La bonne nouvelle d’abord : Les prix de l’immobilier sont en train de se calmer. La mauvaise nouvelle ensuite : Cette tendance baissière n’est pas due à l’intervention de l’État, mais à une série de chocs exogènes. La pire nouvelle à la fin : Ces chocs ont fini par exclure du marché une partie de la classe moyenne, à savoir celle qui ne peut pas compter sur un héritage. Présentée aujourd’hui, la réforme de l’impôt foncier arrive sur le tard, alors que le marché se retrouve coincé. (Politiquement, les projets de loi seront surtout le problème du prochain gouvernement.) Dan Kersch (LSAP) n’a pas voulu y toucher, pas plus que son prédécesseur à l’Intérieur, Jean-Marie Halsdorf (CSV). La violence de la crise du logement, se faisant ressentir « bis wäit an de Mëttelstand », aura finalement forcé les pouvoirs publics à avancer, au bout de vingt ans de tergiversations. Qu’au-delà d’une réforme de l’impôt foncier, le DP ait accepté de taxer le foncier constructible et les logements vacants peut paraître surprenant. Le parti libéral est historiquement tiraillé entre les intérêts de la petite-bourgeoisie et ceux de la bourgeoisie d’affaires. Or, à la fin des années 2010, les compradors de la place financière ont commencé à comprendre que le verrouillage foncier menaçait le cœur même du business model luxembourgeois. Peu à peu, un nouveau consensus a pris forme, allant des fonctionnaires syndicaux aux notables patronaux, de la Chambre des salariés au think tank Idea. Le parti libéral s’est résigné à suivre le mouvement, à contre-cœur.
« Fräibetrag » : C’est comme un réflexe pavlovien à chaque fois que l’imposition foncière ou immobilière est évoquée. Quoique d’une banalité affligeante, le constat reste vrai : Les politiciens défendent la rente de leurs électeurs. La gauche adore se moquer du DP et de son propriétarisme (la « Bomi » et ses terrains), mais elle reste sujette aux mêmes automatismes. On en trouve un exemple dans la récente publication de la Fondation Robert Krieps. L’ancien président de l’OGBL, André Roeltgen, y construit une opposition entre « die oberste und absteigend bis zur oberen Mittelschicht » d’un côté, et le « privates Kleineigentum » de l’autre. Tandis que l’accumulation des premiers serait « excessive », celle des seconds devrait être « respectée » comme « allgemeingesellschaftlich akzeptabel » et mériterait… des exonérations. Tout le monde est pour la justice fiscale, à condition que ce soient les autres qui en paient les frais. Les HNWI, les conducteurs de SUV, les frontaliers, au choix.
La coalition peut pourtant fêter une petite percée politique ce vendredi. Les tensions entre un État plus volontariste et des communes plus conservatrices devraient s’exacerber, que ce soit sur la politique du logement, la transition énergétique ou l’aménagement du territoire. De nombreux PAG continuent ainsi à miser sur l’ancien lifestyle carboné, fixant des densités ultra-faibles et prévoyant un garage double par maison unifamiliale. Les communes rurales présentent aujourd’hui un potentiel constructible de 1 916 hectares, soit autant que l’agglomération Centre et la région Sud combinées ; une accumulation de décennies de népotismes communaux. Si cette masse de terrains était effectivement mobilisée, cela constituerait rien de moins qu’une catastrophe écologique.
Alors que le gouvernement martèle sa volonté d’étendre le parc immobilier public, des maires continuent à privatiser les communs fonciers. Il y a un an, Helperknapp a ainsi vendu en nue-propriété 55 parcelles communales (80 000 euros l’are). Au bout de dix ans, les propriétaires pourront vendre maison et terrain, et encaisser intégralement la plus-value. Wiltz vient à son tour de lancer la vente de 102 parcelles (45 000 euros l’are), dans l’espoir d’attirer du « pouvoir d’achat » dans cette ville ouvrière. Dans les deux cas, la ministre de l’Intérieur « regrette » que les édiles locaux n’aient pas retenu sa recommandation de passer par des baux emphytéotiques. Puis de conclure que le « principe de l’autonomie communale » primerait. 101 communes responsables de l’aménagement d’un petit territoire exposé à une forte croissance : What could possibly go wrong ?