On l’a dit et redit, Georges Maikel Pires Monteiro est un artiste à suivre dans le paysage chorégraphique luxembourgeois. Avec sa nouvelle création chorégraphique, My Cat is a Unicorn le voilà sortir du cadre de l’’émergence pour jouer dans la cour des grands. Et bien que quelques écueils transparaissent dans son premier grand projet à la scène, on y voit une nouvelle marche franchie de façon très convaincante vers une maturité artistique dorénavant évidente.
Formé au Conservatoire de la Ville de Luxembourg, puis intégré au programme de formation et de développement professionnel SEEDs, de la compagnie CobosMika, Georges Maikel Pires Monteiro ces cinq dernières années aura collaboré avec un nombre considérable d’artistes locaux, dans les champs de la danse, du théâtre, des arts-visuels, mais aussi celui de la musique. Son ancrage au cœur d’une scène artistique grand-ducale vivace et prolifique lui offre une grande assurance dans la tenue de ses propres projets de création. Dans cette dynamique, en 2016, il crée son premier spectacle chorégraphique fest en étroite collaboration avec Piera Jovic, dans le cadre du programme des « Émergences » du TROIS C-L. Ensuite, rappelant son parcours et les affres de la condition d’artiste, il monte !MAKi?! en 2018, un projet pluridisciplinaire étonnant, pour finalement trouvé un succès critique et public, en remportant le prix « Dance From Home video » en 2020, pour sa géniale vidéo danse It Gets Better.
Pour My Cat is a Unicorn, Maikel retrouve ses chères amies les danseuses luxembourgeoises Piera Jovic (en scène) et Ileana Orofino (à l’assistanat), avec qui tout aura commencé. S’ajoute à son casting les exceptionnelles interprètes que sont Jin Lee – diplômée de la SEAD Salzburg Experimental Academy of Danse – , Laura Guy – danseuse pour le Tanztheater Katja Erdmann-Rajski –, et Shynna Kalis – apprentie au Ballet National de Marseille. Hors scène, Damiano Picci – officiant sous le blase de « mudaze » – signe l’ambiance musicale assez remarquable, quand par-dessus Marc Thein et Nina Schaeffer offrent un cadre de lumière aux interprètes, baignées dans des lumières de scène suivant strictement le narratif général. Ensemble, chaque individualité se met au service d’un collectif constitué, et par lequel tout s’imbrique divinement dans ce grand tout spectaculaire qu’est My Cat is a Unicorn.
Ainsi, à l’entrée, le quatuor de danseuses est déjà en place, des poupées de cire attendant que les lumières de la salle tombent pour lancer les premières lignes chorégraphiques de Maikel. Le noir se fait, et dans une pénombre bleutée les voilà onduler, telles des chenilles – à l’aube de leur papillonnage – le corps levé vers les cintres. Le démarrage est long, en douceur et lenteur, un temps consacré pour vernir de dramaturgie une scène devenue un territoire étrange. Là, dans ce premier acte de My Cat is a Unicorn, tout est inquiétant, factice, comme décrit dans le programme de salle, « dans un monde toujours plus concurrentiel, quatre danseuses sont prêtes à tout pour atteindre ce qu’elles pensent être la perfection ». Et donc au premier degré, l’adage se transforme en pièce, pour une première partie finalement sans grande prétention.
Pourtant, on sort vite des petites confusions dans une seconde partie où le génial commence à s’imposer. Pour transition, Maikel utilise un magnifique moment de changement de costume, qu’on regrette ne servir que de passage d’un état scénique à un autre, et non d’outil esthétique et dramaturgique offert aux spectateurs, car trop loin de nous, au lointain dans la pénombre. Quoi qu’il en soit, après transformation du vêtement noir, neutre sans teneur, les quatre femmes revêtent désormais la couleur par des robes, pantalons, et chemisiers bariolés et dépareillés. La proposition fait du bien tant la première partie aura pesé de par sa sobriété. Tout d’un coup, les interprètes semblent se parler elles-mêmes, entres-elles, ou à nous. L’axe narratif explose, trouvant un niveau d’interprétation dramatique faisant sortir cette partie de la stricte pièce de danse. Les quatre danseuses ne dansent plus vraiment, elles décrivent par le mouvement, miment, jouent. Et ici Maikel intègre une question fondamentale de la parole dans la danse, venant originellement du corps, s’immisçant chez lui quasiment dans la bouche de ses interprètes, pour les devenir « parler ».
Finalement, dans la troisième et dernière partie, quelques costumes changent, la lumière insiste sur les choix chorégraphiques, et du coin de l’œil la perche occupant dans une diagonale tombante l’espace aérien de la scène depuis le début, montre une plus franche utilité dramaturgique. Ça bouge maintenant dans tous les sens sur fond de violoncelle énervé. Les interprètes prennent possession de la scène dans un plus franc cadre de liberté. La césure est nette avec le reste de la pièce. Et puis, dans un final enlevé, la progression vers ce dézingage de la perfection se formule, et elle se fait à la perfection, comme quoi. Aussi, symbole d’une impossibilité à fonder le – véritable – chaos sur scène, My Cat is a Unicorn en prenant pour ligne problématique la recherche du « parfait », remplit à merveille sa check list.