organisations, associations et groupes de la société civile qui représentent et accompagnent les hommes ».

On peut en effet se demander quels points de vue, avis ou recommandations un Conseil national des hommes aurait à mettre en avant qui ne le sont pas déjà. Les perspectives masculines sont souvent appliquées « par défaut » et restent sur-représentées. En 1975, le Conseil national des femmes a été créé pour faire entendre des voix passées sous silence et qui, même si elles ont plus de poids aujourd’hui, restent largement dominées.

En revanche, la ministre ne relève pas le terme utilisé par le député qui voit du « sexisme » dans l’absence d’un Conseil national des hommes. Les mots ont un sens. Le terme sexisme désigne l’ensemble des comportements individuels et/ou collectifs qui perpétuent et légitiment la domination des hommes sur les femmes en s’appuyant sur des stéréotypes pour perpétuer des rôles et attitudes. Il décrit donc un traitement inégalitaire et hiérarchisé entre les genres qui s’exerce de manière systémique dans tous les pans de la société.

Certes les hommes vivent aussi des discriminations, mais parler de « sexisme anti-hommes » ou de « sexisme inversé » est un détournement qui sous-entend une symétrie entre les violences que vivent les femmes et celles que vivent les hommes. « La symétrisation consiste à affirmer que les hommes aussi sont opprimés, que les femmes aussi sont violentes, qu’au final on est tous les mêmes », selon les termes de Sandra Roubin, chargée de recherche au Collectif contre les violences familiales et l’exclusion en Belgique. L’idée de « sexisme anti-hommes » se limite à une analyse psychologique et individuelle qui oblitère la dimension systémique de l’oppression sexiste. À dessein ou non, ce terme conduit à des conceptions politiques erronées qui déprécient les combats féministes et entretiennent l’oppression des femmes.

En revenant au rapport du Haut conseil à l’égalité en France, on note un décalage entre la prise de conscience des inégalités et le maintien des stéréotypes qui continuent de forger les mentalités et les comportements. Les violences sexistes et sexuelles ne reculent pas, le harcèlement de rue ne baisse pas, les réflexes masculinistes qui considèrent « qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter » persistent.

Le sexisme ambiant reste une réalité qu’il faut continuer à désigner, dénoncer et sanctionner.

France Clarinval
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