La hausse prévisible des taux d’intérêt donne quelques espoirs aux détenteurs d’épargne bancaire et d’obligations. Mais il faudra être patient car en raison des risques qu’elle représente pour l’économie et les marchés financiers elle sera probablement modeste et étalée dans le temps. En revanche après le « coup de torchon » du printemps 2020, et malgré l’inflation qui pointe, les actions offrent de meilleures opportunités. Pas de quoi, semble-t-il, atténuer l’appétence croissante des investisseurs pour des placements qui sortent des sentiers battus tout en procurant des rendements attrayants.
Depuis déjà plusieurs années les investisseurs s’intéressent, en direct ou par le truchement de fonds, à l’immobilier commercial et de bureaux. Selon des estimations concordantes, il offre une rentabilité deux fois supérieure à celle de l’immobilier locatif, lui-même très prisé. Mais il a pâti des restrictions liées à la crise sanitaire tandis que l’essor inéluctable du télétravail pose la question de l’avenir des surfaces de bureaux. C’est pourquoi les investisseurs se portent aujourd’hui davantage sur l’immobilier logistique (notamment les entrepôts commerciaux, dopés par le boom de la vente à distance) et sur des projets atypiques comme les datacenters.
À l’ère du numérique et avec l’explosion du « Big Data », les centres de données sont devenus des infrastructures indispensables. Ils fournissent des capacités considérables de stockage d’informations et une connectivité toujours plus rapide, des besoins qui ont été amplifiés par la crise du Covid. Mi-202,1 la plateforme Cloudscene a répertorié 7 581 installations dans le monde, dont près de 36 pour cent aux États-Unis. Cet actif immobilier a vocation à connaître une croissance forte dans les années à venir, mais il présente des particularités notables. En effet on ne vend pas de la surface (mètres carrés) mais de la puissance électrique délivrable (MW). La contractualisation entre le propriétaire et l’utilisateur ne se fait pas au travers d’un bail mais via un contrat de prestation de service, signé sur une longue durée et le coût de construction est élevé (plus de 10 000 euros le mètre carré) à cause du haut niveau d’équipements technologiques. Cet investissement peut être juteux (certains projets proposent un rendement annuel de cinquante pour cent) mais doit être abordé avec prudence. En plus de sa technicité, ce segment du marché est récent et étroit, avec encore peu de transactions et une part importante de propriétaires-utilisateurs (opérateurs télécoms, banques et assurances, services publics). Un point-clé est la localisation des centres. Comme pour les bureaux, ils sont soumis à une « logique d’agglomération » mais pour des raisons techniques ils sont souvent situés hors du pays de résidence des investisseurs (le plus souvent en Europe du nord et de l’est).
Autre domaine qui ne connaît pas la crise : les investissements dans des biens tels que les métaux précieux (or et argent), les pierres précieuses et les bijoux ainsi que les objets d’art et de collection (peintures, sculptures, mobilier, livres, monnaies, timbres). Plus récemment se sont ajoutés à cette liste très classique les voitures anciennes, le vin, les forêts et les terres rares. Contrairement à ce qui se passait il y a quelques décennies, où ces placements n’intéressaient que des connaisseurs et des passionnés (les Anglo-saxons parlent d’emotional assets) ou faisaient figure de valeurs-refuges, ils sont davantage recherchés aujourd’hui pour leurs perspectives de plus-values. Décorrélés des marchés financiers, ils répondent à un souci de diversification des avoirs.
C’est un domaine où les innovations sont nombreuses (on peut aujourd’hui investir dans des vaches laitières, des ruches ou des Lego) mais on note surtout des engouements passagers, plus ou moins durables, pour certains biens à certains moments. En 2021 on parle moins de voitures et de vin et davantage de montres de luxe, de whisky et de photos. Surtout, à la faveur de la reprise économique post-Covid, un placement déjà ancien mais un peu délaissé regagne les faveurs des épargnants. Il s’agit des conteneurs, utilisés pour transporter par voie maritime des marchandises : 90 pour cent des échanges mondiaux de biens sont réalisés de cette manière. On en compte quelque 500 millions d’unités. En pratique, investir dans des conteneurs consiste à financer en direct ou par des fonds des sociétés comme Touax en France (créée en 1853) qui vendent, louent ou gèrent des conteneurs. L’investisseur peut espérer un rendement d’environ 7,5 pour cent par an avec une mise très limitée, mais les contrats de location s’étalent généralement sur cinq ans, période pendant laquelle les sommes sont bloquées. Le marché est volatil. Personne ne peut prédire la durée de la pénurie actuelle et un retournement est toujours possible, comme en 2009 lorsqu’à la suite de la crise qui a engendré une baisse des échanges mondiaux, le prix des containers a chuté et leur taux de vacance fortement augmenté.
De façon générale les autorités de tutelle comme la CSSF au Luxembourg sont très réservées vis-à-vis des « placements réels atypiques », qui sont à la source d’innombrables arnaques. Ces réserves s’étendent au placement alternatif de loin le plus rentable à l’heure actuelle : les « cryptoactifs » nom donné aux monnaies virtuelles apparues au début de la décennie 2010. Selon CoinMarketCap, il existait à la mi-2021plus de 5 000 cryptoactifs, pour une valeur de 2 031 milliards d’euros. À la même date en 2020, on recensait 2 168 actifs pour 216 milliards. Le marché a donc été pratiquement multiplié par dix en à peine un an ! Il est dominé par le Bitcoin (43 pour cent du total) suivi de l’Ethereum (20,2 pour cent). Mi-novembre le Bitcoin valait environ 56 000 euros : il a augmenté de 300 pour cent en un an et de 900 pour cent en à peine trois ans. L’Ethereum, qui ne vaut que 4 050 euros, a fait encore mieux : +710 pour cent sur un an et +2 140 pour cent en trois ans. Pour des investisseurs même modestes, il est difficile de résister à la tentation malgré les mises en garde constantes des régulateurs, d’autant que les cryptomonnaies sont « en voie d’institutionnalisation » : 2021 restera l’année où des banques, gestionnaires d’actifs et organismes de paiement comme Mastercard et Visa auront permis l’accès de leurs clients à ces actifs virtuels, que l’on peut aussi utiliser pour acheter une Tesla !