La fusion des fabriques d’église

Objectivons le débat !

d'Lëtzebuerger Land vom 16.09.2016

Depuis que l’Archevêque de Luxembourg, Mgr. Jean-Claude Hollerich, et le Ministre de l’Intérieur, Monsieur Dan Kersch, ont le 26 janvier 2015 apposé leurs signatures sous la Convention entre l’État du Grand-Duché de Luxembourg et l’Église catholique concernant la nouvelle organisation des fabriques d’églises (sic), beaucoup d’encre a coulé, beaucoup de bile a été répandue.

Pourquoi ces réactions pleines d’émotion, cette animosité outrancière contre un projet dont la finalité semble pourtant louable ? En effet, l’Église catholique et les pouvoirs publics ne partagent-ils pas l’intérêt de mettre un terme à l’opacité due au morcellement du patrimoine ecclésiastique ? N’est-il pas indiqué de donner à la forme de gestion de ce patrimoine, vieille de plus de 200 ans, une structure administrative mieux adaptée aux réalités modernes ? Pourquoi se cantonner à des partis pris pour vouloir préserver un héritage historique qui empêche l’Église catholique de tirer avantage de sa propriété foncière ?

Le cadre légal actuel remonte à un décret napoléonien du 30 décembre 1809 qui a créé, pour compte de l’Église catholique, des fabriques d’église1. Ce décret règle méticuleusement l’organisation de ces fabriques gérées par un conseil composé (selon le nombre des âmes que comptait la paroisse) de cinq à neuf membres, choisis parmi les « notables catholiques, domiciliés dans la paroisse ». En outre, font de plein droit partie du conseil le curé ou desservant de la paroisse et le bourgmestre de la commune (ou l’échevin qu’il aura délégué, la délégation étant de droit si le bourgmestre n’est pas catholique). Les mandats (de six ans renouvelables) sont renouvelés tous les trois ans par moitié, les membres restant nommant aux postes à pourvoir. Le conseil (et pour les affaires courantes le bureau de marguilliers2 : trois fabriciens et le curé) est responsable de la gestion financière et des opérations immobilières et il peut agir en justice.

L’excédent de dépenses que pouvait présenter le budget ordinaire (acquisition et entretien du mobilier de l’église et des produits et objets nécessaires à l’exercice du culte, rémunération des vicaires, sacristains, organistes et prédicateurs,…) devait être pris en charge par les communes jusqu’au moment où cette disposition a été supprimée par la loi du 26 mars 20153. En attendant la mise en vigueur de la loi, les communes restent tenues d’assumer l’entretien constructif (« grosses réparations ») des édifices religieux.

Ce texte remonte à une époque où la quasi-totalité de la population fréquentait régulièrement par conviction ou du moins par tradition les messes et autres services religieux du dimanche. Dans chaque localité officiait un curé ou un vicaire. Nombre de paroissiens faisaient bénéficier l’Église de legs et d’autres œuvres pieuses pour le repos des âmes de leurs proches ou pour s’assurer de la sollicitude divine dans leurs entreprises et projets familiaux.

La manière retenue pour gérer le patrimoine de la paroisse a certes eu ses avantages à un moment où d’éventuelles opérations immobilières se limitaient à des échanges de terrains agricoles ou à la conclusion de baux ruraux avec les fermiers du village.

Or, ce concept qui a donné lieu à 284 fabriques d’église, n’est plus en phase avec les 57 communautés pastorales, dans lesquelles ont été regroupées les 274 paroisses luxembourgeoises, et il le sera encore moins à l’horizon de la subdivision en projet en 35 paroisses, architecture tenant compte de l’importance du personnel pastoral disponible.

Une étude du CEPS de 2008, mentionnée dans le périodique Forum4, évalue à treize pour cent des sondés le pourcentage qui fréquente encore plus ou moins régulièrement la messe dominicale, 34 pour cent affirmant aller à l’église à l’occasion des grandes fêtes religieuses. D’autres sources avancent des chiffres moins importants. Et Michel Pauly et Laurent Schmit de s’interroger « Wenn die Gemeinden weiterhin zahlreiche und wenig genutzte Kirchen unterhalten müssen, dann wird sich die Frage alternativer Nutzungen immer häufiger stellen ».5

Le programme gouvernemental de 2009 avait prévu l’institution d’un groupe de réflexion avec pour mission de « réfléchir sur l’évolution future des relations entre les pouvoirs publics et les communautés religieuses ». Dans une motion du 7 juin 2011 la Chambre des députés avait par la suite invité le Gouvernement entre autres « à réformer la législation datant du 30 décembre 1809 sur les fabriques d’églises [et] à fixer, d’un commun accord avec les communautés religieuses, des critères permettant l’organisation d’activités non-religieuses dans les lieux de culte tout en respectant l’histoire, la destination primaire et la dignité de ces lieux ».

