Toolbox for funds ain’t for fun
À la célébration des quinze ans de l’agence Luxembourg for Finance le 20 février dernier, la ministre de tutelle Yuriko Backes a confié avoir découvert à travers les missions de promotion que « LFF is not Luxembourg for Fun » (photo : Sven Becker). « It’s a lot of work », a poursuivi la libérale, expliquant peaufiner le cadre légal des fonds d’investissement, une réforme « extrêmement importante pour notre centre financier ». Le projet de loi a été déposé vendredi dernier. Son objectif est « d’améliorer la toolbox » des fonds et « d’accroître l’attractivité et la compétitivité de la place financière ». Le texte modifie les cinq lois sectorielles : celle de 2004 sur les Sicar (capital risque ou private equity), celle de 2007 sur les FIS (fonds d’investissement spécialisés), celle de 2010 sur les OPC (organisme de placement collectif), celle de 2013 sur les fonds alternatifs (GFIA) et celle de 2016 sur les fonds alternatifs réservés (Fiar).
Le projet facilitera les relations avec le régulateur, la CSSF, et assouplira nombre de dispositions sur les modalités d’investissement… en faveur de l’industrie. Par exemple, s’il est voté en l’état, il sera plus facile d’accéder aux produits financiers. Un investisseur sera considéré comme « averti » à partir du moment où il investit 100 000 euros (au lieu de 125 000). Idem le projet de loi rallonge la période au cours de laquelle le capital minimum doit être constitué pour les fonds. L’initiative législative modifie aussi le régime de la taxe d’abonnement pour « soutenir l’émergence de nouveaux produits européens tels que les fonds européens d’investissement à long terme (Eltif) et les produits paneuropéens d’épargne retraite individuelle (Pepp) », lit-on dans l’exposé des motifs. Le déchet fiscal serait limité à huit millions d’euros, mais pourrait être compensé par des recettes supplémentaires en raison de l’effet volume généré par ledit texte. pso
La publicité de la justice en question
A démarré mardi un cycle de conférences sur l’accès aux décisions judiciaires à l’épreuve des nouvelles technologies au Luxembourg et ailleurs. La doctorante à l’initiative, Frédérique Boulanger, a essuyé les plâtres en présentant, dans un format hybride web-présentiel, un exposé sur la publicité des jugements au Grand-Duché (en comparaison notamment avec les voisins français et belge). L’accès du public aux décisions de justice apporte une garantie démocratique, a introduit la chercheuse du département de droit de la faculté. Frédérique Boulanger voit une dialectique entre publicité et accès au processus décisionnel. La publicité est une composante de la valeur transparence, vecteur de la confiance du public à l’égard des appareils décisionnels. En fondements théoriques, la juriste cite Immanuel Kant, Jeremy Bentham ou encore Jürgen Habermas. Ce dernier envisage la publicité sous le prisme de la sphère sociale publique. Elle permettrait de responsabiliser le pouvoir public via son exposition.
À l’inverse des juridictions francophones voisines, « il n’existe pas au Luxembourg de socle légal qui consacre textuellement la mise en ligne des décisions de justice », relève Frédérique Boulanger. La publicité se fonde sur des sources conventionnelles comme la Convention européenne des droits de l’homme. On ne juge ici pas nécessaire de légiférer car il s’agirait d’une mesure symbolique garantie par des textes européens. Existe néanmoins depuis 2010 la possibilité technique de publier les décisions sur le site de l’administration judiciaire. Elle est largement mise en oeuvre depuis novembre 2019 avec la publication de presque 20 000 décisions. Depuis 1983, le service de documentation est à la charge du parquet général. Il centralise toutes les décisions et décide lesquelles seront publiées en fonction de leur intérêt. Une avocate dans l’audience s’en étonne. N’est-il pas problématique que le ministère public soit en charge de la diffusion des décisions selon leur intérêt, notamment en matière pénale, alors qu’il est partie poursuivante dans certaines affaires ?
On en saura plus bientôt. Le cycle de conférence financé par le Fonds national de la Recherche et coordonné par la professeure Séverine Menétrey se poursuivra le 17 avril avec une mise en perspective du rôle des juridictions judiciaires et administratives dans la collecte et la mise en ligne des décisions de justice. La pseudonymisation sera abordée le 25 avril. L’édition privée des jugements sera abordée avec une legtech le 11 mai puis une dimension européenne sera offerte le
19 juin. Suivra une deuxième session de conférences à la rentrée en septembre. pso
Le Smic à 3 000 euros pour les qualifiés
Le salaire social minium (SSM) qualifié passe au-dessus de la barre symbolique des 3 000 euros à partir de ce premier avril à la faveur de l’indexation automatique des salaires sur l’inflation, à 3 009,88 euros exactement. Le salaire social minimum non qualifié passe à 2 508,24 euros en vertu de cette augmentation de 2,5 pour cent. D’après les données de l’IGSS, 15,2 pour cent des salariés (hors fonctionnaires) étaient rémunérés « au voisinage du SSM » au pointage du 31 mars 2022, dont
6,2 pour cent au SSM qualifié et neuf pour cent au SSM non-qualifié. « La proportion du nombre de personnes payées au SSM qualifié par rapport à l’ensemble des personnes payées au SSM est donc de 41 pour cent », résume le Statec, interrogé par le Land.
