Si l’on s’en tient à nos contrées, on pourrait croire que le charbon comme source d’énergie est en déclin voire condamné. Même dans l’Amérique de Trump, les mines de charbon et les usines électriques qu’elles alimentent ferment les unes après les autres. Mais en Asie, ce combustible, le plus sale de tous, continue de s’étendre à la faveur d’une demande en apparence inextinguible. L’an dernier, la consommation mondiale de charbon a de nouveau augmenté, contribuant de manière significative à la hausse de deux pour cent des émissions de gaz à effet de serre. Les pays concernés, qui ont pourtant signé l’Accord de Paris, ne résistent pas à l’attrait d’un produit abondant (contrairement au pétrole et au gaz, il en reste, hélas, des siècles de réserves).
C’est le cas notamment en Chine, qui tout en développant les renouvelables, reste largement tributaire du charbon et continue d’inaugurer de nouvelles centrales. L’Inde n’est pas en reste. Un homme d’affaires indien, Gautam Adani, vient d’ailleurs de décrocher une autorisation qu’il convoitait depuis des années : celle de développer la mine de Carmichael, dans le nord de l’Australie, pour fournir le marché indien. Adani Carmichael, comme on appelle ce complexe, doit s’étendre sur un gisement de charbon thermique d’un potentiel de 70 millions de tonnes par an, de quoi émettre plus de dioxyde de carbone dans l’atmosphère chaque année au cours des cinq prochaines décennies que la ville de New York : ce serait la plus grande mine de charbon du monde. Démentant les sondages, la majorité sortante, climatosceptique et proche des entreprises minières, l’a emporté contre toute attente lors des récentes élections législatives en Australie. Bien que le feu vert à cette mine (et à d’autres projets charbonniers potentiels dans ce bassin, dit de Galilée) ait formellement été donné par le gouvernement de l’État de Queensland, il est clair que le gouvernement fédéral y est éminemment favorable. L’exportation doit se faire depuis le port d’Abbot Point, situé, cela ne s’invente pas, juste en face du Great Barrier Reef.
Face à cette attitude ouvertement climaticide du gouvernement australien, à quelle branche se raccrocher ? L’espoir que l’Inde proscrive le charbon est mince. La probabilité que les autorités australiennes reviennent sur leur décision dans un avenir proche l’est tout autant. Restent trois pistes : une poursuite de la baisse du prix du kilowattheure d’origine renouvelable à un niveau suffisant pour disqualifier le charbon ; une chute brutale de la demande mondiale d’énergie – autant dire une récession – et enfin une mobilisation suffisamment forte à travers le monde pour faire bouger les lignes et contraindre les derniers adeptes du charbon, de Varsovie à Canberra, de Pékin à Delhi, de Pretoria à Moscou, à revenir à la raison. Les Verts australiens ont indiqué ne pas avoir la moindre intention de lâcher le morceau.