Et le ministre des Cultes de l’époque, François Bilt­gen, avait institué un groupe d’experts internationaux qui a remis son rapport en octobre 2012. Ce rapport comporte sur ses pages 99 et suivantes un long passage sur les fabriques d’église et l’affectation future possible des édifices religieux.

Les experts ont critiqué le fonctionnement des fabriques d’église surtout que « la constitution des conseils de fabrique et leur renouvellement ne correspondent pas à un fonctionnement très démocratique […]. Ces dysfonctionnements […] sont malheureusement accentués par des problèmes de fonds : une application confuse du décret de 1809 et une inégalité de traitement entre le culte catholique et les autres cultes conventionnés ». Car  « seules les paroisses de l’Église catholique disposent d’un établissement public de culte local, et surtout d’un financement communal obligatoire. Les fabriques ne sont pas soumises à un régime de droit précis mais plutôt à des pratiques extra legem générées par les circonstances […]. Il conviendrait par voie de conséquence de préciser le cadre juridique en vigueur. » En effet, « chaque paroisse catholique reconnue membre de la communauté pastorale continue d’être gérée par l’établissement public fabriques d’église ».

Et les experts sont d’avis que « le décret du 30 décembre 1809 gagnerait à être remplacé par un nouveau texte » et que « les aspects temporels de l’organisation des cultes [pourraient être] gérés par un établissement public sui genesis bénéficiant des mêmes avantages fiscaux que les associations sans but lucratif ».

Un deuxième aspect du rapport qui revêt son intérêt dans le contexte sous revue, concerne les édifices affectés au culte religieux. « Le grand nombre d’églises affectées à l’exercice public du culte au Luxembourg […] ne correspond plus à la sociologie religieuse de ce pays ». Deux raisons plaident en faveur d’un changement : « La première tient au tassement de la pratique religieuse. Le nombre de catholiques pratiquants réguliers est en baisse constante, même s’il peut y avoir affluence dans les lieux de culte les jours de fête religieuse ou encore lors de cérémonies à caractère familial. La deuxième raison est liée à une baisse sans précédent des vocations religieuses qui a entamé le regroupement des deux cent soixante-quatorze paroisses en cinquante-sept communautés pastorales. Un prêtre peut être en charge de huit paroisses. Dans nombre d’églises les célébrations ne se font plus de manière régulière. »

« Dans certains cas, notamment lorsque de petites communes rurales ou des villes moyennes disposent de plusieurs lieux de culte, il serait raisonnable d’en réduire le nombre et de procéder à la réaffectation du bâtiment qui soit compatible avec son ancienne destination ». Face aux options esquissées par les experts pour transposer cette idée, l’Archevêché s’est prononcé pour l’exclusivité de la célébration du culte dans les églises maintenues en service, tout en ne s’opposant pas au principe de fermeture d’autres églises préalablement désacralisées (ou rendues à l’état profane). « Die Kirche hatte sich in ihrer Antwort auf den Expertenbericht aus dem Jahre 2012 einer doppelten Nutzung der Kirchenbauten grundsätzlich verschlossen. Damit stand fest, dass der Kirchenbau entweder dem Kult dient oder eben anderen Zwecken zugeführt werden soll, nachdem es entweiht worden ist. »6

Dans la suite le programme gouvernemental de 2013 prit la relève des décisions qui avaient été préparées pendant la législature précédente : « La législation relative aux fabriques d’église sera remplacée par une réglementation qui garantira la transparence au niveau du patrimoine et des ressources des Églises ». Ce point se trouve transposé dans une convention entre l’État et l’Archevêché du 26 janvier 2015.

