Maux dits d’Yvan

Le tennis de Müller a été très visible

d'Lëtzebuerger Land du 21.07.2017

Le tennis de Gilles Müller ayant remonté la pente, j’ai eu envie de relire un vieux texte oublié (refoulé ?) de Freud1, où le maître de Vienne analyse les rapports entre le tennis et la sexualité. Ces écrits nous permettent de comprendre un peu mieux l’hystérie collective qui a gagné le Luxembourg et, accessoirement, de cerner d’un peu plus près la personnalité de notre Mulles national.

Souffrant des symptômes de sevrage des exploits des frères Schleck, mis en appétit par le succès des footballeurs de Niedercorn, les Luxembourgeois ont atteint l’orgasme national en vivant en direct sur RTL la victoire de Mulles sur Nadal en huitième de finale à Wimbledon. Les deux commentateurs éjaculaient ainsi littéralement leurs mots et leurs onomatopées, éclaboussant au passage leur malheureux confrère du Tageblatt. Feu Thierry Roland, le très franchouillard commentateur de foot, s’est, paraît-il, retourné de jalousie dans sa tombe. Eh oui, le tennis de Gilles Müller est luxembourgeois et il n’est pas peu tonique !

Battu tant de fois sur terre battue, Gilles Müller s’est donc rendu compte que l’herbe est plus verte à Wimbledon et il nous y a promis son plus beau tennis. Outre-Manche, le Schifflangeois a montré le visage d’un joueur équilibré, en pleine possession de ses moyens phalliques et névrotiques.

Dans le texte sus-cité, Freud nous apprend que le joueur de tennis passe par trois stades qui sont précédés par une sorte de préphase auto-érotique dans laquelle le joueur débutant s’amuse à taper tout seul dans la balle contre un mur et où il commence à développer son revers à deux mains. Dans la phase orale, il a recours au service à la cuillère et exhibe une jubilation tout infantile quand il fait vomir de dégoût son adversaire. Souvenez-vous de la fameuse victoire en 1989 du petit Chang à Roland-Garros face à Ivan Lendl.

Le stade sado-anal ensuite est caractérisé par un plaisir juvénile d’accumuler des points et des trophées et accessoirement, pour les femmes, de se fourrer la deuxième balle dans un petit étui accroché derrière les fesses. Le stade phallique enfin est celui où le joueur, muni de ses deux balles, se sert avec maîtrise de sa raquette pour envoyer ses coups de semonce dans le camp adverse. Müller est un as des aces, ce qui laisse penser qu’il a une tendance à l’éjaculation précoce qui le condamne trop souvent au coïtus interruptus, quand il est obligé de quitter les tournois avant d’avoir atteint la finale.

Et voilà pourquoi l’animal est si souvent triste. Mais au moins, notre héros, malgré son prénom, n’est pas atteint, comme beaucoup de ses collègues, du syndrome de Gilles de la Tourette, affection neurologique qui pousse le sujet à éjaculer compulsivement des gros mots et des interjections barbares lors de chacun de ses coups.

Nous ne pouvons donc que recommander à la psychologue de notre cher Gilles de s’inspirer du corpus tennistique de Freud pour aider son poulain à franchir de nouveaux paliers. Déjà, en huitième de finale, Nadal, ce lapin, n’a guère apprécié son tennis, à l’inverse de toutes ces jeunes filles qui aiment son tennis en pension.

1 Sex as a sublimation for tennis, from the secret writings of Freud, publié par Theodor Saretzky, Workman Publishing, New York, 1985

Yvan
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