Ticker du 19 mai 2023

d'Lëtzebuerger Land vom 19.05.2023

Le devoir de vigilance à la Chambre

L’Initiative pour un devoir de vigilance place les partis politiques, notamment ceux de la coalition, face à leurs « contradictions » en matière de respect des droits de l’Homme. La plateforme rassemblant 17 organisations de la société civile a préparé une proposition de loi visant à imposer aux entreprises la prise en compte des droits humains sur toute leur chaîne de valeur. Seuls Déi Lénk et d’Piraten ont saisi l’opportunité de légiférer au niveau national et ont déposé le texte mardi (dossier 8217, photo : Fairtrade/ASTM ). L’ADR, le CSV, le DP, mais aussi le LSAP et Déi Gréng préfèrent attendre la transposition de la directive européenne, en discussion au Conseil européen (la Commission a proposé un texte en février 2022, le Parlement européen a voté sa mouture en avril dernier). Son application au Luxembourg peut être attendue « d’ici la fin de la décennie », se désespèrent les ONG qui soulignent que la France et l’Allemagne ont déjà des lois nationales en vigueur. Le Luxembourg, membre du Conseil des droits de l’Homme, traîne des pieds pour ne pas froisser son secteur financier. Une loi locale fragiliserait l’écosystème des holdings puisqu’elle les responsabiliserait ici quand l’atteinte aux droits de l’Homme interviendrait dans une zone de non-droit où les matières premières sont collectées.

La proposition de loi déposée mardi prévoit qu’un devoir de vigilance s’impose aux entreprises de plus de 250 salariés et qui ont un chiffre d’affaires supérieur à cinquante millions d’euros (ou un bilan supérieur à 43 millions). Les entreprises visées par la loi devront rédiger un plan de vigilance qui comprend une description de la chaîne de valeur, une cartographie des risques, des procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou des fournisseurs et des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves. La proposition de loi inclut le secteur financier y compris les fonds d’investissement et les soparfis. Selon le texte des ONG, toute incidence potentielle sur le climat détecté sur la cartographie devrait être corrigée selon un plan de transition conformément à l’accord de Paris. Enfin, une autorité de contrôle du devoir de vigilance (un « régulateur ») serait installée pour veiller au bon respect des normes. Évidemment, le texte porté par deux partis pesant quatre députés à la Chambre a peu de chance de passer. Dans la « vraie vie », à Bruxelles, le Luxembourg veut exclure les fonds d’investissement du périmètre de la directive. pso

Imbrogliovision

Le gouvernement a dévoilé vendredi son intention de soutenir la participation du Luxembourg au prochain Eurovision Song Contest, « le plus important concours musical jamais organisé », selon les termes du communiqué diffusé en fin de semaine dernière, à la veille de la finale de Liverpool (photo : EBU – Corinne Cumming). Le conseil de gouvernement a marqué son accord pour apporter « le soutien financier nécessaire » afin d’aligner un représentant du Luxembourg en 2024 en Suède, vainqueur samedi. Les coûts de participations à verser à l’Union européenne de radio-télévision (UER ou EBU), qui organise le concours, s’élèveraient entre 200 et 300 000 euros, selon la Radio 100,7. « À cela s’ajouteraient les coûts de sélection du candidat et la participation à l’événement lui-même », précise le média de service public et membre de l’UER. Mais c’est l’autre adhérent luxembourgeois, membre-fondateur dans les années 1950, qui piloterait la manœuvre : CLT-Ufa. Une convention est en cours de négociation entre le radiodiffuseur et l’État. « Le principe guidant le modèle de financement est que la participation du Luxembourg à l’Eurovision Song Contest devra être conçue de manière à être le plus économique possible pour le trésor public, ainsi qu’économiquement neutre pour CLT-Ufa, c’est-à-dire ne pas résulter pour CLT-Ufa ni en revenus net extraordinaires ni en coûts nets supplémentaires non couverts », explique le Service des Médias et des communications au Land. « Nous restons par ailleurs convaincus que les retombées économiques, culturelles et sociétales de la participation justifient ces coûts », poursuit le porte-parole de Xavier Bettel (DP).

Le Luxembourg a remporté l’Eurovision à cinq reprises, autant que la France. La dernière participation du Grand-Duché au Concours remonte à 1993. Une suspension de la participation dont le député Eugène Berger (DP) s’était ému en octobre 1995 dans une question parlementaire. « Cette décision rencontre l’incompréhension et la désapprobation d’une partie importante de notre population et surtout des jeunes », avait écrit le libéral, s’appuyant sur une pétition du Eurovisionsclub Lëtzebuerg qui avait recueilli 2 000 signatures. « Le gouvernement vient d’être informé par la CLT que celle-ci a décidé de ne pas renouveler son affiliation à l’UER. Cette décision a pour conséquence que notre pays ne pourra plus être représenté au Concours », avait répondu le ministre de tutelle, Jean-Claude Juncker. Confrontée à un changement dans la procédure de qualification et supposant une érosion de l’intérêt pour la manifestation, CLT avait estimé « que les coûts et risques (…) étaient sans rapport avec les contreparties », avait résumé le chrétien-social, ne lâchant un regret que du bout de sa plume. « Dans la mesure où la participation au Concours est liée à des dépenses importantes que le gouvernement ne saurait prendre en charge, (…) il appartient à la CLT d’apprécier si le coût lié à la participation est justifié », ainsi tranchait le Premier ministre (également signataire de la délégation de service public à CLT-Ufa/RTL). À la Chambre, en 2008 puis 2012, sa ministre de la Culture, Octavie Modert (CSV), résumait la non-participation du Luxembourg par le fait qu’aucun radiodiffuseur luxembourgeois n’était membre de l’UER. Cette semaine, une porte-parole de RTL, en contact avec l’UER, assure au Land que CLT-Ufa en a toujours été membre.

