On sait depuis longtemps que l’Union européenne n’a plus la frite. Est-ce alors pour combattre l’appétit malsain des populistes que la commission de Bruxelles a découvert sa sollicitude pour le met le plus populaire et le plus démagogique qui soit, à savoir la frite ?
Pour remplir les urnes de leurs patrons, les technocrates veulent apparemment s’inspirer des cantines qui attirent la clientèle en mettant les frites au menu. D’ailleurs, si l’andouillette ressemble à la politique, la frite tient du politique. Edouard Herriot, le regretté maire de Lyon, ne disait-il pas que l’andouillette c’est comme la politique, ça doit sentir la merde, mais pas trop. Et les hommes (comme de plus en de plus femmes) politiques ressemblent à la frite, déterminés et croustillants à l’extérieur, mous à et mœlleux à l’intérieur. Il paraît même qu’ils songeraient à remplacer leurs casseroles par des friteuses.
« Et Bruxelles là dedans ? », me direz-vous. Eh bien, ses nutritionnistes veulent interdire l’acrylamide, cet additif, cancérigène paraît-il, qui rend les frites si croustillantes et donc appétissantes. Du coup, les virils consommateurs s’inquiètent : « Nos belles frites deviendront-elles molles ? » À quelques jours de l’ouverture de la Fouer, qui nous gratifiera donc de l’image pléonastique du gratin politique local se goinfrant de frites, la question est plus que jamais d’actualité.
L’acrylamide, nous disent les scientifiques, provient d’une cuisson trop forte qui transforme l’amidon et le sucre et qui rend donc dangereux tous les produits trop cuits ou torréfiés contenant ces matières. Adieu baguette, miche, croissant, brioche, café, chocolat, j’en passe et des meilleurs ! De fins observateurs politiques ont d’ailleurs fait remarquer que Messieurs les Anglais se sont tirés les premiers et ont organisé leur Brexit rien que pour pouvoir continuer à manger en toute impunité de crispy fish and chips. Quant à notre Grande-duchesse, elle aurait lâché dédaigneusement : « Ils n’ont pas de frites ? Qu’ils mangent de la purée truffée ! »
Le ministère flamand du Tourisme s’est déjà alliée aux nombreux lobbies de l’industrie agro-alimentaire pour partir en guerre contre cette nouvelle directive. La Friture Joslet et le restaurant bien connu Le Fin Gourmand qui font parmi les meilleurs frites du Grand-Duché se sont, dit-on, joints à l’initiative.
Aux dernières nouvelles, cependant, les équipes de Juncker auraient démenti leur attentat à la double cuisson des frites pour ne pas compromettre la candidature de cette tradition culinaire belge au patrimoine mondiale immatérielle de l’Unesco. Eh oui, pour les Belges, la frite c’est une ambition nationale, contrairement à leurs voisins français, dont De Gaulle disait : « Le bifteck-frites, c’est bon. Mais cela ne constitue pas une ambition nationale. »
La Commission se bornerait donc à mettre en garde les consommateurs de ne pas consommer des frites trop brunes. Ce qui nous ramène à la politique !