Selon les chiffres du premier trimestre 2023 d’Eurostat et avant l’augmentation du 1er avril, le Luxembourg présente le salaire minimum le plus élevé d’Union européenne devant l’Allemagne (1 987 euros), la Belgique (1 955 euros), les Pays-Bas (1 934 euros), l’Irlande (1 909 euros) et la France (1 709 euros). À noter qu’en parité de pouvoir d’achat, les Allemands sont mieux lotis avec leur salaire minimum, selon l’agence européenne de statistiques. pso
Le passager clandestin
La réforme des retraites a déclenché une crise politique et institutionnelle en France. Son impact au Luxembourg sera réduit mais réel. Car sur les quelque 120 000 frontaliers français, un bon nombre présente des carrières mixtes. Ces derniers devront-ils travailler (et cotiser) deux ans de plus au Luxembourg avant de pouvoir toucher la part française de leur retraite ? « Si l’âge de départ à la retraite était augmenté à 64 ans en France, cela n’aurait aucune d’incidence sur les droits de retraite auprès de la Caisse nationale d’assurance pension (CNAP) », renseigne-t-on à la Sécu luxembourgeoise. « En fin de compte, cela signifierait juste que l’assuré pourrait faire valoir ses droits de pension en France plus tard. » Le principal impact pourrait se faire ressentir au niveau de l’assurance maladie, précisent les fonctionnaires de la CNAP. Car c’est la Gesondheetskees qui est en charge de l’assurance maladie des frontaliers touchant uniquement une pension luxembourgeoise. Ceux-ci continuent donc à verser des cotisations au système luxembourgeois. Ce n’est qu’à partir du moment où le frontalier perçoit également une pension en France que la compétence de l’assurance maladie bascule du côté français. « Wann den Alter vu de Pensiounen a Frankräich an d’Luucht geet, fënnt dëse Switch méi spéit statt », explique-t-on à la CNAP. Les systèmes sociaux luxembourgeois, passagers clandestins de la Grande Région, pourraient donc profiter de la réforme macronienne. bt
Compatibilitéits-Check
Depuis jeudi dernier, on connaît l’épilogue du dossier Fage. Entre Bettembourg et Dudelange, sur les terrains jadis convoitées par la multinationale grecque du yaourt, le géant des télécoms Vodafone va implanter « une plateforme logistique paneuropéenne ». Cette information se trouve à la page 4 d’une réponse du ministre de l’Économie à une question (de complaisance) posée par son camarade socialiste Dan Biancalana sur la politique industrielle (en général). Franz Fayot en profite pour peaufiner son profil de ministre volontariste et vert. Le document regorge donc de slogans qui promettent « plus de compétitivité, d’inclusivité et de résilience pour les décennies à venir ». Or, quelques tâches d’ombre apparaissent au tableau. Comme ces 500 millions d’euros prévus pour « compenser les surcoûts » au système de quotas d’émission ETS. Cette enveloppe va courir jusqu’en 2030, une période étonnamment longue mesurée à l’aune de l’urgence climatique. Décidée à la Tripartite de mars 2022 (celle dont l’OGBL avait refusé de signer l’accord), la mesure fut précédée par une intense campagne de lobbying de la part d’Arcelor-Mittal (d’Land du 6 janvier 2023). Fayot évoque le « ciblage » de sa politique de promotion et de prospection sur les « entreprises et activités qui apportent une réelle valeur ajoutée à l’économie nationale, tout en consolidant le développement qualitatif et durable du pays ». « Près de quinze investisseurs potentiels » (dont les activités seraient en ligne avec cette stratégie) auraient manifesté « un intérêt particulier » pour s’implanter au Grand-Duché. Bref, on n’en apprend pas grand-chose. Le député ADR Fernand Kartheiser voulait, lui, savoir « wéi vill Industriebetriber sech an de Joren 2018 bis 2022 opgrond vu Promotiounsreese vun der Regierung zu Lëtzebuerg néiergelooss hunn ? » Dans sa réponse, le ministre botte en touche : La vue du député sur le travail de la promotion économique serait « trop réduite ». La première grande implantation industrielle annoncée sous son mandat (mais non citée dans les deux réponses ministérielles) est celle de Joskin, un fabricant de bennes agricoles et d’épandeurs de fumier. Le projet provoque d’ores et déjà le mécontentement du conseil échevinal eschois qui aurait aimé voir s’installer des PME locales sur les cinq hectares de terrains promis au groupe belge. Le fameux comité interministériel devant procéder au « Compatibilitéitscheck » des nouveaux projets industriels serait opérationnel depuis fin 2022, « huet awer nach kee Projet definitiv aviséiert ». bt