Dans son petit ouvrage déjà cité l’ancien Vicaire général, Erny Gillen a commenté les nouvelles relations entre l’État luxembourgeois et les communautés cultuelles que celui-ci est disposé de reconnaître.7 Concernant cette troisième des conventions signées le 26 janvier 20158, il note : « Der dritte Vertrag ist mehr als die beiden anderen eine Richtungs-aussage, auf die sich die Vertragspartner verständigen konnten ». L’ancien Vicaire général qui avait pris une part active aux négociations, assume pleinement le contenu, même si après la conclusion il a cru déceler un sentiment d’insatisfaction du côté de certains édiles locaux et des fabriciens : « Vor allem die Intention, eine absolute finanzielle Trennung zwischen Kirche vor Ort und Kommune zu erreichen, widerstrebt der Volksseele ebenso wie den gewachsenen Traditionen ».

L’auteur présente comme suit les deux objectifs de la convention: « a) die heute 285 Kirchenfabriken sollen über ein zu erarbeitendes Gesetz in einem zu gründenden Fonds zusammengelegt werden; b) die Kirchengebäude, die der katholischen Kirche in der Zukunft für den Kultus zur Verfügung stehen, müssen von diesem Fonds eigenverantwortlich verwaltet werden ».9

Ainsi, la succession des fabriques d’églises est confiée à un Fonds à créer, qui « reprendra les charges et les fonctions actuellement assumées par les fabriques des églises ». Ses relations avec l’État et les communes seront purement contractuelles (et non plus normatives comme sous le décret). À partir de 2020 le Fonds devra appliquer une comptabilité commerciale qui sera contrôlée par un reviseur d’entreprises agréé, garantie d’assurer la transparence sur les avoirs du Fonds et sur sa manière de les gérer.

La centralisation des compétences envisagée se présente à la fin du compte comme une fusion des missions des fabriques d’église locales dans un Fonds, sorte de fabrique d’église nationale, avec des compétences et des obligations sensiblement similaires à celles des fabriques actuelles. Mais le Fonds aura un atout supplémentaire. La gestion immobilière pourra, dans un pays souffrant d’un manque cruel de terrains à bâtir, être confiée à une équipe de professionnels.

Cette centralisation n’exclut pas la possibilité de rencontrer une préoccupation majeure de l’Archevêché. En effet, dans la perspective de ramener le nombre futur des paroisses luxembourgeoises à quelque 35, les statuts du Fonds pourront – et la loi en projet le prévoit expressément – régler la façon dont le Conseil d’administration nommé par l’Archevêché pourra déléguer certaines de ses compétences à des structures régionales que les textes organiques pourront définir et organiser.

Un dernier point important de la Convention retient qu’« un co-financement de ses activités par le secteur communal sera exclu ». Il a trait à l’interdiction future des communes d’intervenir, dans le financement des activités du Fonds. L’ancien Vicaire général reconnaît que « das Ziel der Selbstver-antwortung des Kultus wird von keinem ernsthaft bestritten », mais il qualifie la stipulation précitée de « gefährliche Bruchstelle im Vertrag ».

Or, si en janvier les responsables de l‘Archevêché étaient conscients du caractère pernicieux de cette stipulation, l’on doit se demander pourquoi l’Archevêque a néanmoins signé (« avec le poing dans le poche », aux dires d’aucuns qui ont voulu excuser ex post cette signature). Les parties sont tenues par le principe « pacta sunt servanda » ; des allègements de ce principe qui s’ajouteraient d’ailleurs à ceux déjà prévus dans le projet de loi, pourraient dès lors tout au plus venir du cocontractant État. Spéculer, comme le font certains milieux politiques, sur une opposition formelle du Conseil d’État, fondée sur le non-respect de l’autonomie communale, risque en tout cas de révéler de la gageure, si la Haute Corporation se tient à la ligne de conduite affichée en la matière dans ses avis récents.

Pour les édifices religieux, la convention laisse aux communes et aux fabriques d’église la façon d’en déterminer la propriété, et ne prévoit l’intervention du législateur qu’en l’absence d’accord.

La convention prévoit en outre la façon de régler les charges d’entretien constructif et courant revenant au propriétaire et à l’utilisateur. Un régime spécial est prévu pour compte de la Cathédrale de Luxembourg et de la Basilique d’Echternach, en raison de l’importance nationale de ces deux édifices ; tant l’État que les Villes de Luxembourg et d’Echternach pourront contribuer à l’entretien constructif courant des deux édifices, sur base de conventions à conclure avec le Fonds.10

D’une part, les patrimoines locaux de l’Église catholique, gérés jusqu’ici par les fabriques d’église, seront regroupés avec les droits et les obligations qui s’y rattachent, dans le nouveau Fonds qui aura la personnalité juridique, et qui sera placé sous la tutelle de l’Archevêché.