Concernant le risque que le Luxembourg gagne et soit contraint d’organiser la réception du concours, le porte-parole du SMC qualifie cette situation « d’hypothétique », mais assure que le gouvernement s’est « préparé à cette possibilité. » pso

ACD opacité

La radio publique 100,7 et le média en ligne Reporter s’opposent au refus de transparence de l’Administration des contributions directes (ACD). L’affaire a été plaidée mercredi devant le tribunal administratif où les organes de presse ont déposé un recours. En août 2021, 100,7 et Reporter ont demandé au fisc la communication de plusieurs circulaires et notes de services abrogées par l’ACD dans les mois qui avaient précédés. Le directeur de l’ACD a refusé trois semaines plus tard. La radio publique et le média en ligne ont saisi la Commission d’accès aux documents (CAD) en vertu de la loi Transparence. Cette dernière leur a donné raison. « Les documents sollicités sont communicables au demandeur », a écrit la commission composée d’un magistrat et de représentants du Premier ministre, de la CNPD, du Syvicol et du Service information et presse. L’ACD a fait le mort. Puisque le silence est à considérer comme un rejet, 100,7 et Reporter ont déposé un recours pour annuler la décision de facto et faire valoir leur droit à la communication des pièces. L’avocat de la partie requérante, Charles Muller, met en avant une jurisprudence de la Cour administrative au sujet de la loi Transparence. Celle-ci consiste en un cheminement vers « une plus grande ouverture de l’administration vers le public » et en « une fortification de la confiance que le citoyen administré peut nourrir face à l’administration ».

L’État sort les rames pour justifier la non-communication des documents. Le législateur aurait fixé des limites à la transparence de la vie publique et exclurait les « documents internes ». « Force est de constater que les documents demandés (….) sont destinés à un usage interne. (…) Ils s’adressent tous au personnel de l’ACD. (…) Ces documents sont à usage proprement interne, préparatoires et servant à élaborer une décision finale », prétend le représentant de l’État. Dans un mémoire en réponse de quatre pages, d’une épaisseur révélatrice du nombre d’arguments à disposition. Pour les demandeurs, les circulaires ne peuvent être considérées comme des communications internes puisqu’elles sont publiques tant qu’elles sont valides. Ce terme ne saurait s’appliquer à ces circulaires et notes de services qui sont des documents publiés sur le site web de l’ACD, fait valoir Charles Muller dans sa requête déposée en janvier 2022.

De la mauvaise volonté manifeste ou une volonté manifeste de cacher les modalités d’application des conventions de non-double imposition avec les Pays-Bas et la Belgique (datant des années 1960-1970) auxquelles, par exemple, Reporter demande d’accès ? Les circulaires en cours de validité sont publiées sur le site de l’ACD. Sur celles datant de la décennie 1970, elles commencent effectivement par une mention « au personnel », mais elles sont parfaitement publiques. Autre étrangeté constatée grâce à webarchive.org, les circulaires qui précèdent les années 2000 ont été publiées en août 2022. Contactée par le Land, la directrice générale, Pascale Toussing explique que l’ACD a procédé à un état des lieux dans le cadre du suivi d’une motion du budget 2021 (signée Sven Clement, d’Piraten) ayant trait aux « circulaires sur le site de l’ACD ». « Une bonne partie des circulaires ont été soit abrogées soit publiées », relate Pascale Toussing dans un email laconique.

Si les juridictions administratives devaient considérer que la loi limite effectivement l’accès à ces documents, les organes de presse pourraient théoriquement (ici l’un des deux est intégralement financé par l’État) se tourner vers Strasbourg pour voir l’État condamné pour violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme sur la liberté d’expression. Dans son argumentaire, l’avocat de 100,7 et Reporter se borne pour l’heure à demander au juge administratif d’écarter cette limitation. « Le travail des requérants doit permettre de contribuer à la transparence sur la conduite des affaires publiques », fait valoir Charles Muller. pso

62 595 000 euros,

C’est le coût d’acquisition pour le nouveau siège du Statec à Belval. « Pas cher du tout pour un éclairage quantitatif de l’économie et de la société luxembourgeoises », commente son directeur, Serge Allegrezza, sur Facebook. Et d’ajouter : « Amortis sur dix ans cela fait donc dix euros par an et par tête de pipe ! Ridicule. » Le promoteur belge Atenor a baptisé le complexe de cinq étages au nom de « Twist » ; un choix qui ne semble pas très heureux pour le siège d’un institut statistique. (Mais qui s’explique probablement par le fait que le building est situé sur le « boulevard du Jazz ».) Actuellement en chantier, le complexe devrait être livré en mars 2024. Cette date n’est pas anodine, puisqu’Allegrezza a annoncé quitter la direction du Statec une fois le déménagement du Kirchberg vers Belval complété (d’Land du 29.7.2022). Le projet de loi, déposé il y a deux semaines, précise une série d’adaptations demandées par l’État par rapport au projet initial, dont l’installation de panneaux photovoltaïques, produisant quelque « 36 KWh par an » (soit très peu). À la commission des finances et du budget, les députés étaient surtout rassurés d’apprendre que l’option d’achat est fixe, c’est-à-dire que le montant ne sera pas affecté par l’index du bâtiment. bt

Pierre Sorlut, Bernard Thomas
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