Lutgen 1 – Luxembourg 0
Par un arrête rendu ce jeudi à l’unanimité, la Cour européenne des droits de l’Homme a donné la victoire à André Lutgen dans son combat judiciaire contre le Grand-Duché. L’avocat avait été condamné par les juges luxembourgeois pour outrage à magistrat dans une affaire pénale qui avait créé du remous dans le Landerneau judiciaire et trouvé un certain écho dans l’espace médiatique. Le Barreau s’était inquiété de l’inculpation d’un avocat dans l’exercice de sa profession et, en filigrane, du sentiment d’omnipotence que renvoyait la magistrature (d’Land, 2.7.21). En mai 2019, après un accident mortel au laminoir de Differdange d’ArcelorMittal, André Lutgen avait voulu hâter la levée des scellés afin de redémarrer la production avant le pont de l’ascension et éviter à son sidérurgiste de client des pertes financières évitables. Faute de retour du juge d’instruction, Filipe Rodrigues, André Lutgen avait communiqué ses griefs aux ministres de la Justice et de l’Économie, avec la procureure d’État en copie. En complétant : « Ce n’est pas la première fois que j’ai un incident avec lui. » En juillet 2022, la Cour d’appel du Luxembourg avait confirmé l’outrage et reproché de « subtiles formulations pour dénigrer le juge d’instruction », « un style et des insinuations malsaines ». André Lutgen devait payer mille euros d’amende et un euro « symbolique » de dommages.
Cette semaine, la Cour de Strasbourg estime que ces sanctions pénales ne trouvent pas de justification. Les expressions utilisées par André Lutgen « peuvent être qualifiées de parfaitement inappropriées », toutefois, dans le contexte de l’affaire, elles ne peuvent pas relever du pénal. La Cour rappelle la nécessité de veiller à la liberté d’expression, quitte à froisser des susceptibilités : « Une atteinte à la liberté d’expression peut avoir un effet dissuasif quant à l’exercice de cette liberté, risque que le caractère relativement modéré des amendes ne saurait suffire à faire disparaître », écrivent les juges de Strasbourg. « Cette décision de la CEDH est une victoire importante pour l’indépendance et la liberté d’expression de l’avocat dont il a besoin pour accomplir avec zèle et engagement sa mission devant les juridictions », commente l’équipe de défense d’André Lutgen. « La décision contribuera de manière significative à rééquilibrer les rapports entre avocats et magistrats dans un climat de respect mutuel », conclut-elle. pso
L’autruche
Fraîchement condamnée au pénal pour manquement à ses obligations de lutte contre le blanchiment d’argent (d’Land, 10.05.24), la notaire Martine Schaeffer n’a pas donné suite à nos sollicitations pour dire si elle occupe toujours la présidence de la chambre professionnelle. De même, la Chambre des notaires n’a pas répondu à la question de savoir si l’autorité de la profession a sanctionné Martine Schaeffer pour lesdits manquements. En principe, l’intéressée siège toujours au Comité de prévention du blanchiment et du financement du terrorisme, nous dit le ministère de la Justice. Ce dernier attend toutefois une « décision de la Chambre des notaires » pour statuer définitivement. Le ministère d’Élisabeth Margue ne choisit en tout cas pas d’exclure celle qui a manifestement fait preuve d’indélicatesse eu égard à ses obligations professionnelles. pso