Cinémasteak

Mimi métallo mytho

d'Lëtzebuerger Land vom 03.02.2023

Mimi métallo blessé dans son honneur (1972). Avec un titre pareil, on s’attendrait à un drame social sur fond de lutte des classes, comme il en existait tant dans le cinéma italien des années 1970. Il n’en est cependant rien. Car le film le plus connu de la cinéaste Lina Wertmüller, qui nous a quitté le 9 décembre 2021 à l’âge de 93 ans, est en réalité une comédie grinçante qui déjoue les schémas politiques traditionnels. Point d’enjeu émancipateur de la classe ouvrière ici, contrairement à ce que laisse croire l’ouverture du film où des travailleurs sont rudement exploités au sein d’une carrière de soufre. Parmi eux se distingue un homme fort en gueule, surnommé Mimi, qui fustige les pratiques mafieuses à l’œuvre dans un paysage sicilien qui s’y est depuis longtemps résigné. Les vases communiquent parfaitement dans le Mezzogiorno, entre la politique et le patronat par exemple, comme en témoignent ces hommes déboulant en voiture sur le chantier pour rappeler le nom du candidat pour lequel les ouvriers doivent voter aux prochaines élections municipales... Sans quoi ils seront impitoyablement licenciés. Autant dire que le vote n’a rien de secret, ni de libre : une vraie parodie de démocratie. Banni pour avoir apporté sa voix au parti communiste, Mimi est contraint de quitter sa famille pour rejoindre Turin, dans le Nord de l’Italie, où il espère pouvoir mener une vie meilleure. Comme tant d’autres paysans du Sud servant de main d’œuvre à bon marché aux régions industrielles du Nord.

Issue d’une famille aristocratique suisse, Lina Wertmüller est une figure familière en Italie depuis les succès populaires qu’elle a rencontrés dans les années 1970. Elle est en revanche une quasi-inconnue en France où ses films sont quasiment tous passés inaperçus. La jeune cinéaste fait pourtant des débuts prometteurs auprès de Federico Fellini, comme assistante sur le tournage de Otto e mezzo (1963) et, sous cette élogieuse tutelle, réalise son premier long-métrage, le très remarqué I Basilischi (1963), sorte de Vitelloni se déroulant dans les Pouilles qui lui permet d’obtenir une distinction au Festival de Locarno. Après quelques films féministes réalisés sous pseudonyme dans les années 1960, elle change de registre pour s’adonner à la comédie populaire, dont Mimi métallo constitue le premier exemplaire, suivi de Film d’amour et d’anarchie (1973) et de Vers un destin insolite sur les flots bleus de l’été (1974). Pasqualino (1975) enfin, sur un malfrat napolitain devenu kapo d’un camp de concentration, fera de Lina Wertmüller la première femme réalisatrice nommée aux Oscars. Dans le rôle de Mimi, Giancarlo Giannini, son acteur fétiche, aux côtés de Mariangela Melato, qu’elle contribua à faire connaître et avec lequel elle tournera jusqu’en 1978.

Bellâtre au regard perçant, et idéologiquement « flexible » (pour reprendre un terme en vigueur aujourd’hui), Mimi le métallo a l’inconstance de Guignol. Les promesses révolutionnaires qui lui incombent au début du film sont vite déçues pour faire apparaître l’opportunisme et la lâcheté de ce personnage ambivalent, plus occupé par sa carrière et son honneur qu’à défendre les intérêts de ses camarades métallurgistes. Ainsi, après être devenu ouvrier et un militant communiste peu convaincu, il se rapproche du pouvoir mafieux pour s’affirmer comme un contre-maître soucieux de briser toute grève...

L’improbable dernière phase de cette comédie quelque peu brouillonne, focalisée sur les traditionnelles dérives machistes du Mezzogiorno (le sens de l’honneur, le virilisme, la mafia, la peur de l’homosexualité...), verse définitivement dans la farce grotesque. Comme souvent chez Wertmüller, la lâcheté et l’hypocrisie sont les vices qui accablent l’Italien du Sud.

Mimi métallo blessé dans son honneur (1972, Italie), vostf, 112’, est présenté vendredi
3 février à 18h30 à la Cinémathèque de
la Ville de Luxembourg

Loïc Millot
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