Maux dits d’Yvan

Tristes Tropiques

d'Lëtzebuerger Land vom 21.04.2023

« Nous » avons raflé des médailles en ski alpin avec le néo-Luxo Girardelli, allons-nous devenir champions du monde en foot avec les néo-Luxos des bords de l’Amazone ? On a les Brésiliens qu’on peut, et si les Quataris du PSG ont leur Neymar, les Luxembourgeois du Krautmaart auront leurs électeurs de Bolsonaro. Alors, si vous avez aimé les passeports en or gracieusement offerts à des oligarques issus de républiques bananières, pétrolières et gazifères, vous allez adorer les passeports en réaux acquis par milliers ces dernières années par des Brésiliens qui se sont découvert un aïeul luxembourgeois suite à la loi, désormais bien connue, que le ministre Frieden avait fait voter en 2008. Comme l’ont récemment rappelé dans ces colonnes Bernard Thomas et Mayara Schmidt-Vieira, iels sont presque 20 000 à pouvoir s’inscrire dans la circonscription Centre et représenter ainsi pas loin de cinq pour cent du corps électoral. Mais ne feraient-ils pas mieux d’aller voir du côté de la circonscription Nord et de Grevels, village autrefois appelé « Neibrasilien » (comme le roman éponyme de Guy Helminger), et fondé pour accueillir vers 1830 ceux qui rentraient (déjà) du Brésil, la bite sous le bras, comme le chanterait Jacques Brel qui, face aux flamingants, s’affirmait lui aussi luxembourgeois.

Eh oui, pour participer à la vie politique du Grand-Duché, il vaut mieux être (néo)Luxembourgois au Brésil que Brésilien au Luxembourg. A l’Ouest de l’Atlantique, on chante « mir wëlle gi wat mer waren » quand de ce côté-ci de la mare les Lëtzeboia braillent « mir wëlle bleiwe wat mer waren ». Faisant fi du défi climatique, les verts, les socialos, le CSV et l’ADR ont emboîté l’avion aux pirates pour partir à l’abordage de ce cargo et jeter le grappin sur le butin des bulletins. Que voulez-vous, on préfère le « continent à continent » au « porte à porte » que les Pirates ont voulu interdire à Déi Lénk. Il est vrai que le Parquet ne s’est guère montré clément avec le populisme de nos flibustiers. Se prenant pour une poignée d’irréductibles Gaulois, il a coulé leur navire en les déboutant de leur plainte.

L’ironie de cette histoire veut que l’ADR, pourtant prompt à fermer la porte aux étrangers, accueille ces nouveaux citoyens à bras ouverts. Il est vrai que des émigrés qui restent chez eux ne créent guère de problèmes chez nous et que, de surcroît, ils sont plus de deux tiers à voter pour l’extrême-droite. Et il est vrai aussi que la droite chérit le droit frileux du sang au détriment du droit généreux du sol. Faut-il rappeler que ce droit du sang est historiquement en vigueur dans des nations d’émigration, comme ce fut le cas du Luxembourg et de l’Allemagne au XIXe siècle, ceci afin de garder un lien avec les enfants partis qu’on espérait toujours voir revenir en enfants prodigues ? Cette verticalité du droit du sang s’oppose à l’horizontalité du droit du sol, prôné par les nations d’immigration, comme les États-Unis ou encore la France, dans un souci d’intégrer dans le contrat social les nouveaux arrivés. Le premier fait appel à la notion de Volk, quand le second fait la part belle à la population et à la solidarité.

Que le tropisme pour ces tristes tropiques ne fasse pas oublier à nos politiques que l’appel au droit du sang en fait souvent couler ! Et qu’ils aient pour le Brésil et ses citoyens les yeux de Lévi-Strauss, étonnés, complices et lucides !

Yvan
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