Quand une vague de froid a mis à genoux le Texas en février dernier, avec des régions entières privées d’électricité et coupées du monde pendant plusieurs semaines, causant la mort d’environ 180 personnes, il n’a pas été très difficile de retracer les décisions prises par les autorités de l’État au cours des dernières décennies pour expliquer cette vulnérabilité extrême. Au nom d’un orgueil régional mal placé, celles-ci ont insisté pour ne pas relier leurs réseaux électriques à ceux des autres régions des États-Unis. Mieux, elles ont cru bon devoir rogner année après année sur les budgets destinés à les rendre plus résilients face aux aléas météorologiques. Les ténors républicains ont cherché à mettre ce désastre sur le compte de l’essor des énergies renouvelables, sans convaincre grand monde.
L’effondrement des infrastructures énergétiques dans une des régions les plus riches du monde devrait faire réfléchir aux risques encore plus significatifs que constituent les vagues de chaleur, appelées à se multiplier du fait du réchauffement global. La chaleur est plus dangereuse pour l’homme que le froid ; elle l’est d’autant plus que l’homme a de plus en plus misé, pour y résister, sur des infrastructures que les canicules mettent facilement en échec. Les coupures de courant ont augmenté de plus de soixante pour cent entre 2015 et 2020 aux États-Unis, selon une étude parue le 30 avril dans Environmental Science and Technology, en raison d’une utilisation massive de la climatisation lors des pics de chaleur. À partir de modèles fondés sur trois grandes villes, Atlanta (Géorgie), Detroit (Michigan) et Phoenix (Arizona), les chercheurs ont conclu qu’« un blackout étendu pendant une canicule peut être l’événement climatique le plus extrême que nous puissions imaginer », alors qu’un tel scénario est « de plus en plus probable ».
Dans ces trois villes, une telle conjonction exposerait les deux tiers de la population à des coups de chaleur, alors que leurs centres d’accueils pour leurs citoyens menacés par les conditions torrides sont dimensionnés pour accueillir tout au plus deux pour cent de leur population. Sans compter qu’ils ne sont pas tenus de disposer d’un générateur de secours. À Atlanta, selon les projections de l’étude, 350 000 personnes, soit 70 pour cent des résidents, seraient exposés dans ce cas à des températures intérieures égales ou supérieures à 32° Celsius. A Detroit, il y en aurait 450 000, ou 68 pour cent. Dans la métropole de l’Arizona, ce serait la totalité de la population, près de 1,7 million de personnes, qui se trouveraient dans cette situation.
Les catégories défavorisées sont les plus vulnérables face à de tels scénarios. Interrogée par le New York Times, une porte-parole de Phoenix a indiqué que dans une telle situation de crise, « de nombreux résidents quitteraient la ville par eux-mêmes », tandis que les secours se concentreraient sur « les populations vulnérables telles que personnes âgées, infirmes ou personnes à revenus faibles ».