Reporter.lu a levé le secret le moins bien gardé du Luxembourg, et Déi Lenk, dans une récente conférence de presse, ont enfoncé le clou dans ce qu’ils espèrent être le cercueil du Conseil d’État, dont ils pointaient ce qu’il faut bien qualifier des dysfonctionnements. Voilà un parti qui, enfin, appelle un chat un chat, car ce qu’on continue de désigner comme la « Haute Corporation » joue au chat et à la souris avec notre démocratie. Nous apprenons entre autres que le promoteur Becca se paie le luxe d’y avoir au moins une taupe à sa solde. Que dans une vie parallèle, ce conseiller de luxe est aussi consultant pour ce seul client qui lui a rapporté l’an dernier quelque 289 000 euros de dividendes. Une boîte (noire) bien juteuse ! Déi Lénk accusent le conseiller de « corruption » pour avoir transmis au promoteur un avis complémentaire du Conseil d’État concernant un aspect de la loi hospitalière, quelques heures avant la deadline du vote. Et comme le hasard fait bien les choses, Becca aimerait voir s’implanter des antennes médicales dans des locaux de son empire. Flav, comme l’appellent ses intimes, peut ainsi se vanter d’avoir transformé le conseiller d’État en conseiller de son état. Honni soit qui mal y pense ! Mais peut-être que les honorables 21 corporatistes voulaient simplement prouver que leur institution n’est pas cette « maison fermée où ne se mènent que de grandes discussions intellectuelles », comme l’affirmait Agny Durdu un jour sur RTL-Radio.
Dans nos pays voisins, ce véritable scandale aurait conduit le conseiller-consultant à la démission. Rien de tel cependant dans notre monarchie financière, où tous les autres partis singent les célèbres macaques qui se bouchent les yeux, les oreilles et la bouche. Yvan, pour sa part, préfère se boucher le nez devant cette fragrance qui parfume ce qui reste de notre démocratie. Car Déi Lénk ont encore dénoncé bien d’autres conflits d’intérêts au sein d’un Conseil qui reste confit dans les intérêts de la classe possédante et dominante. Ce qui est, après tout, son rôle qui n’a jamais été vraiment réformé en profondeur. Car il faut savoir qu’il a été instauré en 1856 par le Roi Grand-Duc Guillaume III pour défendre les intérêts de ce qu’on n’appelait pas encore les élites, face aux supposées velléités révolutionnaires de la Chambre des Députés. Il y eut un temps où les socialistes comptaient parmi les plus ardents défenseurs d’une réforme de la « haute » institution. Aujourd’hui ils la président. Quant aux Verts, eux aussi bruyants pourfendeurs de l’organe dans des temps antédiluviens, ils s’accommodent fort bien aujourd’hui des Verts dans le fruit.
Osons cependant mettre en garde : tant que luxe, calme et volupté continuent à régner au 6, rue Sigefroi, populistes et complotistes vont engranger les voix qui n’y ont pas droit au chapitre.
Ceterum censeo : À l’heure des grands débats sociétaux autour du début et de la fin de vie, autour des questions de genre aussi, il serait judicieux de nommer plus de philosophes et de professionnels de la santé dans un Conseil d’État réformé. Il n’y a pas si longtemps d’ailleurs, Yvan projetait de se risquer lui-même à une « longue marche à travers les institutions », en détournant quelque peu la fameuse phrase de Groucho Marx : il ne postule jamais que pour des clubs qui ne l’acceptent pas.
Ceterum censeo bis : le panachage est aux élections, ce que le panaché est à la bière : un ni-ni, une faute de goût !