Concernant son organisation, les prérogatives contractuelles de l’Archevêché de nommer le conseil d’administration et de contrôler sa gestion sont fidèlement reprises.

Le Fonds bénéficiera des avantages réservés aux fabriques d’église tant en matière d’exemption fiscale et en matière de droits d’enregistrement sur ses opérations immobilières que pour ce qui concerne les subsides prévues par la législation sur l’aide au logement. Le Fonds pourra recevoir des dons de la part de personnes morales ou physiques, à l’instar des fabriques d’église ; les dons provenant de personnes physiques seront à l’avenir fiscalement déductibles.

Les structures de fonctionnement projetées du fonds sont conçues d’après celles des fondations d’utilité publique prévue par la loi du 21 avril 1928.11 La tutelle confiée à l’Archevêché est inspirée des dispositions légales réglant la tutelle gouvernementale sur les établissements publics de l’État. Créé de toute taille par la loi, le Fonds aura la structure d’une  entité sui generis ».

D’autre part, la loi en projet introduit des règles claires pour attribuer, en toute transparence la propriété des églises soit au Fonds soit à la commune territorialement concernée. Les droits de propriété hérités des fabriques d’église qui portent sur d’autres immeubles, devront cependant être identifiés par le Fonds lui-même en vue de l’application des règles de la comptabilité commerciale qu’il devra appliquer après un délai de grâce que la loi en projet lui accorde jusqu’en 2020, et pendant lequel une simple « comptabilité de caisse » suffira.

Le projet de loi prévoit encore comment déterminer les conséquences qui s’en dégageront pour le propriétaire et pour l’utilisateur et arrête les conditions dans lesquelles un édifice religieux pourra être cédé.

Si la fabrique d’église et la commune n’ont pas trouvé de terrain d’entente avant le 1er janvier 2017, la propriété de l’église reviendra, selon la loi, au Fonds, lorsque l’édifice continue à servir pour le culte, et les anciennes églises, désacralisées dans le passé, deviendront propriété de la commune territorialement concernée. Au cours des derniers mois l’Administration du Cadastre et de la Topographie a dressé le relevé exhaustif de tous les édifices religieux luxembourgeois. Ce travail excellent a permis d’établir pour chaque édifice son emprise au sol, son numéro cadastral qui a dû être scindé chaque fois que les alentours, p.ex. un cimetière ou un bâtiment adjacent, faisaient partie de la même parcelle cadastrale, tout en comportant les indications disponibles sur d’éventuels droits de propriété.12

Le Fonds disposera librement « en bon père de famille » des édifices qu’il possédera. La commune, propriétaire d’une église continuant de servir pour dire la messe, mettra celle-ci à la disposition du Fonds contre une indemnité annuelle que la loi en projet prévoit de fixer de 1 000 à 2 500 euros par an (soit un loyer annuel de deux à dix euros le m2) ; elle pourra aussi la céder au Fonds à titre onéreux ou non.

La commune aura le droit de demander la désacralisation de toute église qui lui appartient, et l’Archevêché sera tenu d’obtempérer à une telle demande, à moins que l’édifice ait été marqué dans la loi comme indispensable à la mission pastorale de l’Église à la suite d’une concertation en perspective entre le Gouvernement et l’Archevêché. Dans ce dernier cas, l’Archevêché pourra refuser la désacralisation demandée par la commune, qui pourra à son tour demander au Fonds de reprendre l’édifice en pleine propriété.12

En général, le propriétaire, Fonds ou commune, a la charge de la conservation et de l’entretien constructif, l’entretien courant revenant à celui qui utilise l’édifice, en l’occurrence le Fonds. Celui-ci devra par conséquent assumer les frais d’entretien afférents sans qu’il puisse compter sur une quelconque aide financière de la part des communes.

Le propriétaire, Fonds ou commune, d’une église désacralisée pourra en principe en disposer librement, à condition de respecter la « dignité des lieux ». Toutefois, si le Fonds entend céder un tel édifice, la commune et l’État jouiront d’un droit de préemption, la transaction interviendra pour le prix d’un euro, et le mobilier ecclésiastique restera acquis au Fonds.

