La surprise de l’espace
L’opérateur de satellites de Betzdorf, SES, a annoncé mardi l’acquisition de son concurrent de Washington, Intelsat. L’acquisition coûtera 2,4 milliards d’euros à SES s’il obtient l’aval des régulateurs (d’ici le deuxième semestre 2025). L’annonce relève de la surprise dans la mesure où la fusion entre les deux opérateurs envisagée en 2023 avait été enterrée en juin dernier. L’annonce relève de l’évidence dans la mesure où le secteur spatial connaît une vague de consolidation de ses acteurs traditionnels (qui ont engrangé leurs revenus pendant des décennies grâce à la télévision par satellite) face à l’émergence des challengers Starlink et Kuiper. Les constellations en orbite basse d’Elon Musk et Jeff Bezos tirent vers le bas les prix de l’internet par satellite, marché en croissance. En septembre dernier, Eutelsat a racheté Oneweb et sa mégaconstellation à 1 200 km d’altitude pour 3,4 milliards d’euros. Un autre acteur historique se renforce. En absorbant Intelsat, SES double quasiment sa flotte, mais s’assure surtout des synergies et une complémentarité sur différentes orbites, moyenne (entre 2 000 et 36 000 km de la surface du globe) et géostationnaire (à 36 000 km).
L’État luxembourgeois détient (en direct et via la BCEE et la SNCI) 37 pour cent des droits de vote dans SES (un tiers via les actions de catégorie B et le reste via ses titres de catégorie A). Il ne sera pas dilué après l’acquisition puisque deux milliards sont financés en cash et le complément par de l’émission de dette. Le Premier ministre et ministre de tutelle s’en est réjoui mardi matin lors d’un point presse. « SES restera une société luxembourgeoise, une société européenne », a introduit le conservateur. La destination du centre de décision était incertaine dans le cadre du rapprochement envisagé avec Intelsat l’an passé. Ce qui mettait en question la participation au marché de la souveraineté numérique de l’Union européenne par l’espace (via le programme Iris2, une enveloppe globale de plus de dix milliards d’euros). Le siège de Betzdorf est ici renforcé, de même que le rôle moteur de SES dans le spatial luxembourgeois. « Ce n’est pas seulement bon pour SES, c’est bon pour l’économie luxembourgeoise, c’est bon pour le Luxembourg », s’est ainsi félicité Luc Frieden. SES emploie au Luxembourg 600 de ses 2 000 salariés. Quelques heures après l’annonce du rachat, les syndicats se sont inquiétés de l’avenir pour les salariés de SES qui a déjà mené des restructurations en 2020.
Interrogé au sujet de la croissance de l’utilisation militaire des satellites de SES, le Premier ministre a fait valoir que le Luxembourg ne construisait « ni avions ni tanks » et que « la communication était un moyen d’aider nos alliés ». Ce n’est pas la guerre propre, mais la guerre sans se salir les mains. pso