Ticker du 5 novembre 2021

d'Lëtzebuerger Land vom 05.11.2021

Ouni en quête d’un second souffle

La première épicerie coopérative bio et sans emballages créée au Luxembourg voilà cinq ans, Ouni, traverse des difficultés financières, informe sa responsable Anne-Claire Delval ce mercredi. « Les deux années qui viennent de s’écouler ont mis à mal les efforts consentis par chacun au sein de la coopérative », est-il écrit dans le communiqué diffusé cette semaine. Les portes du magasin de Dudelange (le second après celui de la rue Glesener à Luxembourg) ouvertes le 14 mars 2020 se sont refermées trois jours après à cause de la pandémie « pour des raisons sanitaires » (cf alimentaire sans emballage). Les investissements consentis, notamment dans la livraison de produits, ne trouvent pas d’écho en termes de fréquentation de la clientèle dudelangeoise maintenant que les restrictions se lèvent. Ouni constate en outre une baisse de la fréquentation en son « site historique » de la capitale (photo : Patrick Galbats), « avec une partie de la clientèle toujours en télétravail » et un « climat mois attractif » quartier Gare. La coopérative recherche un gérant pour insuffler une nouvelle dynamique, mais aussi de « l’argent frais et des nouveaux membres pour faire face à l’adversité ». « Ouni a fait appel à ses coopérateurs, mais se tourne également vers tous ceux qui souhaiteraient embarquer dans cette magnifique aventure afin de poursuivre sa mission qui, au-delà de la vente sans emballage, consiste à sensibiliser, éduquer et contribuer au développement durable, à un style de vie plus respectueux des valeurs humaines et de la planète qui nous héberge », informe Anne-Claire Delval. En clair, la coopérative recherche des nouveaux clients, acheteurs de parts (cent euros l’unité) ou des prêts actionnaires (à partir de mille euros). Une campagne de crowdfunding sera bientôt lancée. pso

Quand Kersch désavoue Schmit

Selon les informations du Land, l’incubateur pour entreprises à impact sociétal ouvert par le ministre Nicolas Schmit (LSAP) en 2016 est liquidé par son successeur et camarade de parti Dan Kersch. 6Zero1, tel est son nom, avait été créé dans le but de promouvoir le statut de société d’impact sociétal (SIS) instauré par la loi du 12 décembre 2016. La SIS devait soutenir le développement des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Le statut hybride entre société commerciale et œuvre charitable assure une sécurité juridique. Elle permet en outre de gagner de l’argent via un investissement dans un projet d’intérêt social en matière d’inclusion, de formation, de protection de l’environnement ou autre.

Comme son nom l’indique (presque), 6Zero1 est devenue la première SIS avec à son capital l’État (via le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire), de la Fondation du Grand-Duc et de la Grande-Duchesse et de l’Uless (Union luxembourgeoise de l’économie sociale et solidaire). L’incubateur logé au Creative Hub 1535° differdangeois devait d’ailleurs former les entrepreneurs de l’innovation sociale aux lourdes démarches administratives liées au statut de SIS (rapports de gouvernance réguliers, élaboration d’indicateurs de performances, règles fiscales préférentielles dans certains cas, etc). Les rapports financiers révèlent des pertes abyssales que même les subsides étatiques, par centaines de milliers d’euros, ne compensent pas. On note entre autre un loyer annuel de 44 000 euros qui mangeait les trois quarts du chiffre d’affaires en 2018. « L’apparition de la pandémie liée au Covid-19 au courant du mois de mars 2020 a précipité la remise en cause d’un modèle économique de la Société, sans que cet impact ne puisse être estimé de façon précise », lit-on dans les comptes 2019 publiés en juillet (soit avec un an de retard sur la date limite). « Le Conseil d’Administration a la ferme intention de liquider volontairement la société et de cesser son activité à brefs délais, remettant en cause de façon définitive le principe de continuité d’exploitation », est-il encore écrit. A été publié au registre de commerce le 7 octobre, le déménagement de 6Zero1 à l’adresse du ministère de la sécurité sociale dont il dépend. Le bénéficiaire effectif de la start-up est Daniel Kersch (photo : Jessica Theis), le ministre socialiste

Contacté par le Land, le chef de l’Économie sociale et solidaire au ministère, Marco Estanqueiro, affirme que « la décision (de liquider 6Zero1, ndlr) est politique ». Le vice-Premier ministre entend offrir la même assistance aux entreprises sociales mais dans le cadre d’un service public et gratuit. La Maison de l’économie sociale et de l’innovation sociale ouvrira courant 2022 au Kalchesbréck dans les anciens bureaux de Deloitte, dorénavant loués par l’État. Et les sociétés demandant assistance ne devront plus viser obligatoirement le statut de SIS. Un désaveu pour Nicolas Schmit (photo : pg), aujourd’hui Commissaire européen à l’Emploi et aux droits sociaux (!) qui a porté le projet de loi sur la société d’impact sociétal et le coûteux incubateur ? L’annuaire thématique des organismes habilités à recevoir des dons recense 29 SIS. Et il faudra soustraire 6Zero1 quand les comptes 2020 et 2021 auront été préparés puis le liquidateur nommé. 