La conclusion apparemment un peu hâtive de la convention du 26 janvier 2015 n’a pas facilité le travail d’élaboration du projet de loi n° 7037. En effet, les pourparlers intensifs entre le ministre du ressort et une délégation de l’Archevêché, présidée par le nouveau Vicaire général, ont montré nombre d’interprétations divergentes du texte. Toutefois, un grand nombre de ces problèmes ont pu être dissipés lors d’une douzaine d’entrevues qui ont eu lieu parallèlement à la mise au point définitive du projet.

Curieusement, l’offre ministérielle réitérée, d’élargir la délégation épiscopale à un représentant du Syfel n’a pas connu d’autres suites.

Par contre, le statut de propriété des biens dits de cure, réglé jusqu’ici suivant une simple décision ministérielle remontant aux années 1930, aura trouvé une assise formelle dans la loi et confirmera les droits du Fonds sur 170 parcelles d’une contenance totale de 83,40 ha.

Le Fonds aura tous les avantages fiscaux dont bénéficient les fabriques d’église et les dons lui provenant de personnes physiques seront dorénavant fiscalement déductibles, Il pourra en outre bénéficier de la garantie de l’État (plafonnée à quinze millions d’euros) pour des prêts qu’il contactera en vue du démarrage de ses activités et il n’aura à organiser ses comptes selon les règles de comptabilité commerciale qu’à partir de 2020.

Le Syfel reproche aux auteurs du projet de loi d’exproprier les fabriques d’église. Or, ces fabriques ne sont pas expropriées, mais remplacées par le futur Fonds. Le parallélisme des formes est respecté. Les fabriques, créées par un décret, seront dissoutes par une loi, acte équipollent.

La loi en projet prend soin d’affecter le patrimoine géré jusqu’à présent par les fabriques à une structure placée sous l’autorité de l’Archevêché et susceptible d’être organisé selon les besoins nouveaux de l’Église catholique au Luxembourg. Il ne semble dès lors pas très honnête d’insinuer qu’il y aurait spoliation des biens de l’Église. Et il n’est pas correct non plus d’affirmer que les nouvelles paroisses regroupées soient écartées de la gestion, car le texte légal prévoit formellement la faculté de concevoir les statuts du Fonds en vue de faire participer les structures paroissiales à la gestion du patrimoine temporel de l’Église.

L’autonomie communale fréquemment invoquée par les détracteurs de la convention n’est pas mise à mal. Cette autonomie n’est pas absolue, car le législateur peut y apporter des restrictions et aménagements de tout ordre, à condition de respecter la compétence des communes requise pour gérer leur patrimoine et leurs intérêts propres (Kernkompetenz). C’est du moins la position que le Conseil d’État a itérativement répétée dans ses avis.13

L’autonomie financière du Fonds et son obligation de joindre les deux bouts par ses propres moyens, et de ne plus pouvoir faire appel à la manne communale, continue à faire des vagues dans les protestations du Syfel. En effet, selon le nombre d’églises à entretenir, le Fonds aura, le cas échéant, maille à équilibrer ses comptes à moyen et à long terme, nonobstant l’importance du patrimoine dont il disposera. À leur tour, les édiles locaux, relayés en cela par l’opinion publique, ne sont pas rares à voir dans l’« église du village » le seul patrimoine culturel de la localité qu’ils ne sont pas disposés à abandonner à un entretien qui à la longue pourrait s’avérer défaillant. Même si nombre d’églises sont classées ou en voie d’être classées monuments historiques, le soutien étatique dû en pareilles circonstances ne comblera pas l’absence de fonds communaux garantis jusqu’à présent par le décret de 1809. La permission aux communes de participer à titre facultatif à l’entretien constructif de « leurs » églises pourrait-elle être une réponse ? En l’absence d’un inventaire fiable sur la situation patrimoniale réelle de l’Église et d’indications définitives sur le nombre d’édifices religieux à entretenir par le Fonds, à titre de propriétaire ou de simple utilisateur, il est difficile d’en apprécier l’intérêt.

Par contre, une autre question n’a pas encore été débattue. Celle d’une participation personnelle plus conséquente des catholiques luxembourgeois pour faire vivre leur Église, et leur acceptation d’un sacrifice matériel aux frais de fonctionnement de celle-ci qui ira au-delà de l’obole versée lors de la quête effectuée pendant la messe du dimanche.

L’auteur est conseiller spécial du ministre de l’Intérieur.
Paul Schmit
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