Nouvel acteur

Mobile Wars

d'Lëtzebuerger Land vom 06.05.2004

Que pourront-ils bien offrir de neuf ? Avec Vox Mobile, un troisième réseau de mobilophonie et un cinquième acteur commercial dans ce secteur, s’apprête à lancer ses services. Y a-t-il encore une place à prendre ? Pas sans se battre, peut-on déduire des statistiques. Le Luxembourg affiche en effet une pénétration record du GSM. Les chiffres sur le marché du télphone portable sont à prendre avec précautions. LuxGSM, le réseau des P[&]T commercialisé aussi par CMD et Mobilux, annonce 349 000 clients ; Tango parle de 196 000. Or, les deux n’utilisent pas la même définition quand il s’agit de comptabiliser les cartes prépayées, la majeure partie du marché. Les indications sur les parts de marché varient dès lors d’un opérateur à l’autre. Tango s’estime à parité avec LuxGSM ; les P[&]T revendiquent une part de 60 pour cent alors que Jean-Claude Bintz de Vox Mobile croit que Tango représente 45 pour cent et LuxGSM 55 pour cent du marché. Une chose est sûre, les quatre acteurs établis gagnent bien leur vie. Le défi est davantage de fidéliser ses clients que d’en gagner à tout prix de nouveaux, la partie la plus coûteuse dans la commercialisation de services GSM. Tango, les P[&]T, CMD et Mobilux attendent donc de voir avant de s’inquiéter outre mesure de l’arrivée du challenger Vox Mobile. La téléphonie mobile est aujourd’hui, à la différence de 1998 lors du lancement de Tango, une « commodity », un service standardisé. « Nous vendons de l’air, » explique ainsi un responsable du secteur. Difficile dès lors de convaincre le client qu’il y a des raisons impératives pourquoi il devrait choisir telle offre plutôt que telle autre. Il existe pourtant des différences dans les stratégies choisies par les acteurs. Les P[&]T Luxembourg se reposent depuis les débuts de LuxGSM sur des service providers, même si seulement deux ont survécu. À côté de son propre personnel, l’entreprise publique compte encore quelques clients de la première heure, ceux pour qui téléphone est synonyme avec P[&]T ainsi que des clients « corporate » qui veulent acheter le fixe et le mobile en même temps. Ce n’est qu’avec l’introduction des cartes prépayées TipTop que les P[&]T sont devenus un acteur commercial de taille. De leurs 147 000 clients, seuls 24 000 ont un abonnement. CMD, avec ses 83 000 clients est le contre-exemple. C’est le seul acteur à compter davantage d’abonnés (60 000) que de clients avec carte prépayéé. Une politique con-sciente : les abonnés sont plus fidèles et, surtout, génèrent des revenus plus élevés que les prépayés. CMD recherche cette clientèle par une forte présence sur le terrain avec ses propres points de vente et l’offre de services évolués à la clientèle professionnelle. L’explication principale est cependant que CMD subventionne les téléphones achetés par ses clients s’ils s’abonnent pour un minimum de douze mois. Mobilux (119 000 clients) en fait de même, mais prend un rôle moins actif dans la commercialisation. Plutôt que d’opérer ses propres points de vente, la filiale des P[&]T fait confiance à des revendeurs. Avec 53 pour cent de clients prépayés Kiwi, Mobilux se situe sans doute dans la moyenne nationale. La politique commerciale de Tango a fortement évolué avec le temps. Aujourd’hui, l’offre commerciale se limite à une seule formule d’abonnement et la carte prépayée Pronto. Bien que la société opère son propre réseau, c’est l’acteur avec le moins de personnel. Fidèle à la philosophie du groupe Tele2, on recherche l’efficacité par la simplicité des produits et des messages commerciaux. C’est aussi accepter que certains grands clients ne s’y retrouvent plus. Vox Mobile semble prévoir en premier lieu un certain écrémage du marché. Plus que le nombre absolu de clients, c’est leur « Arpu » (revenu moyen par utilisateur) qui est visé. Un premier souci est ainsi de ne pas paraître trop jeune, de faire sérieux, d’étoffer ses produits d’une large gamme de services et de développer des applications particulières pour la clientèle professionnelle, des avocats en passant par les PME jusqu’aux « grands comptes ». À la rentrée prochaine, avec quelque quatorze