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Éditorial
Micro-Macron
Bernard Thomas
« Luc Frieden se gardera de dévoiler ses intentions [concernant la réforme des retraites] lors de l’état de la nation. À quelques semaines de leur grande mobilisation, le gouvernement ne fera pas un tel cadeau aux syndicats », écrivait le Land quatre jours avant le discours du Premier ministre. La prévision s’est révélée fausse. Le timing choisi par Luc Frieden a déconcerté jusque dans sa propre majorité. Alors que les syndicats s’inquiétaient du succès de leur manifestation du 28 juin, le Premier leur a offert, malgré lui, un puissant remontant. Ses annonces sur les retraites ont créé un nouveau fait accompli et ouvert un autre front social. Alors que cette dernière onde de choc se propage encore, voici que le Conseil d’État va publier, mardi prochain, ses très attendus avis sur le travail dominical et les horaires d’ouverture. En cas d’oppositions formelles, les rapports de forces intra-CSV changeraient en faveur du chef de fraction Marc Spautz, au détriment du ministre Georges Mischo.
Plutôt qu’une stratégie politique, Luc Frieden adopte une posture. Elle rappelle celle de Macron. Le Premier ministre a souvent exprimé son admiration pour le Président français, allant jusqu’à qualifier de « courageuse » la décision de ce dernier de dissoudre l’Assemblée nationale (en fait une énorme bévue). Comme le président « jupitérien », le « CEO » joue son crédit sur une réforme des retraites impopulaire. Comme lui, il pourrait sous-estimer les capacités de mobilisation des syndicats et de la société civile. Le 14 mai, exténué et irrité par plus de huit heures de débats, Luc Frieden répondait aux questions de l’opposition par une série d’improvisation off script. Il s’est vite fourvoyé dans les détails sur la réforme des retraites, accumulant les approximations techniques et les gaffes politiques. Martine Deprez paraissait bien embêtée à devoir assurer à la va-vite le service après-vente, rebaptisant les annonces précoces en « Stoussrichtungen ». Frieden a beau vanter sa réforme comme « bien équilibrée », cela crève les yeux : Les mesures frappent uniquement les salariés. Recommandée par l’OCDE, une hausse des cotisations aurait aidé à faire passer la pilule. Mais elle reste une ligne idéologique que le CSV et le DP sont décidés (pour l’instant) à ne pas franchir, au nom de la « compétitivité » et du « méi Netto vum Brutto ».
Luc Frieden ne comprendrait-il rien à la politique, comme disait l’autre ? Peut-être. Mais derrière les maladresses, il y une cohérence idéologique. Les franges plus radicales du patronat rêvent depuis longtemps de rompre le consensus social-démocrate (ou chrétien-social ou social-libéral) pour enfin lancer des « réformes structurelles ». Luc Frieden privilégie une approche de la confrontation pour imposer ses visions politiques. Or, c’est avec des troupes bigarrées qu’il va devoir affronter un front syndical OGBL-LCGB plus soudé que jamais. (La CGFP se tâte encore quant à une participation à la manif, et annonce faire part de sa « réplique claire » mardi.)
Au sein de la majorité, certains cherchent à désamorcer une situation qu’ils savent explosive. Les critiques commencent à enfler au sein du CSV. Au dernier comité national, relate le Tageblatt, plusieurs intervenants auraient reproché une communication « pas optimale ». Plutôt que de foncer « mam Kapp duerch d’Mauer », on ferait mieux de chercher un terrain d’entente avec les partenaires sociaux. « Ce fut une réunion agréable », relativise Frieden face au Quotidien. « Comme toujours, il existe différents avis sur différents sujets. » Pendant ce temps, les libéraux essaient de sauver les formes et de se profiler comme la conscience sociale de la coalition. Dans le dernier « Background » de RTL-Radio, la présidente du DP, Carole Hartmann, a répété ad nauseam qu’il fallait « refaire un pas » en direction des partenaires sociaux, ceux-là même « qui financent le système ». Il n’y aurait pas de « fäerdeg ficeléierte Reform-Pak », mais uniquement des « Basis-Elementer ». Il resterait encore matière à discussion, assurait la députée-maire epternacienne samedi.
La veille, l’OGBL et le LCGB avaient pourtant douché les espoirs, annonçant le boycott du « pseudo-dialogue » et jurant ne plus retourner à la table des négociations. À moins que ce soit dans le cadre d’une Tripartite (avec un grand T), où il faudrait trouver « un consensus global » allant de la réforme des retraites au droit du travail. Si leur manifestation est un succès (c’est-à-dire si elle mobilise plus de 10 000 personnes), les syndicats se retrouveront en position de force. C’est un scénario plausible que le gouvernement ne paraît pas avoir pris en compte. Bref, on ne voit plus de sortie de crise sans que l’une ou l’autre partie ne perde la face. Ce qui est le contraire du modèle luxembourgeois.
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