Nous sommes le 25 juillet 2019. La journée commence avec un texte publié par Le Monde. Un morceau d’anthologie : dans un « gish gallop » digne de Claude Allègre, la géographe Sylvie Brunel aligne les poncifs rassurants, les approximations, les contrevérités sur la crise climatique (quelle crise, voyons, les Inuits vont enfin pouvoir manger à leur faim !), la gestion des ressources (« inépuisables » grâce à « l’ingéniosité humaine ») ou la biodiversité, abordée de manière myope et exclusivement anthropocentrique. Elle n’étaie rien de ce qu’elle avance mais coche consciencieusement toutes les cases du déni.
Tiens, dans la même veine, le Tageblatt a cru devoir, début juillet, imprimer une fois de plus la prose fumeuse de Robert Goebbels, indécrottable chantre de l’immobilisme fossile. Comment ces journaux peuvent-ils prêter leurs colonnes à des plaidoyers aussi navrants : la liberté et la pluralité d’opinion ne sont-elles pas censées être subordonnées au respect des faits ?
Ce même jour, le thermomètre vient se gausser de ces apôtres de l’ignorance. Les records de température absolus sont fracassés en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique. 40,4 degrés Celsius à Eindhoven, 40,6 degrés à Kleine Brogel en Flandres, 41,5 degrés à Lingen dans le nord-ouest de l’Allemagne, souvent pour la deuxième fois en l’espace de vingt-quatre heures.
La station météo de Paris-Montsouris enregistre 42,6 degrés, pulvérisant le précédent record de 40,6 degrés établi en 1947. Les médias couvrent assidûment ces records, sujets grand public s’il en est, montrant des enfants qui essaient de se rafraîchir dans les pièces d’eau de leur ville et citant des responsables locaux qui, sur un ton enjoué, énumèrent les mesures prises pour éviter que ne se répète l’hécatombe de 2003. Leurs reportages ne mentionnent pas la cause de ces extrêmes : cela fait désormais partie des conventions du journalisme que de tels événements soient couverts de manière superficielle, les explications scientifiques étant, dans le meilleur des cas, fournies à part. Face à des signes aussi clairs de la crise, pourquoi continuons-nous de nous complaire dans notre léthargie, de nous comporter comme des moutons de Panyrge ?
Cette séquence se clôt sur une information triomphante diffusée par Flightradar24, l’application mobile qui permet de suivre à la trace le trafic aérien mondial. Là aussi, il s’agit d’un record absolu, avec pour la première fois plus de 225 000 vols commerciaux enregistrés en une journée sur la planète. C’est la statistique vengeresse qui boucle la boucle, la cerise sur le gâteau : après l’irresponsabilité éditoriale et les températures dantesques, un zoom implacable sur un des signes les plus visibles de notre aveuglement collectif.