Chroniques de l’urgence

Il faut juguler le méthane

d'Lëtzebuerger Land du 05.07.2019

Le méthane (CH4) piège beaucoup plus les rayons du soleil que le gaz carbonique durant ses premières années de présence dans l’atmosphère. Il est résorbé ou décomposé (en CO2 notamment) au bout de quelques années. Mais son effet de serre surpasse celui du CO2 pendant une quinzaine d’années. Une étude dirigée par Glen Peters, du Centre international de recherche sur le Climat (Cicero) à Oslo, vient ajouter une sérieuse dose d’inquiétude au débat passionné qui agite la science climatique : l’accumulation de méthane, et en particulier celui emprisonné dans le permafrost, d’où il risque de s’échapper en cas de dégel, risque-t-elle de provoquer un emballement du climat ?

La concentration de CH4 dans l’atmosphère a commencé à augmenter en 2007, après un niveau relativement stable entre 2000 et 2007. Or, il n’y a pas d’explication claire à cette hausse, qui risque de ruiner nos efforts de limitation du réchauffement.

Hors influence humaine, le méthane émis par exemple lors de la décomposition de matières organiques dans les zones humides tropicales et les territoires inondés est absorbé par des mécanismes naturels. L’expansion de l’exploitation des combustibles fossiles et de l’agriculture a perturbé le budget global du méthane, avec les émissions dues surtout à la rumination des bovins et à l’extraction et la distribution de charbon, de pétrole et de gaz, sous forme de fuites. Les dépôts de déchets sont également une source de méthane, surtout sous les tropiques.

À l’autre bout de la chaîne, les puits de décomposition sont situés principalement dans l’atmosphère, sous forme de réactions chimiques donnant du CO2, de la vapeur d’eau et de l’ozone. La décomposition aérienne a pu devenir moins efficace du fait d’une moindre concentration de son agent, l’hydroxyle (OH), supputent les scientifiques.

Trois causes interconnectées d’origine humaine ont pu causer la hausse de la concentration de méthane intervenue depuis 2007 : des émissions d’origine humaines accrues, des émissions « naturelles » en augmentation, et une baisse de la capacité d’absorption des puits. Les premières ont bel et bien augmenté du fait de la fracturation hydraulique et de la dérégulation des émissions aux États-Unis. L’extraction de charbon en Chine a aussi contribué, tout comme le nombre accru de ruminants. Les émissions dites « naturelles » ont pu être exacerbées par le changement climatique, du fait de températures plus élevées et d’épisodes extrêmes d’inondation dans les régions tropicales et subtropicales. Enfin, la présence de substances polluantes dans l’atmosphère pourrait inhiber l’effet décomposant de l’hydroxyle.

Sur dix ans, l’effet sur la température de l’ensemble du méthane présent dans l’atmosphère est 25 pour cent plus élevé que celui du CO2, alors que les émissions annuelles en volume de ce dernier sont près de cent fois plus élevées. Conclusion : il faut intensifier nos efforts pour juguler les émissions de méthane.

Jean Lasar
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