Face à un défi inédit qui est en même temps une menace existentielle, il ne saurait y avoir qu’une parade simple et efficace : un coup de baguette magique, ou alors ce fameux « silver bullet » cher aux Anglo-Saxons. Foin de contorsions, de dispositifs compliqués, de contraintes lourdes et de sacrifices par définition injustement répartis, ce qu’il nous faut, c’est une réponse universelle et indolore qui nous permette de revenir au plus vite au statu quo ante et de repartir de plus belle. Autant il est tentant de se placer dans cette perspective et de rêver à un « après » qui, grâce à une telle solution-miracle, ressemblerait furieusement à notre « avant », autant cet état d’esprit risque de nous induire profondément en erreur.
Cela vaut pour la pandémie, mais cela vaut aussi et bien plus encore pour les délitements que nous préparent le réchauffement et l’effondrement du monde naturel. Les experts de l’IPBES (Plateforme science-politique intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques, l’équivalent du Giec pour le monde naturel) sont formels : d’autres virus, potentiellement tout aussi, voire plus dangereux, attendent leur heure pour passer d’un hôte animal à un hôte humain. L’exacerbation et le caractère systématique de nos empiètements inconsidérés sur l’univers naturel font que les prochaines pandémies sont littéralement préprogrammées. Or, enfermés dans notre modèle simpliste, nous nous réjouissons de régler son sort au Covid-19 à coup de campagnes massives de vaccinations sans nous préoccuper des menaces sanitaires tapies dans l’ombre.
A fortiori, il n’y a pas de remède universel à notre addiction aux produits fossiles et aux dégâts causés par nos pratiques prédatrices qui y sont associées. L’abandon des hydrocarbures, le recours systématique aux énergies renouvelables et l’électrification massive sont certes indispensables, mais si nous nous limitons à de vastes programmes d’investissement pour réaliser cette transition (et nous en sommes, hélas, très loin), nous raterons le coche. Trop souvent, les débats relatifs à l’urgence climatique se polarisent sur ces mesures et s’enlisent dans des disputes interminables sur leur faisabilité. Un peu comme si nous discutions de la probabilité que les vaccins soient inefficaces et que cette discussion serve de prétexte pour ne pas questionner nos pratiques invasives ultra-risquées à l’égard du monde naturel. De même, si nous décidons finalement d’entamer sérieusement la transition énergétique, mais omettons de nous attaquer simultanément aux inégalités entre pauvres et riches, entre femmes et hommes, entre droits des générations futures et droits des générations actuelles, nous réussirons peut-être à repousser le pire, mais perpétuerons un modèle destructeur qui finira par avoir notre peau. Moins encore qu’aux risques de futures pandémies, il n’y a pas de remède unidimensionnel à la crise climato-civilisationnelle.