Deux arrestations et des dizaines de plaintes
Jeudi dernier, alors que le Land partait à l’imprimerie en annonçant l’arrestation du fondateur de la plateforme Crypto4Winners (C4W), Luc Schiltz, le Parquet communiquait la mise sous mandat de dépôt de son associé, Adrien Castellani. Le Luxembourgeois et le Français sont soupçonnés d’avoir escroqué des centaines voire des milliers de personnes qui avaient investi dans la cryptomonnaie par leur truchement. Pendant plus de deux ans, de juteux rendements étaient offerts à qui plaçait ses bitcoins ou ethereums sur la plateforme C4W, opérée principalement depuis le Luxembourg puisque les deux suspects (à présumer innocents jusqu’à ce qu’un tribunal décide du contraire) y sont actifs. Plus de 4 000 investisseurs ont été recensés. Les avocats estiment la mise totale autour de cent millions d’euros.
Les deux hommes ont été placés en détention provisoire pour éviter qu’ils ne s’échappent à l’étranger ou n’aliènent des preuves. Plusieurs sources informent qu’ils ont mené grand train en leurs qualités de trader (dans l’ombre) pour Luc Schiltz et de CEO (à la lumière) pour Adrien Castellani. Le degré d’information d’Adrien Castellani sur le passé d’escroc du premier (condamné, entre autres, au Grand-Duché à six ans de prison dont deux fermes) et sa véritable implication dans la gestion des actifs confiés par les clients de C4W est clé. Reste également à savoir s’il reste de l’argent quelque part. L’escroquerie alléguée a été organisée via la defi (finance décentralisée) où les transactions sont visibles mais anonymes (pour la plupart).
Pour rappel, le régulateur financier et les autorités judiciaires avaient été alertés à l’été dernier sur les activités de C4W, marque qui a une entité régulée au Grand-Duché. La CSSF avait communiqué ses soupçons au parquet. Ce dernier avait ouvert une enquête à l’automne. Elle visait notamment Adrien Castellani. Ces informations ont été publiées en janvier dans nos colonnes (d’Land, 19.01.2024). Les autorités ont accéléré l’enquête après l’accident de circulation dont Luc Schiltz a été victime le 5 mars. Dès lors, les utilisateurs ont constaté sur Telegram qu’il était impossible de récupérer leur mise sur la plateforme. Samedi 9 mars, C4W a informé de la suspension des transactions et de la possibilité d’une fraude en interne. Adrien Castellani s’est retourné contre son associé le 10 mars.
Aujourd’hui la justice et les avocats des victimes potentielles cherchent à bloquer les fonds où ils pourraient éventuellement l’être : sur les plateformes d’échange, comme Binance ou Kraken, ou encore auprès de Ledger, sorte de coffre-fort crypto où étaient censés être stockés la moitié des fonds investis par les clients de C4W. De l’argent peut également être caché sur les comptes des différentes sociétés ouvertes à travers le monde par le management de C4W, en Irlande, en Suède, à Dubaï ou encore au Luxembourg. L’avocat, Andreas Komninos, a déposé des plaintes pénales cette semaine pour plusieurs dizaines de victimes. pso
Smoke ! Smoke ! Smoke !
« Ech soen Iech et riicht eraus : Dat wat mir maachen ass eigentlech inkohärent », dit Gilles Roth (CSV) ce mardi à propos du lien entre politique de santé et prix du tabac. Le ministre des Finances, qui intervenait dans le cadre d’une heure d’actualité demandée par Déi Gréng, revendique son parler cash (« ech stinn dozou » ; « ech soen dat éierlech »). Roth répète son nouveau mantra : En tant que ministre des Finances, il ne verrait comment renoncer à ce milliard d’euros de recettes. La députée Diane Adehm (CSV) tente encore la quadrature du cercle, évoquant « un mix intelligent de mesures » : « Les Finances s’occupent de l’aspect fiscal et la Santé s’occupe de l’aspect sanitaire ». « Voilà ce qu’on appelle cohérence ! », s’écrie Mars Di Bartolomeo (LSAP).
Fred Keup (ADR) joue au contrarian : « Les prix bas sur le tabac, c’est tout simplement génial pour nos finances ici au Luxembourg ! ». Il faudrait remercier « le génie » qui en eût le premier l’idée. Di Bartolomeo venait de relater une rencontre à Dudelange avec un couple d’Alsaciens cherchant la prochaine station-service pour s’y approvisionner en cigarettes. Keup rebondit sur l’anecdote : « Ma ech hätt se mat der Hand geholl a bei d’Tankstell bruecht a gesot : Allez-y, Allez-y ! Profitez ! »
Exhibant une copie du Budget 2024, le député vert lance : « Il faudrait y marquer : ‘Ce budget cause de graves maladies’ ». Les Verts auraient toujours été contre le tourisme du tabac et pour une hausse des accises, « mir kruten ons an der Regierung nëmmen ni duerchgesat », se plaint François Bausch. Mars Di Bartolomeo pointe également du doigt le « Koalitiounspartner ». « Sou einfach maache mir eis dat net », réplique sèchement Gilles Roth.
En fin de la dernière mandature, les verts et les socialistes avaient effectivement tenté de faire augmenter les accises. Le projet avait même été mis à l’ordre du jour du conseil de gouvernement, mais finit par s’y heurter à un « non » du DP, raconte l’ancienne ministre de la Santé, Paulette Lenert (LSAP), au Land.
Le risque blanchiment est par contre traitée de manière désinvolte. On ne pourrait l’exclure, dit simplement Gilles Roth, ajoutant que si quelqu’un avait des doutes, il pourrait toujours faire une dénonciation au Parquet ou à la Cellule de renseignement financier. Reste que le trafic de tabac a pris une envergure inquiétante. Des questions inconfortables se posent pour les stations-service (mais également leurs banques). À commencer par : De quelle source provient l’argent, en liquide, dépensé par les trafiquants professionnels ? (Certains remplissent des camionnettes et camions entiers, dépensant d’un coup des dizaines de milliers d’euros à la caisse.) Une autre question, toute aussi incommode : Par quels réseaux s’organise la revente au détail des produits de la contrebande ? bt