Chroniques de l’urgence

Biden peut mieux faire

d'Lëtzebuerger Land du 24.07.2020

Joe Biden a présenté, après concertation avec son rival aux primaires démocrates américaines Bernie Sanders, un plan climat dont on a surtout retenu qu’il prévoit des investissements de 2 000 milliards de dollars en quatre ans : un chiffre vertigineux qui pourrait faire croire qu’enfin, l’establishment démocrate a compris la taille et l’urgence de l’enjeu. Il faut dire que face à l’entreprise de démolition délibérée du climat et de l’environnement à laquelle se livrent depuis 2016 Donald Trump, ses alliés républicains et leurs commanditaires, il n’en faut pas beaucoup pour paraître vertueux.

À n’en pas douter, sous une administration Biden, les énergies renouvelables auront le vent en poupe : l’ancien vice-président promet 500 millions de nouveaux panneaux solaires et 60 000 nouvelles éoliennes. Ce n’est pas rien : un triplement par rapport à l’existant pour les premiers, un doublement pour les secondes. En réalité, c’est un quintuplement voire un décuplement qu’il faudrait pour rapprocher les USA de la neutralité carbone à un rythme conforme aux exigences des scientifiques.

Washington rejoindra l’Accord de Paris si Biden l’emporte, mais il n’y a pas là de quoi pavoiser.

Les bonnes nouvelles s’arrêtent là. Au-delà d’un engagement très général de favoriser les véhicules électriques, Biden se contente de préconiser l’électrification d’ici 2030 des 500 000 bus qui sillonnent les États-Unis et se garde d’énoncer un objectif pour les voitures particulières.

Comme souvent, ce n’est pas tant en regardant le détail des propositions d’un programme que l’on appréhende ses faiblesses qu’en faisant un pas de côté pour repérer ce qui y manque. Ainsi, Joe Biden omet soigneusement de s’engager sur une sortie délibérée des énergies fossiles ou sur une politique défavorable aux SUV dotés de moteurs à explosion surpuissants. Comme s’il voulait reprendre en l’état la feuille de route climatique, notoirement insuffisante, d’Obama, dite « all of the above » parce qu’elle prévoyait un recours indiscriminé à toutes les formes d’énergie disponibles.

Pour endiguer le réchauffement, le plan Biden est insuffisant. Il ne s’agit pas seulement de combler le retard pris en quatre années d’administration Trump. Ceux qui prétendent en 2020 avoir saisi l’urgence de l’enjeu climatique devraient aussi avoir compris qu’il ne suffit pas de développer les renouvelables ou de favoriser les véhicules électriques, mais qu’il faut simultanément agir de manière ciblée et résolue pour faire reculer les énergies fossiles dans tous les domaines, en intervenant à la fois sur l’offre et la demande. Faute de quoi les émissions de gaz à effet de serre repartiront de plus belle, sous l’effet conjoint d’un rebond « classique » alimenté aux énergies fossiles et de la production en masse de nouveaux équipements. Le plan des démocrates pour le climat est, « par rapport aux réalités de notre époque, limité, timide, et très tardif », résume le stratégiste californien Alex Steffen.

Jean Lasar
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