mois de retard sur la directive européenne, les clients du GSM au Luxembourg devraient pouvoir garder leur numéro d’appel s’ils changent d’opérateur. Les préfixes 021, 091 et 061 (Vox) n’indiquent donc plus nécessairement de quel réseau on est client. La « portabilité » devrait aider Vox Mobile, par exemple quand un artisan a marqué son numéro de téléphone sur sa camionette. À elle seule, elle n’entraînera sans doute pas pour autant un mouvement majeur entre opérateurs. Encore avant la rentrée, le Luxembourg devrait entrer dans l’ère du « 3G » ou de l’UMTS. Tango s’apprète en effet à lancer une offre commerciale sur son réseau de troisème génération. Certains problèmes persistent, mais l’opérateur vise la fin du mois de mai. Il ne faut pas s’attendre à une révolution. La plupart des observateurs prédisent qu’il faudra attendre Noël 2005 avant que les téléphones UMTS ne commencent vraiment à remplacer à plus grande échelle les GSM actuels. Le client n’y verra pas nécessairement de changements, même si les écrans continueront à s’aggrandir et de nouvelles applications apparaîtront sur les mobiles. L’élément le plus intéressant de l’UMTS est pour l’instant qu’il permettra de décongestionner les réseaux GSM. Qui n’a pas été coupé en plein appel parce que la capacité du réseau est insuffisante ? La seule solution, que ce soit en GSM ou en UMTS, consiste dans l’installation d’un réseau plus dense et donc dans l’érection de nouvelles antennes. Or, il est depuis deux ans impossible d’obtenir une autorisation pour développer les réseaux. Vox Mobile a certes commencé à installer ses équipements dans le cadre de sa coopération avec LuxGSM. Mais pas question de les mettre en service. Afin de revenir dans la légalité malgré la jurisprudence restrictive des juridictions administratives, le gouvernement a proposé au printemps dernier un plan directeur sectoriel (PDS) devant fixer un cadre légal précis dans lequel les communes peuvent et doivent autoriser l’installation d’antennes. Les ministres François Biltgen et Michel Wolter avaient alors espéré que ce règlement puisse entrer en vigueur avant la fin 2003. On attend toujours. Hier, le PDS a été présenté aux députés. Dans les semaines à venir, il sera adopté au conseil de gouvernement avant d’être soumis à l’avis du Conseil d’État. Son adoption définitive reviendra au nouveau gouvernement. Au ministère de l’Intérieur, on parle de l’automne. De quoi désepérer les détenteurs d’une licence UMTS. Car la téléphonie mobile a encore un bel avenir devant elle. Elle continue ainsi a ravir des parts de marché à la téléphonie fixe. Les recettes des P[&]T au niveau de la téléphonie sur le réseau fixe baisse ainsi de cinq pour cent par année, alors que le chiffre d’affaires de la mobilophonie progresse à grands pas. Avec l’UMTS, la question se pose si un phénomène similaire se développera dans la connexion à Internet. Le « 3G » permet en principe un service à une vitesse de 384 kbps, ce qui dépasse les offres DSL de base sur le réseau fixe. Des acteurs comme Tango et Vox Mobile développeront sans doute des formules pour concurrencer le DSL par l’UMTS. Aux P[&]T, on reste plutôt dubitatif. La capacité des réseaux hertziens du mobile n’atteindra jamais le niveau du réseau fixe – des limites dictées par la physique. Surtout que les besoins en débit vont toujours croissants. Il reste que sur un plan commercial, il sera sans doute possible d’offrir des tarifs compétitifs avec l’UMTS, au moins aux surfeurs occasionels qui se déplacent beaucoup avec leurs ordinateurs portables. Il sera dans ce contexte intéressant de suivre les développements sur le front du wireless LAN (WiFi). Si la technologie est assez banale, le défi est surtout la facturation du service. Les opérateurs de mobilophonie sont idéalement positionnés pour offrir ce service, soit en prépayé soit avec un abonnement. Le GSM continuera à être utilisé pour téléphoner. Mais les possibilités offertes par la technologie continueront de croître. Le mobile sera en même temps un peu radio, un peu ordinateur, un peu console de jeu et même un peu télévision.

Jean-Lou Siweck
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