Chroniques de l’urgence

La pub, un venin pour le climat

d'Lëtzebuerger Land du 17.07.2020

Y a-t-il une place pour la publicité dans un monde qui chercherait sérieusement à se sevrer des énergies fossiles et à tourner le dos à ses pratiques écocidaires ?

Selon ses champions, la publicité a pour vocation d’informer le consommateur sur les choix qui s’offrent à lui et aurait donc un rôle bénéfique pour l’économie. Dans une perspective de sauvetage du climat terrestre, elle est, au contraire, un maillon essentiel de la course à l’hyper-consommation et de l’exploitation irresponsable des ressources.

Admettons-le, les justifications passées de la « réclame » ne tiennent plus. C’est ce que s’attache à démontrer un rapport publié en mai en France par le programme Spim (Système Publicitaire & Influence des Multinationales), intitulé « Big Corpo – Encadrer la pub et l’influence des multinationales : un impératif écologique et démocratique ». Sur plus de 200 pages, ce rapport décortique le fonctionnement et l’impact des marchés publicitaires, qu’il chiffre à plus de 1 500 milliards de dollars en 2021 à l’échelle mondiale.

« S’il est avéré que le modèle publicitaire actuel participe activement à l’augmentation des segments les plus énergivores de la croissance – consommation massive de biens de masse à l’empreinte écologique forte – alors ce modèle devra être neutralisé ». À moins, nuance le rapport, qu’il ne parvienne à se réformer « pour servir uniquement les activités économiques les moins gourmandes en énergie ou contribuant directement à réduire la facture énergétique et à développer un modèle ‚bas carbone‘ ». Le rapport souligne aussi le rôle croissant de la publicité comme bouclier de la réputation des grands groupes, à coup de positionnements sur des enjeux éthiques et sociétaux, afin de « maintenir artificiellement l’image et la crédibilité » dont ils ont besoin.

La publication de ce rapport a coïncidé à quelques semaines près avec celle des conclusions de la Convention citoyenne pour le climat, qui contiennent les recommandations suivantes : interdire la publicité pour les produits les plus polluants, interdire les pratiques publicitaires incitant à la consommation non choisie et imposer aux navigateurs internet un bloqueur de publicité par défaut, instaurer une mention obligatoire incitant à moins consommer dans les publicités et la vente en ligne. La plus radicale de ces mesures, la première, est, selon des juristes consultés par Le Monde, entachée d’un « risque d’inconstitutionnalité ». Point épineux : qui détermine, et comment, quels sont les produits et services les plus polluants ?

Restent les questions lancinantes de la dépendance des médias d’information, y compris des réseaux sociaux, envers la publicité et, par le biais de l’autocensure ou d’une emprise directe, de l’influence des annonceurs sur leur ligne éditoriale. En plus d’être un rouage central de la course effrénée à la croissance, la pub participe aussi à la perversion de la formation de l’opinion. Il convient de la recadrer.

Jean Lasar
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