C’est avec Vivaldi Variations, une double création signée par le Luxembourgeois Jean-Guillaume Weis et l’Italien Mauro Astolfi, qu’a été lancée la saison du Grand Théâtre. Les deux spectacles (tous deux d’une durée de 45 minutes) se sont déployés sur la grande scène pour une soirée placée sous le signe de la rencontre. Rencontre entre la danse et la musique, entre deux chorégraphes contemporains et le compositeur baroque auquel ils rendent hommage, entre la compagnie italienne Spellbound Contemporary Ballet et l’Orchestre de Chambre du Luxembourg dirigé par Jean Halsdorf.
En première partie, Mauro Astolfi a proposé Vivaldiana en partant d’épisodes et d’anecdotes (pas toujours compréhensibles) qui ont émaillé la vie (musicale et religieuse) de Vivaldi. Le spectacle s’ouvre sur un solo : un danseur tout de blanc vêtu entre en scène, il est seul et regarde au loin comme s’il cherchait quelqu’un ou quelque chose... le silence règne. Une image de solitude qui contraste avec l’énergie dégagée au fil des scènes collectives qui s’enchaînent ensuite à un rythme soutenu sur un florilège de musiques du grand Vivaldi finement restituées par l’OCL. Entre mouvements harmonieux et gestes désarticulés, technique classique et jeu acrobatique, les danseurs évoluent à vive allure sur une scène qui restera nue (juste deux rangées de projecteurs à ses extrémités). La succession des tableaux est rythmée par de beaux jeux de lumière (signés par Marco Policastro) qui traduisent le passage du temps, les couleurs de la journée, les saisons de la vie. Des figures de groupe (dont ces lignes récurrentes de danseuses et danseurs qui se font face ou se croisent) se forment et se décomposent, les silhouettes se mêlent et se détachent, les corps s’enlacent ou s’accrochent. Une performance virtuose que ce Vivaldiana, qui pourtant manque peut-être un peu de respirations et d’onirisme.
Plus poétique, Seasons a su séduire le public. Un an après avoir présenté Driven, Jean-Guillaume Weis (qui a fêté ses cinquante ans) revient au Grand Théâtre avec une toute autre proposition, pour laquelle il a délaissé son habit de danseur et mis entre parenthèses les questions autobiographiques. Seasons se donne comme une relecture librement inspirée des concertos pour violon que sont les fameuses Quatre saisons de Vivaldi, mais à partir de la musique revisitée avec originalité en 2012 par Max Richter connu pour ses collaborations avec des chorégraphes de renom comme Wayne McGregor. Seasons, ode à la nature, à ses cycles et à ses humeurs, s’ouvre (et se fermera) sur une sorte de parterre de gros bonbons de toutes les couleurs dissimulant les danseurs. Peu à peu, l’imposant dispositif scénique (de Mélanie Planchard) s’anime, les bonbons se métamorphosent en rideau de feuilles chatoyantes ou forêt de papillons aux mille et un reflets, permettant aux danseurs de jouer autour et avec, de se cacher, de se dévoiler. Sur cette musique aux accents répétitifs, tantôt en accord, tantôt en rupture, le chorégraphe fait alterner scènes de groupe et tableaux intimistes, énergie collective et souffle individuel. Aux envolées lyriques répondent les mouvements saccadés qui semblent être la marque de fabrique de la compagnie de danse. Au fil de Seasons, certaines images reviennent comme celles où les neuf danseurs et danseuses se retrouvent en couples laissant toujours un des leurs en marge de la ronde. Solitude, exclusion, difficulté d’avancer, chute et réveil du corps et de la nature, mélancolie… autant de thèmes chers à Jean-Guillaume Weis développés avec la liberté de ton qu’on lui connaît dans cet émouvant dialogue avec Vivaldi/Richter.