Chroniques de l’urgence

Sauver les océans, c’est possible

d'Lëtzebuerger Land du 12.06.2020

Quoi de plus majestueux et de plus hypnotique que les mouvements des grands cétacés au moment où ils émergent des profondeurs et évoluent avec grâce à la surface de l’eau ? Bonne nouvelle : il est encore possible de sauver leur habitat, réservoir d’une formidable biodiversité encore largement inconnue et producteur d’une partie significative de l’oxygène que nous respirons.

Réfléchir à ce qui est nécessaire pour préserver et restaurer les océans est des plus utiles pour mesurer l’ampleur de la tâche, prendre conscience de l’imbrication de toutes les facettes de la lutte pour notre survie, d’une part, mais aussi, de l’autre, comprendre que les ressources financières requises pour y parvenir sont somme toute limitées.

Selon une étude publiée il y a quelques semaines dans Nature, « Rebuilding Marine Life », menée par seize universités dans dix pays, il faudrait de l’ordre de dix milliards de dollars par an pour financer un plan de restauration océanique mondial à l’horizon 2050. Le principal message de cette étude est que, selon l’un de ses coauteurs, Jean-Pierre Gattuso, chercheur CNRS au Laboratoire d’Océanographie de Villefranche, cet horizon à trente ans « est un objectif de restauration substantielle (50 à 90 pour cent de l’état antérieur), un objectif atteignable à l’échelle d’une génération ».

Il ne s’agit pas de se voiler la face. L’état des océans est catastrophique. La surpêche concerne un tiers des poissons, entre un tiers et la moitié des habitats marins vulnérables ont déjà été perdus, les récifs coralliens sont fortement menacés par le réchauffement de l’eau, des espèces sont déplacées, les déserts marins augmentent, l’acidification menace. Pour les récifs coralliens, il est sans doute trop tard.

Mais pour parvenir à relancer l’impressionnante dynamique de résilience des océans – « la diminution de la pression humaine quelle qu’elle soit entraîne une amélioration de santé des écosystèmes », explique Gattuso – il « suffirait » de créer de vastes zones de protection, d’arrêter la surpêche et de limiter la pollution sous toutes ses formes.

Pour convaincre les décideurs que tout espoir n’est pas perdu, les océanographes et biologistes auteurs de l’étude recensent les cas, nombreux, où des espèces ont pu échapper à l’extinction et revenir à des niveaux de survie, et où des écosystèmes qui semblaient perdus donnent des signes encourageants de récupération : on dénombre 40 000 baleines à bosse et 200 000 éléphants de mer, des espèces qui sont passées à un doigt de disparaître. 1 500 kilomètres carrés de forêts de mangroves dans le delta du Mékong, au Vietnam, ont été entièrement restaurés. La surface de mangroves a augmenté en Chine, en mer Rouge ou dans le golfe arabo-persique.

Ne l’oublions pas, les océans vivants sont un rouage essentiel du climat terrestre et leur restauration une condition sine qua non de la poursuite de l’aventure humaine.

Jean Lasar
© 2024 d’Lëtzebuerger Land