Le Conseil d’experts pour les questions environnementales (Sachverständigenrat für Umweltfragen, SRU) a publié la semaine dernière à Berlin un rapport qui, pour la première fois, chiffre explicitement le budget carbone qui reste à l’Allemagne si elle entend atteindre les objectifs auxquels elle s’est engagée au titre de l’Accord de Paris. Les défenseurs du climat ne s’y sont pas trompés et l’ont félicité de mettre ainsi les pieds dans le plat.
À l’échelle des nations, l’unité de mesure pour les émissions de dioxyde de carbone d’origine humaine est la gigatonne (milliard de tonnes). Pour se donner deux chances sur trois de rester sous les 1,75 degrés Celsius de réchauffement, il reste à l’humanité un budget carbone de l’ordre de 800 gigatonnes à compter de 2018. Proportionnellement à sa population (un critère qui ignore ses émissions historiques et son empreinte élevée par tête), l’Allemagne dispose d’un budget carbone de 6,7 gigatonnes, ont calculé les experts du SRU. Si l’objectif est de rester sous les 1,5 degrés, avec une chance sur deux d’y parvenir, le budget tombe à 4,2 gigatonnes à partir de 2020.
Par rapport aux objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050 que se donnent la plupart des pays qui prétendent jouer le jeu, dont l’Allemagne, un budget carbone a l’avantage de rendre plus difficiles les manœuvres de dilution et de procrastination. Sur ce point, le rapport du SRU enfonce le clou : c’est à l’horizon 2038 que l’Allemagne doit parvenir au plus tard à la neutralité carbone, pas en 2050.
Bien que la loi fédérale de protection du climat ait introduit des budgets d’émissions de gaz à effet de serre pour la plupart des secteurs économiques, ceux-ci ne reposent pas sur des considérations scientifiques, argumentent les experts. C’est pourquoi ils recommandent à l’exécutif d’« énoncer un budget carbone allemand compatible avec l’Accord de Paris sur le climat » afin de pouvoir « formuler des objectifs adéquats ».
Ce rapport voit le jour alors que l’action climatique du gouvernement d’Angela Merkel est loin du compte et que l’écart entre efforts requis et engagements risque de se creuser encore plus au nom de la lutte contre la récession. Au quotidien taz qui l’interrogeait sur ce rapport, un porte-parole du ministère de l’Environnement a répondu doctement : « Mathématiquement, l’approche est convaincante. Mais la politique, ce n’est pas que des mathématiques ».
Voire. Avant même la crise sanitaire, la « Kohlekommission » avait adopté 2038, un objectif ridiculement éloigné, pour la fermeture des centrales à charbon allemandes. Ces jours-ci, face à la menace de contraction économique, les ministres de la « GroKo » tergiversent et temporisent, donnant droit pratiquement sans coup férir aux exigences à haute intensité carbone des vaches sacrées de l’économie allemande, constructeurs automobiles en tête. Ils feraient mieux de se plonger dans le rapport de leur « Umweltrat ».