Qu’y a-t-il de commun entre la Schouberfouer et la conduite automobile ? Le nom du président de la Sécurité routière qui flirte avec les brebis de la marche du même nom, l’habitude de boire quelques verres de trop et de jouer aux auto-tamponneuses sur les routes de nos campagnes, la griserie de la vitesse et le délicieux frisson de jouer avec le danger ?
Vous n’y êtes pas ! Jetez donc plutôt un coup d’œil sur la dernière affiche de la Sécurité routière, qui a fait couler tant d’encre et choqué pas mal d’âmes sensibles. Ces mêmes âmes qui jouent à se faire peur dans les trains fantôme installés jusqu’à avant-hier au Glacis et dont les affiches publicitaires semblent tout droit sorties du catalogue de Monsieur Hammelmann et de sa délicieuse directrice.
Et voilà pourquoi le psy de service ne peut que constater l’inefficacité, voire la contre-productivité de l’image incriminée dans le courrier des lecteurs comme dans les réseaux sociaux. Car enfin, regardez donc bien cette belle brune qui n’a rien d’une accidentée de la route, mais tout d’une vamp et d’un personnage d’un cartoon de Tex Avery. Et nous savons bien que ces caracters ne meurent jamais : ils se font écraser par un piano tombé du ciel, se précipitent du haut d’une falaise, se font réduire en purée par un chauffard… et se relèvent l’instant d’après pour continuer leur folle course.
Et c’est ainsi que cette affiche risque de bercer notre inconscient dans une douce illusion d’immortalité et nous incite à continuer d’appuyer sur le champignon. Et tout au long de l’année, notre bonne vieille voiture fait ainsi office d’un buggy de grand huit, d’un wagon de train fantôme, voire, pour les plus petits, d’une automobile de manège. Un grand merci alors à la Sécurité routière qui nous fait si délicieusement retourner en enfance, frissonner terriblement à nous faire peur, ressentir une folle sensation au bas ventre, bref qui nous transporte à la Fouer tout au long de l’année.
Mais foin de plaisanterie. Rappelons-nous aussi que le goût du risque et du danger, voire la pulsion de mort, font partie intégrante de notre psyché, James Dean, le rebelle sans cause, et Sigmund Freud, le rebelle au mille causes, vous saluent bien. Et puis, tous ces chauffards et victimes fauchés en route font aussi office de boucs émissaires. Ces morts qui (ne) sont (pas) toujours les autres sont aussi les victimes du sacrifice que nous offrons quotidiennement au dieu traffic, au Moloch Verkehr comme disent les Allemands. Que voulez-vous, tant qu’il y a des chauffeurs, il y aura des chauffards et, comme si cela ne suffisait pas, la presse vient de nous apprendre que la voiture sans chauffeur a fait elle aussi sa première victime. À quand alors le retour des bons vieux manèges à poneys ?