Dans les comptes 2020 de la Fondation du Grand-Duc et de la Grande-Duchesse publiés la semaine passée, l’on apprend que celle-ci a revendu ses parts dans 6Zero1 à l’État… pour leur valeur nominale en vertu d’un pacte d’actionnaire. L’on interprète la disposition comme une garantie offerte à une partie-prenante qui ne croyait pas vraiment en un projet dont l’objet est aussi assez éloigné des siens. D’ailleurs, les 50 000 euros en question ont été restitués pour permettre à la fondation de financer des projets sociaux, notamment du soutien aux personnes marginalisées durant la pandémie. La présence de la fondation au capital symbolisait la possibilité d’associer un organisme privé à une association et à l’État dans un projet d’impact sociétal. L’on apprend en outre à travers les comptes de 6Zero1 que l’ancienne administratrice déléguée (l’entreprise a compté entre 1 et 1,75 emploi temps plein durant son existence), s’est retournée en mars 2020 contre l’entreprise pour licenciement sans motif réel et sérieux. pso

Dupont inquiète

« We are proud of our reputation for political, economic and social stability, our industriousness and skills, and our unwavering adherence to the principles of free enterprise. » Le prince Charles (le frère du Grand-Duc Jean) avait présenté par ces mots la nation luxembourgeoise aux entreprises américaines dans le cadre du lancement du Board of Industrial Development. Dupont de Nemours avait dans les années 1960, comme d’autres firmes originaires des États-Unis, succombé au chant des sirènes luxembourgeoises pour profiter du marché unique en construction. La manufacture de plastique s’est entretemps immensément développée dans le monde (52 000 emplois), mais aussi à Contern, sa terre d’adoption locale. La firme y compte 829 salariés à la fin 2020 (864 un an plus tôt). 

Mais les syndicats s’inquiètent cette semaine de la vente d’activités luxembourgeoises opérées par la firme au Grand-Duché. Les atours du Luxembourg ne sont pas remis en question (et surtout pas ses intérêts fiscaux puisque la firme y concentre des piles de cash). Dupont réorganise ses activités au niveau international. En marge de l’acquisition du groupe spécialisé dans les matériaux d’ingénierie Rogers corporation, annoncée mardi au siège de Wilmington (Delaware), Dupont se sépare d’autres lignes d’affaires. « The businesses within the Mobility & Materials segment that are in-scope for intended divestiture are predominantly those in the Engineering Polymers and Performance Resins lines of business as well as the Company’s stake in the DuPont Teijin Films joint venture », lit-on dans un communiqué. 

Au Luxembourg (photo : pg), la direction a rencontré la délégation du personnel le même jour pour confirmer cette intention de vendre les sites de production de Dupont Teijin Film (DPT, une joint venture qui produit des feuilles de polyester pour le conditionnement alimentaire) et de Hytrel (du plastique souple notamment utilisé dans l’industrie automobile). 350 emplois seraient menacés, selon le LCGB qui s’inquiète. Dans un communiqué, le syndicat chrétien qualifie l’annonce de « surprise ». Le syndicat ne dispose pas d’information sur un éventuel repreneur et s’informera sur les modalités de la séparation des lignes de travail lors d’une réunion avec la direction prévue mardi prochain le 9 novembre. 

Selon le rapport annuel de 2020 de l’entreprise au Luxembourg, le profit lors du dernier exercice s’établit à 75 millions d’euros pour les activités commerciales. En 2020, Dupont de Nemours (Luxembourg) a réalisé 41 millions d’euros de ventes localement, 397 millions dans l’UE et 285 dans le reste du monde. Dupont a bénéficié d’une très forte demande pour sa production de Tyvek, tissu en plastique servant pour les combinaisons de protection, et de Xavan, matériau pour les masques. « Manufacturing units of Tyvek® run 24 hours a day with only short downtime, in order to respond to the large demand of protective personal equipment. Typar® manufacturing unit has increased the production of Xavan®, as a response to the huge demand on face masks. (…) Hytrel® operation was put down for several weeks due to low demand. Operators of Hytrel® have been placed on short-time », lit-on encore dans le rapport annuel. pso

La BCL ajoute une couche de vert (pâle)

La Banque centrale du Luxembourg ne reste pas là sans rien faire et tient à le faire savoir. Cette semaine, en marge de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques, la COP26, les services de Gaston Reinesch affirment leur esprit d’initiative en matière de prise en compte du risque environnemental. En sus d’adhérer à la déclaration du réseau des banques centrales et des superviseurs pour le verdissement du système financier (NGFS) qui promeut la gestion des risques et la mobilisation des capitaux afin de favoriser les investissements verts, la BCL informe qu’elle a pris un ensemble d’actions pro-environnementales. Elle élabore par exemple une analyse de l’intensité carbone du secteur financier luxembourgeois. Les résultats seront publiés dans la revue de stabilité financière 2021. Elle augmente la part des fonds propres investis selon des principes ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). Ou encore, elle bâtit une comitologie où des représentants de ses différents départements échangeront sur les possibilités de verdissement et diffuseront ainsi l’expertise en interne. Pour rappel les banquiers centraux européens, menés par Christine Lagarde, balaient d’un revers de main la proposition soumise en février par des économistes européens d’annuler une partie de la dette souveraine de l’UE que la BCE détient pour financer des projets environnementaux. « Il est de notre devoir d’alerter sur le fait que la BCE pourrait aujourd’hui offrir aux États européens les moyens de leur reconstruction écologique », avaient écrit la cinquantaines d’économistes dont Serge Allegrezza par exemple au Grand-Duché. pso

Pierre Sorlut
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